La lettre juridique n°868 du 10 juin 2021 : Marchés publics

[Textes] Les nouveautés introduites par les nouveaux CCAG 2021

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par Thomas Gaspar, Avocat au barreau de Montpellier, Selas Charrel & Associés, Chargé d’enseignement à la faculté de droit de l’Université de Montpellier

le 09 Juin 2021

 


Mots clés : commande publique • CCAG • exécution des marchés

La crise sanitaire en aura repoussé la publication et la sortie, initialement prévues le 1er avril 2020, mais ils sont enfin là, les nouveaux cahiers des clauses administratives générales applicables aux marchés publics – ou pas – sont en vigueur depuis le 1er avril 2021 du fait de six arrêtés interministériels (1 par CCAG) publiés au Journal officiel le même jour.


 

Poisson d’avril ou pas, le 1er avril est devenu depuis quelques années LA date de la commande publique, et la réforme des CCAG n’échappe pas à la règle désormais traditionnelle d’une publication des textes définitifs la veille pour une application le lendemain.

Fort heureusement s’agissant des CCAG, qui par principe sont « facultatifs », l’utilisation de nos – désormais - anciennes versions de 2009 demeure possible, a minima jusqu’au 30 septembre 2021, puisque l’article 3 des arrêtés du 30 mars 2021, à l’exception du nouveau CCAG Maîtrise d’œuvre qui ne prévoit une telle disposition [1], a fixé une période transitoire pour les acheteurs en prévoyant que « les marchés publics qui se réfèrent au cahier des clauses administratives générales (…), pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence envoyé à la publication entre 1er avril 2021 et le 30 septembre 2021, sont réputés faire référence au cahier des clauses administratives générales dans sa rédaction antérieure au présent arrêté, sauf s'ils font expressément référence au présent arrêté » [2].

Au-delà des conditions d’application temporelles, la réforme des CCAG avait pour ambitions et objectifs, un peu plus de 10 ans après la sortie des dernières versions, décennie où la commande publique a fortement évolué d’un point de vue de législatif, règlementaire et jurisprudentiel [3], de « 

- actualiser les clauses des CCAG ;

- améliorer leur lisibilité;

- renforcer la sécurité juridique durant la phase d’exécution des marchés publics ;

- améliorer l’équilibre des relations contractuelles ;

- adapter les CCAG à l’ère du numérique et de l’ouverture des données ;

- faire des CCAG un instrument de politique publique au service de l’accès des PME aux marchés publics et des achats durables » [4].

Au-delà de ces objectifs, l’un des grands apports de la réforme est la création d’un sixième CCAG dédié aux marchés de maîtrise d’œuvre qui souffraient antérieurement d’une référence systématique au CCAG Prestations Intellectuelles (PI) qui n’était pas totalement adapté à la particularité des prestations.

Objectifs et ambitions peut-être imparfaitement atteints, en tout cas a minima sur certains sujets. Nous ferons un panorama de cette réforme en revenant - sans prétendre à l’exhaustivité - sur les grandes nouveautés communes à tous les CCAG (I) avant de faire un focus plus précis sur les nouveautés spécifiques au CCAG Travaux (II) et les grandes lignes du nouveau CCAG Maîtrise d’œuvre (III).

I. Les grandes nouveautés communes à tous les CCAG

L’important travail de la réforme est d’avoir créé une architecture commune à tous les CCAG, laquelle vient intégrer dans chaque CCAG des items « colonne vertébrale » partagés par tous les cahiers, qu’il s’agisse, outre l’harmonisation des terminologies avec le Code de la commande publique (CCP), de la création d’un préambule commun (A), de l’intégration de la dématérialisation et du RGPD (B), de nouveautés en matière d’exécution financière (C), de la généralisation des règles de propriété intellectuelle (D), de l’apparition du développement durable (E) ou de précisions en matière de prévention et de règlement des différends (F).    

A. La création d’un préambule commun

Chaque nouveau CCAG voit naître un article intitulé « Préambule » qui vient préciser qu’il appartient à l’acheteur et/ou au maître d’ouvrage de choisir le CCAG le mieux adapté aux prestations objet de son marché, et d’y faire expressément référence dans les documents particuliers.

