Réf. : CE 3/8 ch.-r., 25 juin 2021, n° 448486 (N° Lexbase : A41334XD)
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par Marie Le Guerroué
le 30 Juin 2021
► Les dispositions de l'article 8 bis ter, paragraphe 5, de la Directive 2011/16 (N° Lexbase : L5101IPM), portent-elles une atteinte injustifiée à la protection du secret professionnel de l'avocat garantie par les articles 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L0230LGM) ainsi que par les articles 8 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) ? C’est à cette question que devra, en substance, répondre la Cour de Justice de l’Union européenne.
Rappel. La Directive 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018, dit " DAC 6 " (N° Lexbase : L6279LKR) modifiant la Directive 2011/16 du Conseil du 15 février 2011 en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration a institué, en amont de leur mise en œuvre, une obligation de déclaration à l'administration fiscale des montages juridiques susceptibles d'entraîner une perte de matière fiscale impliquant plusieurs États membres de l'Union européenne ou un État membre et un pays tiers. Ces dispositions ont été transposées en droit interne par l'article 1er de l'ordonnance du 21 octobre 2019 relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, lequel a notamment inséré des articles 1649 AD (N° Lexbase : L9972LS7) à 1649 AH (N° Lexbase : L9976LSB) au sein du Code général des impôts
Procédure. Le Conseil national des barreaux, la Conférence des Bâtonniers et l'Ordre des avocats du barreau de Paris soutiennent que la règle selon laquelle les intermédiaires se prévalant de leur secret professionnel doivent notifier sans retard à tout autre intermédiaire les obligations déclaratives qui leur incombent, énoncée au 4° du I de l'article 1649 AE du Code général des impôts (N° Lexbase : L8507LXD), lequel se borne lui-même à reprendre les dispositions de l'article 8 bis ter, paragraphe 5, de la Directive 2011/16, porterait une atteinte injustifiée à la protection du secret professionnel de l'avocat garantie par les articles 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que par les articles 8 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Annulation des alinéas trois à sept du paragraphe 180 des commentaires publiés au BOFiP-Impôts sous la référence BOI-CF-CPF-30-40-10-20. Pour la Haute juridiction, en prévoyant, en premier lieu, que les intermédiaires soumis au secret professionnel disposent du délai de trente jours prévu au I de l'article 1649 AG pour solliciter l'accord de leur client afin de procéder à la déclaration du dispositif, puis d'un nouveau délai de trente jours courant à compter du jour de la réception de cette réponse pour, selon sa teneur, soit déclarer le dispositif, soit notifier l'obligation déclarative aux autres intermédiaires impliqués dans le montage dont ils ont connaissance, en deuxième lieu, que, pour les personnes notifiées à qui incombe l'obligation déclarative, le délai de trente jours s'ouvre à réception de la notification et, en troisième lieu, que la déclaration du dispositif doit intervenir dans un délai de quatre-vingt-dix jours courant à compter de la date d'envoi de la première notification, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que la déclaration prévue à l'article 1649 AD doit intervenir dans le délai de trente jours prévu à l'article 1649 AG quand bien même la mise en oeuvre du dispositif en cause nécessite l'intervention d'un ou plusieurs intermédiaires soumis au secret professionnel, les alinéas trois à sept du paragraphe 180 des commentaires attaqués ajoutent à la loi dont ils ont pour objet d'éclairer la portée. Ils sont, par suite, entachés d'incompétence et doivent être annulés.
Saisine de la CJUE. Pour le Conseil d’Etat, la question susvisée soulève également une difficulté sérieuse de validité d'un acte pris par les institutions de l'Union. Il y a, dès lors, lieu, pour celui-ci, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de ces questions en application du b) de l'article 267, alinéa 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur le surplus de la requête du Conseil national des barreaux, de la Conférence des Bâtonniers et de l'Ordre des avocats du barreau de Paris.
👉 La Cour de justice de l'Union européenne devra se prononcer sur les questions préjudicielles suivantes : L'article 8 bis ter, paragraphe 5, de la Directive 2011/16 : |
Pour aller plus loin : lire déjà, M. Sgarra, Secret professionnel des avocats : le Conseil d’État rejette le recours contre le « BOFiP DAC 6 », Lexbase Fiscal, mars 2021, n° 856 (N° Lexbase : N6628BY7) ; G. Massé et A.-C. Piroth, DAC 6 : une application pratique plus complexe et incertaine, Lexbase Fiscal, mai 2020, n° 824 (N° Lexbase : N3300BYU). |
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