Lexbase Affaires n°161 du 31 mars 2005 :

[Jurisprudence] L'application de l'article 1415 du Code civil au cas du cautionnement par actes séparés d'une même dette par deux époux

Réf. : Cass. civ. 1ère, 8 mars 2005, n° 01-12.734, M. Yves Nizard c/ Société Banque générale du commerce, FS-P+B (N° Lexbase : A2439DHS)

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le 01 Octobre 2012

Parce que le cautionnement est un acte grave, l'article 1415 du Code civil (N° Lexbase : L1546ABU), issu de la loi du 23 décembre 1985 qui a investi les époux des mêmes pouvoirs sur les biens communs, a limité le gage des créanciers en affirmant que "chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement [ou un emprunt], à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres". Le texte fait l'objet d'un important contentieux dont on s'est déjà, ici même, fait l'écho à quelques reprises (1). Entre autres difficultés, se pose la question de savoir si la règle de l'article 1415 s'applique dans l'hypothèse dans laquelle les époux communs en biens s'engagent afin de garantir une même dette par actes séparés. Dans l'affaire ayant donné lieu à un récent arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 8 mars 2005, à paraître au Bulletin, une banque avait, en effet, accordé des facilités à une société, moyennant l'engagement en qualité de cautions des époux qui en étaient associés. Précisément, par des actes distincts, chacun d'eux s'est porté caution solidaire envers la banque de l'ensemble des engagement de la société, l'épouse ayant, en outre, nanti au profit de la banque deux bons de caisse constituant des biens communs en garantie des mêmes engagements. Les juges du fond avaient considéré que les dispositions de l'article 1415 du Code civil n'avaient pas lieu d'être, ici, appliquées, chacun des époux ayant accordé sa sûreté pour le paiement de la même dette de telle sorte que, par des mentions au demeurant identiques, ils avaient engagé leurs biens communs. La Cour de cassation casse cependant cette décision, au visa de l'article 1415 du Code civil : après avoir rappelé, dans un attendu placé en tête de l'arrêt, la teneur même de ce texte, la Haute juridiction énonce en effet "qu'en se déterminant ainsi, sans relever une approbation des époux [...] de leurs engagements réciproques de cautionnement personnel souscrits par actes séparés en garantie d'une même dette et sans rechercher si les dispositions de l'article 1415 [...] étaient applicables au nantissement donné par [l'épouse], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé".

Il faut d'abord, ici, relever que la Cour de cassation confirme une solution, aujourd'hui semble-t-il bien assise, selon laquelle le fait que les époux se soient engagés unilatéralement par actes séparés, même pour garantir une même dette, ne suffit pas à établir en tant que tel le consentement exprès de chacun d'eux à l'engagement de l'autre (2).

Ensuite, il convient de rappeler qu'à la question de savoir si les dispositions de l'article 1415 du Code civil sont ou non applicables au cautionnement réel, la Cour de cassation a répondu, depuis quelques années déjà, par l'affirmative, alors même que la règle ne vise expressément que le cautionnement stricto sensu (3), signe qu'elle entend donner à la règle de protection de l'article 1415 la portée la plus large (4).

David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit


(1) Voir, notamment, sur l'insaisissabilité du compte joint alimenté par les revenus de chacun des époux, faute pour le créancier d'identifier les revenus de l'époux débiteur : Cass. civ. 1, 3 avril 2001, n° 99-13.733, Société Crédit immobilier AIPAL crédit c/ Epoux Bendenoun (N° Lexbase : A1747ATU), Bull. civ. I, n° 92, JCP éd. G, 2002, I, 103, n° 13, obs. Simler ; Cass. civ. 1, 17 février 2004, n° 02-11.039, Mme Christiane Capdordy épouse Pugin c/ Caisse régionale du crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, FS-P (N° Lexbase : A3201DB8), Dr. fam. 2004, n° 84, obs. Beignier.
(2) Voir déjà, à propos de deux engagements de caution souscrits le même jour par actes séparés sans référence dans chacun de ces actes à l'autre, Cass. civ. 1, 9 février 1999, n° 97-11.873, M. Jean-Pierre Le Creurer et autres c/ Banque populaire de l'Ouest (BPO) (N° Lexbase : A1211CQW), JCP éd. G, 1999, I, 156, n° 4, obs. Simler ; comp., en revanche, dans le cas où les époux se portent cautions en termes identiques sur l'acte même de prêt, et jugeant alors que l'article 1415 n'a pas lieu de s'appliquer, Cass. civ. 1, 13 octobre 1999, n° 96-19.126, Epoux Bernard c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère (N° Lexbase : A3807AUK), Bull. civ. I, n° 273, JCP 2000, II, 10307, note Casey.
(3) Sur l'application de l'article 1415 au cautionnement réel, voir Cass. civ. 1, 11 avril 1995, n° 93-13.629, Madame Brown c/ Banque Scalbert-Dupont et autre (N° Lexbase : A4961ACQ) Bull. civ. I, n° 165, JCP éd. G, 1995, I, 3869, n° 9, obs. Simler ; Cass. civ. 1, 15 mai 2002, deux arrêts, n° 00-13.527, Banque nationale de Paris c/ M. Bernard Deliry, FP+B+R+I (N° Lexbase : A6541AYW) et n° 00-15.298, Banque nationale de Paris c/ M. David Abihssira, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6550AYA), Bull. civ. I, n° 127 et 128, JCP éd. G, 2002, I, 167, n° 5, obs. Simler, et II, 10109, concl. Petit, note Piédelièvre, RTDCiv. 2002, p. 546, obs. Crocq ; Cass. com., 13 novembre 2002, n° 95-18.994, M. Denis, Fernand, Gilbert Scotte c/ Société Crédit industriel de Normandie, FS-P (N° Lexbase : A7253A3Z), Bull. civ. IV, n° 161, RTDCiv. 2003, p. 322, obs. Crocq.
(4) Voir notamment, sur cette question, Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, Précis Dalloz, 4ème éd., 2004, n° 91.

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