Au-delà de ce rappel presque surabondant tant il est désormais constant que le CCAG ne s’applique que si le CCAP y fait référence, ce préambule ajoute que le(s) CCAG ne sont pas « adaptés » aux marchés privés, i.e aux marchés conclus par des acheteurs privés.

Cette nouveauté a le mérite de lever le doute qui subsistait quant à la possibilité pour un acheteur « privé », mais soumis au Code de la commande publique, d’appliquer les CCAG, même si le fait que les CCAG soient jugés « inadaptés » aux marchés conclus par des acheteurs privés, pourtant soumis au CCP, n’est pas tout à fait conforme à une réalité pratique où les acheteurs privés, de type SEM ou SA d’HLM, appliquent quasi-systématiquement ces textes.

Enfin, même si la position adoptée n’est pas forcément partagée par tous, le préambule vient trancher la question de la possibilité de faire référence à plusieurs CCAG sur un même marché comportant des prestations de nature différente, en précisant que « par principe, un marché ne peut se référer qu'à un seul CCAG », sauf pour le cas particulier des marchés globaux [5].

B. L’intégration de la dématérialisation et du RGPD

Tous les CCAG sont également mis à jour pour intégrer la dématérialisation dans l’exécution des marchés publics, déjà obligatoire pour la passation des marchés de plus de 25 000 euros HT depuis le 1er octobre 2018.

Les dispositions relatives à l’exécution dématérialisée se traduisent par l’introduction de la référence aux « profils d’acheteurs » pouvant devenir plateforme unique de communication en cours d’exécution, sous réserve bien entendu qu’ils le permettent ce qui n’est actuellement que peu le cas. Il est toutefois regrettable qu’il soit mentionné qu’une notification sur le profil d’acheteur soit réputée acquise 15 jours plus tard en cas de consultation par le titulaire, délai beaucoup trop long qui risque de freiner l’exécution.

Des clauses de rappel de la règlementation en matière de facturation électronique et du portail Chorus Pro, qui figurent déjà au sein des articles L. 2192-5 (N° Lexbase : L7164LQE) et suivants du Code de la commande publique, sont également introduites, portail de facturation électronique sur lequel devra s’insérer le maître d’œuvre dans l’exécution des marchés de travaux [6].

Le Règlement Général de la Protection des Données (RGPD) fait également son apparition dans les CCAG qui en reprennent les grands principes, à savoir la prohibition de transmission de données à des tiers en violation des règles nationales et européennes, une clause de réexamen automatique en cas de modification desdites règles, et les stipulations obligatoires du CCAP à ce sujet [7].

C. Les nouveautés en matière d’exécution financière

Les CCAG intègrent également de nouvelles dispositions communes en matière d’exécution financière, avec tout d’abord l’intégration d’un système d’option pour les avances [8], l’option A permettant d’appliquer un taux supplétif de 20 %, par rapport à l’option B qui reste sur le taux minimum applicable en vertu du Code de la commande publique [9].

Les nouveautés communes en matière d’exécution financière concernent aussi deux points importants qui ont fait couler beaucoup d’encre.

Il s’agit, d’une part, de la mise en place d’un plafonnement, par principe, des pénalités contractuelles de retard à hauteur de 10 %, ajouté au surplus à une procédure contradictoire préalable à leur application et imposant un délai d’observation du titulaire qui ne peut être inférieur à 15 jours [10].

Si l’on peut débattre du principe même du plafonnement qui est a priori bien inférieur à ce que le juge administratif considère lui comme excessif [11], ou de l’intérêt de la généralisation d’une procédure contradictoire préalable là où les pénalités ont toujours été applicables sur simple constat [12], il est clair que les nouveaux CCAG tendent à rechercher une relation contractuelle plus partenariale et peut-être moins exorbitante du droit commun, caractéristique pourtant du contrat administratif.

Cette recherche de relation plus équilibrée et plus partenariale se traduit également dans le retour des clauses incitatives, ou les primes pour respect des engagements, qui avaient pourtant disparu, sans que l’on n’en connaisse réellement les raisons et les impacts, lors du passage de l’ordonnance et du décret « marchés » au CCP le 1er avril 2019 [13], font leur réapparition dans les CCAG [14].

