Réf. : Cass. civ. 1, 14 avril 2021, n° 19-20.591, F-D (N° Lexbase : A81264PN)
Lecture: 4 min
N7428BYR
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Lise Lonné-Clément
le 06 Mai 2021
► Sauf preuve contraire, l'encaissement, sur un compte joint, de deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de réemploi, ouvre droit à récompense ;
Pour calculer le montant de cette récompense, il n’y a pas lieu de faire application des règles de l’article 1469 du Code civil, mais donc de retenir le montant nominal des deniers encaissés.
Si le principe de la présomption d’un droit à récompense, en cas d’encaissement de deniers propres par la communauté, est acquis depuis 2005, la question relative au montant de cette récompense demeurait en suspend (cf. J. Casey, Sommaires de jurisprudence - Droit des régimes matrimoniaux (juillet - décembre 2019), obs. n° 4, Lexbase Droit privé, mars 2020, n° 816 N° Lexbase : N2559BYG), et l’arrêt rendu le 14 avril 2021 semble apporter une réponse claire.
S’agissant de la présomption d’un droit à récompense, la Cour suprême rappelle en effet dans cet arrêt que, « selon l’article 1433 du Code civil (N° Lexbase : L1561ABG), il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d'établir que les deniers provenant de son patrimoine propre ont profité à celle-ci. Sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l'encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de réemploi » (cf. Cass. civ. 1, 8 novembre 2005, deux arrêts, n° 03-14.831, FS-P+B+R N° Lexbase : A5066DL9, et n° 03-15.384, FS-P+B N° Lexbase : A6912DG4 ; et plus récemment : Cass. civ. 1, 6 novembre 2019, n° 18-26.807, F-D N° Lexbase : A3977ZUT).
S’agissant du montant de cette récompense, la question se posait de savoir s’il y a lieu de retenir :
1°) le montant nominal des deniers encaissés ;
2°) ou bien de faire application des règles de l’article 1469 du Code civil (N° Lexbase : L1606AB4 lesquelles conduisent à retenir la plus faible des deux sommes entre la « dépense » faite et le profit subsistant, sauf si la dépense était nécessaire auquel cas il s’agit obligatoirement du montant de cette dépense).
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 14 avril 2021, c’est précisément cette seconde modalité de calcul qui avait été retenue par la cour d’appel de Caen.
En effet, après avoir, tout d’abord, exactement énoncé (selon les termes de la Cour de cassation), que l'encaissement par la communauté de fonds propres pose le principe d'une présomption de profit de la communauté pouvant être détruite par la preuve contraire, les juges d’appel avaient, ensuite, limité le droit à récompense de l’époux à la somme de 184 622,70 euros, après avoir constaté que la communauté avait encaissé des deniers propres de celui-ci pour une somme de 456 663,09 euros.
La cour d’appel avait retenu que la notion de profit devait s'analyser à la lecture de l'article 1469 du Code civil, que le profit subsistant est celui qui peut être quantifié au moment de la liquidation de la communauté se traduisant par un accroissement du patrimoine de celle-ci, que, dès lors, il y avait lieu de dire que le financement de voyages d'agrément, dépenses non nécessaires, pouvant être qualifiées de contribution aux charges du mariage au sens de l'article 214 du Code civil (N° Lexbase : L2382ABT), n'avaient en toute hypothèse entraîné aucun accroissement du patrimoine de la communauté et que l’ex-épouse démontrait l'absence de profit subsistant pour la communauté de l'encaissement de fonds propres du mari par la communauté.
Mais c’est alors que la Cour régulatrice vient censurer le raisonnement, relevant qu’il ressortait des constatations de la cour d’appel que la preuve n’était pas rapportée de ce que les deniers propres du mari, déposés sur un compte joint, n’avaient pas été utilisés dans l'intérêt commun, et qu’elle n’avait donc pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations.
On comprend donc que, dès lors que n’est pas rapportée la preuve de l’absence d’un profit de la communauté (preuve de l’absence d’utilisation dans l’intérêt commun des deniers en cause), la récompense est due, et ce pour le montant nominal des deniers encaissés ; et ce, peu important la preuve de l’absence d’un profit subsistant (à savoir un accroissement de patrimoine).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:477428