D. La généralisation des règles de propriété intellectuelle

Dans les versions de 2009, seul le CCAG PI disposait de clauses relatives à la propriété intellectuelle, avec le fameux système des options A et B, que les droits sont concédés ou non, à titre exclusif ou non [15].

La réforme consacre désormais une clause unique de propriété intellectuelle dans tous les CCAG [16], à l’exception du CCAG Maîtrise d’œuvre où elle a été rédigée un peu plus sur mesure pour s’adapter aux spécificités des marchés publics de maîtrise d’œuvre [17].

Un régime « de base » sans option, auquel il pourra bien entendu être dérogé, est intégré de manière très exhaustive dans chaque cahier en quatre articles : la définition des résultats et des connaissances antérieurs ; le régime général des connaissances antérieures et des connaissances antérieurs dites standards ; les dispositions spécifiques aux connaissances antérieures et connaissances antérieures standards et le régime des résultats.

Les nouveaux CCAG fixent le principe selon lequel « la conclusion du marché n’emporte pas transfert des droits de propriété intellectuelle ou des droits de toute autre nature afférents aux connaissances antérieures et aux connaissances antérieures standards », mais vient permettre un droit pour l’acheteur « d’utiliser ou faire utiliser les résultats, en l’état ou modifiés, de façon permanente ou temporaire, en tout ou partie, par tout moyen et sous toutes formes, pour les besoins et finalités d’utilisation exprimés dans les documents particuliers du marché et en toute hypothèse pour les besoins d’utilisation découlant de l’objet des prestations commandées dans le cadre du marché ».

E. L’apparition du développement durable

Le développement durable, sujet ô combien d’actualité y compris matière de commande publique avec la future loi « Climat et Résilience » en cours de débat à l’Assemblée nationale et au sénat, était attendu et ce d’autant plus qu’il s’agissait d’un objectif affiché du gouvernement sur cette réforme.

Un article intitulé « Développement durable » est inséré dans chacun des CCAG [18], divisé en deux sous-parties, l’une sur les clauses d’insertion sociale et l’autre sur les clauses environnementales.

La partie sur la clause d’insertion sociale est particulièrement développée en définissant les publics éligibles, de modalités de mise en œuvre, d’intervention de facilitateur, et de difficultés, contrôle et pénalités, créant un régime exhaustif dès le cahier général auquel les CCAP n’auront désormais qu’à renvoyer.

En revanche, la partie sur la clause environnementale demeure décevante en restant totalement facultative et en étant rédigée de manière extrêmement succincte, se résumant à la phrase selon laquelle « les documents particuliers du marché précisent les obligations environnementales du titulaire dans l’exécution du marché. Ces obligations doivent être vérifiables, selon des méthodes objectives, et faire l’objet d’un contrôle effectif ».

F. Les nouveautés en matière de prévention et règlement des différends

Chaque CCAG intègre quelques nouveautés communes en un dernier article relatif au règlement des différends entre les parties.

Une définition du « différend », point de départ des processus de réclamation dans certains CCAG, est donnée en reprenant celle fixée par la jurisprudence [19] selon laquelle le différend peut résulter « soit d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l'acheteur et faisant apparaître le désaccord ; soit du silence gardé par l'acheteur à la suite d'une mise en demeure adressée par le titulaire l'invitant à prendre position sur le désaccord dans un délai qui ne saurait être inférieur à quinze jours ; soit de l'absence de notification du décompte de résiliation » [20].

En outre, chaque CCAG incite au règlement amiable des différends en affirmant que les parties « privilégient le recours à un comité consultatif de règlement à l'amiable, à la conciliation, à la médiation, notamment auprès du médiateur des entreprises, ou à l'arbitrage, dans les hypothèses et les conditions prévues par le Code de la commande publique », ces modes alternatifs interrompant les délais de recours contentieux.

II. Les nouveautés spécifiques au CCAG Travaux

Sans prétendre à l’exhaustivité, le nouveau CCAG Travaux intègre quelques nouveautés qui lui sont propres, que ce soit sur le régime des ordres de services (A), les dispositions relatives au prix et aux modalités de règlement des comptes (B) ou encore sur les délais d’exécution (C).

A. Les nouveautés relatives au régime des ordres de service

Dans le CCAG Travaux 2021, le régime de l’ordre de service est en partie renouvelé.

Tout d’abord, le CCAG apporte une clarification bienvenue à la définition de l’ordre de service en précisant qu’il s’agit de la décision du maître d’œuvre, mais également celle du maître d’ouvrage.

Aussi étonnant soit-il, dans sa version 2009, l’article 3.8.1 du CCAG indiquait seulement que les ordres de services « sont signés par le maître d’œuvre », comme s’ils ne pouvaient – ou ne devaient – pas être signés par le maître d’ouvrage.

Cette précision s’accompagne de l’ajout important selon lequel « les ordres de service émis par le maître d’œuvre entrainant une modification des conditions d’exécutions du marché, notamment en termes de délai d’exécution, de durée et de montants, font l’objet d’une validation préalable par le maitre d’ouvrage ».

Désormais, le principe demeure celui de la validation – ou du contreseing - préalable du maître d’ouvrage pour tous les ordres de service affectant des éléments essentiels du contrat comme les délais, la durée ou le montant. Ce qui impactera nécessairement la régularité des ordres de service et, partant, le droit à indemnisation du titulaire pour les travaux supplémentaires commandés par leur biais [21].

Ensuite, le caractère exécutoire des ordres de services est atténué avec l’intégration d’une nouvelle hypothèse où le titulaire sera autorisé à ne pas s’y conformer dès lors qu’il aura émis des réserves « visant à informer le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre qu’un ordre de service présente un risque en terme de sécurité ou qu’il contrevient à une disposition législative ou règlementaire à laquelle le titulaire est soumis dans l’exécution des prestations objet du marché » et que le maître d’ouvrage n’y a pas répondu dans un délai de 15 jours [22].

Enfin, le CCAG Travaux vient intégrer l’interdiction des ordres de service à « zéro euro » issu de la loi « PACTE » [23], en mentionnant désormais que « les ordres de service prescrivant des prestations supplémentaires ou modificatives qui ont une incidence financière sur le marché donnent lieu à rémunération complémentaire dans les conditions de l’article 14 » [24].

B. Les nouvelles dispositions relatives au prix et aux modalités de règlement des comptes

 

En matière de prix et de modalités de règlements des comptes, le CCAG Travaux intègre quelques nouveautés mineures, au demeurant communes pour certaines avec les autres CCAG, relatives aux avances avec le système d’option, aux modalités de rémunération d’un groupement avec la fixation du principe selon lequel chaque cotraitant perçoit directement les sommes quel que soit la forme du groupement [25], la facturation électronique, ou encore la possibilité pour le maître d’ouvrage de mettre en demeure le titulaire en cas d’absence de transmission de son projet de décompte final [26].

Deux nouveautés méritent d’être un peu plus soulignées.

D’une part, le CCAG Travaux vient intégrer un principe d’évolution du prix en cas de « modification imprévisible de la législation ou de la règlementation applicable en cours d’exécution du marché ayant un impact sur les prix », qui imposera que les parties se rencontrent pour en évaluer l’impact financier et le formaliser par voie d’avenant.

Atténuant en partie la jurisprudence « Région Haute Normandie »[27] relative au droit à rémunération complémentaire du titulaire d’un marché à forfait, il appartiendra aux acheteurs d’être précis dans leur CCAP sur la définition du périmètre des modifications de la législation ou de la règlementation considérées comme prévisibles, d’intégrer des clauses de réexamen découlant de la survenance d’une modification imprévisible pour éviter d’être bloqués par le régime des modifications de marché, ou carrément en dérogeant purement et simplement à ce principe.

D’autre part, la jurisprudence « Centre Hospitalier de Versailles » [28], et celle qui s’en est suivie, relative aux effets des principes d’unicités et d’intangibilité du décompte général [29], fait son apparition.

L’article 13.4.2 du CCAG Travaux précise désormais que « si des réserves émises à la réception des travaux ne sont pas levées ou si le maître d’ouvrage a connaissance d’un litige ou d’une réclamation susceptible de concerner le titulaire au moment de la signature du décompte général, celui-ci est assorti d’une mention indiquant expressément l’objet des réserves, du litige ou de la réclamation » à défaut de quoi il « ne pourra réclamer au titulaire les sommes nécessaires à la levée des réserves ni appeler ce dernier à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre dans le cadre d’une procédure contentieuse au titre des litiges ou réclamations dont il avait connaissance au moment de l’établissement du décompte ».

Une vigilance accrue sera de mise pour les maîtres d’ouvrage, sauf à déroger à ces dispositions en différant le délai de transmission du projet de décompte final du titulaire à la levée de la dernière réserve ou à la remise des DOE, ou en intégrant une possibilité de sursoir à la notification du décompte général en cas de réserves, ce qui semble encore possible.

C. Les nouveautés liées aux délais d’exécution

Dans les dispositions relatives aux délais, l’une des nouveautés principales du CCAG Travaux, outre bien entendu les modifications inhérentes à tous les CCAG (régime des pénalités notamment) concerne les modifications apportées en matière de prolongation des délais.

L’article 18 liste les cas dans lesquels la prolongation des délais est justifiée, en modifiant la « rencontre de difficultés imprévues » qui devient « la survenance de difficultés ou de circonstances imprévues » et, surtout, en venant préciser que l’hypothèse du retard dans l’exécution d’opérations préliminaires qui sont à la charge du maître d’ouvrage vise aussi « les autorisations administratives liées à l’exécution du marché ».

En outre, il précise que l’importance de la prolongation est bien décidée par le maître d’ouvrage et qu’un ordre de service mentionnant la durée de la prolongation doit être notifié au titulaire.

III. Les grandes lignes du CCAG maîtrise d’oeuvre

La dernière grande nouveauté, attendue, de la réforme, est bien la création d’un CCAG dédié aux marchés de maîtrise d’œuvre.

Son architecture est calquée sur celle du CCAG PI, avec des modifications spécifiques intégrées pour tenir compte de la spécificité des marchés de maîtrise d’œuvre.

Dans les dispositions spécifiques aux marchés de maîtrise d’œuvre par rapport aux dispositions des marchés de prestations intellectuelles, l’on retrouve tout d’abord une mention spécifique dans le préambule destinée à faire le lien avec le CCAG Travaux, qui précise que « les documents particuliers du marché garantissent que les modalités d’exécution des prestations de maîtrise d’œuvre sont compatibles avec les clauses du CCAG-Travaux portant sur le rôle du maître d’œuvre dans le cadre de l’exécution des marchés de travaux ».

Les dispositions générales ajoutent logiquement le « programme de l’opération incluant le détail de l’enveloppe financière prévisionnelle retenue par le maître d’ouvrage et affectée aux travaux » ainsi que « les éventuelles pièces écrites et graphiques remises par le maître d’ouvrage lors de la consultation », aux pièces contractuelles par principe du marché de maîtrise d’œuvre [30].

Un principe d’interdiction de la sous-traitance pour des tâches essentielles identifiées dans les documents particuliers du marché, que l’on retrouve dans le Code de la commande publique [31], est mentionné par rapport aux autres CCAG [32], du fait de l’importance de certaines missions de maîtrise d’œuvre, notamment de conception, qui justifient cet encadrement.

C’est ensuite sur les dispositions relatives au prix, et ses modalités de fixation et d’évolution, que le CCAG Maîtrise d’œuvre présente les plus grandes particularités avec le CCAG PI.

Le caractère provisoire du prix du marché initial, conformément à l’article R. 2112-18 du Code de la Commande publique (N° Lexbase : L4341LR9), est intégré, ainsi que les principes de détermination du contenu du forfait de rémunération provisoire et du passage à la rémunération définitive, qui induisent nécessairement la conclusion d’un avenant et qui devront être expressément « définis dans les documents particuliers du marché » [33].

Le droit à l’adaptation de la rémunération du maître d’œuvre est lui aussi bien cristallisé, avec un droit d’opposition à la réalisation de prestations non valorisées [34], par transposition de la jurisprudence « Babel » [35], ainsi qu’un mode de fixation par ordre de service de prix nouveaux provisoires pour des prestations supplémentaires ou modificatives, devant ensuite faire l’objet d’un avenant.

Le maître d’œuvre bénéficie, par rapport aux titulaires d’autres marchés plus classiques, d’un droit à s’opposer à l’exécution d’ordres de service prescrivant des prestations supplémentaires ou modificatives à hauteur de plus de 10 % du montant hors taxes du marché initial et qui n’auraient pas encore donné lieu à la signature d’un avenant [36].

Enfin, toujours en matière de rémunération et de délais, le CCAG Maîtrise d’œuvre offre aux maîtres d’œuvre une vraie souplesse par rapport à la rigidité de la jurisprudence à leur égard [37], en mentionnant qu’en « cas de prolongation de la durée du chantier ayant pour conséquence une augmentation de plus de 10 % de la durée du marché de maîtrise d’œuvre, les parties se rapprochent afin d’examiner d’une part, les responsabilités associées à ce retard, et, d’autre part, si l’impact sur les missions du maître d’œuvre est suffisant pour déclencher une valorisation financière » [38].

Sur le terrain de l’exécution des prestations, l’on note l’introduction d’une clause qui ne figurait pas dans les projets initiaux, relative aux évolutions potentielles des marchés « en cas de circonstances que des parties diligentes ne pouvaient prévoir dans sa nature ou dans son ampleur et modifiant de manière significative les conditions d’exécution du marché » [39].

Cette nouvelle rédaction instaure une clause de réexamen générale, qui pourrait permettre d’utiliser l’hypothèse déjà prévue par le Code de la commande publique à ce titre [40], mais dans une limite potentiellement plus importante que 50 % du montant du marché initial.

Pour terminer, les stipulations financières du nouveau CCAG opèrent une mise en cohérence avec celles relatives aux marchés de travaux, avec l’intégration d’un mode de règlement des comptes et du solde intégrant un processus de projet de décompte final jusqu’au décompte général définitif [41].

Quel impact dans ma pratique ?

- prendre connaissance en détail des nouvelles dispositions des CCAG pour adapter ses CCAP, de manière à savoir y déroger et/ou à le compléter/modifier, lorsque cela est nécessaire ; 

- s’approprier les dispositions du nouveau CCAG maîtrise d’œuvre et en tirer les conséquences dans la rédaction de son dossier de consultation de marché de maîtrise d’œuvre, et dans l’exécution du marché ;

- et ce… d’ici le 30 septembre 2021.

 

[1] L’article 2 de l’arrêté du 30 mars 2021, portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de maîtrise d'œuvre (N° Lexbase : L9095L3A) (NOR : ECOM2106877A) prévoit : « les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur le 1er avril 2021. Elles sont applicables aux marchés pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d'appel à la concurrence envoyé à la publication à compter de cette date ».

[2] Art. 3 des arrêtés du 30 mars 2021, portant approbation du cahier des clauses administratives générales, NOR : ECOM2106871A pour les marchés publics de travaux N° Lexbase : L9134L3P) ; NOR : ECOM2106868A, pour les marchés publics de fournitures courantes et services (N° Lexbase : L9087L3X) ; NOR : ECOM2106874A, pour les marchés publics de prestations intellectuelles (N° Lexbase : L9104L3L) ; NOR : ECOM2106875A, pour les marchés publics de techniques de l'information et de la communication (N° Lexbase : L9136L3R) ; NOR : ECOM2106873A, pour les marchés publics industriels (N° Lexbase : L9105L3M).

[3] Depuis 2009, se sont succédées une Directive européenne 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la Directive 2004/16/CE (N° Lexbase : L1896DYU), l’abrogation du Code des marchés publics et l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 (N° Lexbase : L9077KBS), du décret n° 2016-360 du 25 février 2016 (N° Lexbase : L3006K7H), puis du Code de la commande publique issu de l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 (N° Lexbase : L0938LN3) et du décret n° 2018-1875 du 3 décembre 2018 (N° Lexbase : L0945LNC).

[4] Objectifs de la réforme affichés par la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances, lors de sa réunion de lancement des groupes de travail du 16 septembre 2019.

[5] Marchés globaux listés à l’article L. 2171-1 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L8182LQ4).

[6] Art. 11.3 du CCAG MOE.

[7] Art. 5.2 des CCAG.

[8] Art. 10.1 des CCAG (sauf CCAG MI art. 12.1).

[9] CCP, art. L. 2191-2 (N° Lexbase : L4403LRI), L. 2191-3 (N° Lexbase : L4571LRQ), R. 2191-11 (N° Lexbase : L4859LYM) et R. 2191-12 (N° Lexbase : L4865LYT).

[10] Art. 14.1.2 CCAG FCS, PI, TIC ; art. 16.2.2 CCAG MOE ; art. 15.2 CCAG MI ; art. 19.2.1 CCAG Travaux.

[11] Voir un arrêt récent qui valide des pénalités représentant 28 % du montant du marché : CAA Lyon, 29 avril 2021, n° 19LY02718 (N° Lexbase : A74864QC).

[12] CE, 15 novembre 2012, n° 350867 (N° Lexbase : A9806IW4).

[13] Les dispositions de l’article 17 du décret n° 2016-360 n’ont pas été reprises dans les dispositions du Code de la commande publique alors pourtant qu’elles figuraient dans le projet au sein de l’article R. 2112-19  : « Des clauses incitatives peuvent être insérées dans les marchés publics notamment aux fins d’améliorer les délais d’exécution, de rechercher une meilleure qualité des prestations et de réduire les coûts de production ».

[14] Art 15 CCAG FCS, PI, TIC ; art. 17 CCAG MOE ; art. 16 CCAG MI ; art. 19.4. CCAG Travaux .

[15] Art. 25 CCAG PI 2009.

[16] Art. 45 à 48 CCAG Travaux ; art. 34 à 37 CCAG FCS ; art. 32 à 35 CCAG PI ; art. 37 à 40 CCAG MI ; art. 43 à 46 CCAG TIC.

[17] Art. 22 à 24 CCAG MOE.

[18] Art. 20 CCAG Travaux ; art. 16 CCAG FCS ; art. 16 CCAG PI ; art. 17 CCAG MI ; art. 16 CCAG TIC ; art. 18 CCAG MOE.

[19] CE, 22 novembre 2019, n° 417752 (N° Lexbase : A4879Z34).

[20] Art. 55 CCAG Travaux ; art. 46 CCAG FCS ; art. 43 CCAG PI ; art. 49 CCAG MI ; art. 55 CCAG TIC ; art. 35 CCAG MOE.

[21] Voir pour le cas de travaux supplémentaires sur ordre verbal du maître d’œuvre : CAA Paris, 3 juillet 2007, n° 04PA02056 (N° Lexbase : A1597DXG).

[22] Art. 3.8.2 CCAG Travaux.

[23] Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, relative à la croissance et à la transformation des entreprises (N° Lexbase : L3415LQK) ayant modifié l’article L. 2194-3 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L7167LQI).

[24] Art. 3.8.6 CCAG Travaux.

[25] Art. 10.7 CCAG Travaux.

[26] Art. 12.3.4 CCAG Travaux.

[27] CE, 5 juin 2013, n° 352917 (N° Lexbase : A3368KGT).

[28] CE, 20 mars 2013, n° 357636 (N° Lexbase : A8585KA9).

[29] CE, 17 mai 2017, n° 396241 (N° Lexbase : A1666WD3) ; CE 6 mai 2019, n° 420765 (N° Lexbase : A0378ZBM).

[30] Art. 4 CCAG MOE.

[31] CCP, art. L. 2193-3 (N° Lexbase : L4569LRN).

[32] Art. 3.6.1 CCAG MOE.

[33] Art. 10.2.1 CCAG MOE.

[34] Art. 14.3 CCAG MOE.

[35] CE, 29 septembre 2010, n° 319481 (N° Lexbase : A7497GAW).

[36] Art. 14.2 CCAG MOE.

[37] Voir en ce sens pour une application récente : CAA Lyon, 12 décembre 2019, n° 17LY01314 (N° Lexbase : A70463A9).

[38] Art. 15.3.5 CCAG MOE.

[39] Art.25.2.1 CCAG MOE.

[40] Art. R.2194-5 du CCP.

[41] Art. 11.7 et 11.8 CCAG MOE.

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