Le Quotidien du 8 avril 2021 : Procédure pénale

[Brèves] Garde à vue supplétive et auditions sur les faits nouveaux : l’absence d’information du procureur de la République dès le début de la mesure fait nécessairement grief à l’intéressé

Réf. : Cass. crim., 30 mars 2021, n° 20-86.407, FS-D (N° Lexbase : A47644NR)

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[Brèves] Garde à vue supplétive et auditions sur les faits nouveaux : l’absence d’information du procureur de la République dès le début de la mesure fait nécessairement grief à l’intéressé. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/66584080-breves-garde-a-vue-suppletive-et-auditions-sur-les-faits-nouveaux-labsence-dinformation-du-procureur
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par Adélaïde Léon

le 28 Avril 2021

► L’audition d’une personne gardée à vue pour des faits autres que ceux ayant motivé son placement sous ce régime suppose soit qu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a participé, en tant qu’auteur ou complice, à la commission de l’infraction, soit, si tel n’est pas le cas, que les nécessités de l’enquête l’exigent ;

Il appartient à l’officier de police judiciaire d’informer le procureur de la République, dès le début de la mesure, tant des soupçons pesant sur l’intéressé que de la qualification susceptible d’être notifiée à celui-ci ; Le défaut d’un tel avis fait nécessairement grief aux intérêts du gardé à vue et entraîne la nullité des procès-verbaux de son audition portant sur les nouveaux faits et des actes subséquents qui trouvent dans cette nullité leur support nécessaire et exclusif.

Rappel préliminaire. L’article 65 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3161I3H) prévoit que lorsqu’il apparaît, au cours d’une garde à vue, que la personne est entendue dans le cadre d’une procédure suivie du chef d’une autre infraction et qu’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre cette infraction, elle doit faire l’objet des informations prévues au 1° (qualification, date et lieux présumés de l’infraction), 3° (droit d’être assisté par un interprète) et 4° (droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire) de l’article 61-1 du même code (N° Lexbase : L7280LZN) et être avertie qu’elle a le droit d’être assistée par un avocat conformément aux articles 63-3-1 (N° Lexbase : L4969K8K) et 63-4-3 (N° Lexbase : L9632IPG) du Code de procédure pénale.

Rappel de la procédure. Par une demande d’avis, en date du 17 novembre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation a saisi la Chambre criminelle de questions relatives à la garde à vue supplétive, ne visant pas l’article 65 du Code de procédure pénale et indiquant que la personne gardée à vue est informée des nouveaux faits qu’elle est soupçonnée d’avoir commis et qu’il lui est notifié le bénéfice des droits prévus aux articles 63-1 (N° Lexbase : L4971K8M) et 63-4 (N° Lexbase : L9746IPN) du Code de procédure pénale, tout en mentionnant que celle-ci prend acte uniquement de son droit au silence et de son droit d’être assistée d’un avocat.

Questions. Les questions suivantes étaient posées à la Chambre criminelle :

- Doit-il être considéré qu’il a été fait application par les services de police de l’article 65 ou qu’il s’agit d’une nouvelle garde à vue ?

- Dans l’une ou l’autre hypothèse, le procureur de la République, avisé du placement en garde à vue initial, conformément à l’article 63, alinéa 2, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7438LP8) doit-il recevoir un nouvel avis en application de ce texte ?

- Dans l’affirmative, l’absence d’un tel avis fait-elle nécessairement grief aux intérêts du gardé à vue ?

- À supposerque la nullité soit encourue, quelle serait l’étendue de celle-ci ?

Avis. À la première question, la Chambre criminelle répond que, dans les circonstances évoquées, la réalisation des notifications exigées par l’article 65 du Code de procédure pénale conduit à considérer qu’il a été fait application de cet article par les services de police, peu important que le procès-verbal n’ait pas visé ledit article et que le gardé à vue ait uniquement pris acte de son droit au silence et de son droit d’être assisté d’un avocat. La Chambre criminelle précise par ailleurs que la notification d’une extension de la poursuite initiale, d’un autre chef, n’a pas pour conséquence de générer une garde à vue distincte au cours de laquelle la notification est réalisée. En l’absence de nouveau placement en garde à vue, l’article 63, alinéa 2, du Code de procédure pénale, prévoyant l’information du procureur de la République à l’occasion du placement en garde à vue, n’est pas applicable.

Le procureur de la République n’est toutefois pas dénué de tout rôle à l’occasion d’une extension de la garde à vue. En effet, la Cour précise que la personne entendue sur des faits autres que ceux ayant motivé le placement initial en garde à vue demeure soumise, à l’occasion de son audition, à une mesure de contrainte. Or, cette mesure s’exécute sous le contrôle du procureur de la République en sa qualité de gardien de la liberté individuelle (C. proc. pén., art. 62-3 N° Lexbase : L9628IPB). Il appartient donc à ce magistrat de s’assurer que le gardé à vue n’est pas entendu sur des faits pour lesquels il ne pourrait légalement l’être qu’en audition libre.

Pour préciser le rôle du magistrat, la Chambre criminelle se réfère donc aux conditions légales de la garde à vue et plus largement de l’audition sous contrainte. Pour s’assurer qu’un gardé à vue peut être valablement entendu sur des faits étrangers à ceux ayant motivé son placement en garde à vue, le procureur de la République doit donc s’assurer que les faits sur lesquels porte l’audition sont incriminés pénalement et susceptibles d’être sanctionnés d’une peine d’emprisonnement. Par ailleurs, la Cour précise que ne peut être entendue sous contrainte, sauf lorsque les nécessités de l’enquête le justifient, une personne à l’encontre de laquelle il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elle ait commis ou tenté de commettre une infraction.

La Chambre criminelle conclut qu’il appartient, pour permettre l’effectivité de ce contrôle, aux officiers de police judiciaire d’informer le procureur de la République, dès le début de la mesure, des soupçons pesant sur l’intéressé et de la qualification susceptible d’être retenue.

La Cour précise enfin que le défaut d’un tel avis fait nécessairement grief aux intérêts du gardé à vue et entraîne la nullité des procès-verbaux de son audition portant sur les nouveaux faits et des actes subséquents qui trouvent dans cette nullité leur support nécessaire et exclusif.

Contexte. À l’approche des dix ans de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue (N° Lexbase : L9584IPN), c’est la deuxième fois en moins d’un mois que la Chambre criminelle apporte une précision en matière d’extension de la poursuite initiale en cours de garde à vue. Ainsi, dans un arrêt du 2 mars 2021, elle jugeait que la personne gardée à vue entendue dans le cadre d’une procédure suivie du chef d’une infraction autre que celle ayant justifié son placement en garde à vue et à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre cette infraction doit bénéficier, après avoir été informée de son droit à l’assistance d’un avocat et si elle a déclaré vouloir l’exercer, du droit de communiquer avec celui-ci lors d’un entretien confidentiel, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes, avant toute audition sur les nouveaux faits (Cass. crim., 2 mars 2021, n° 20-85.491, FS-P+I N° Lexbase : A49974IW).

Pour aller plus loin : v. C. Lanta de Bérard, ÉTUDE : La garde à vue et les auditions, Les auditions et confrontations, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E56693CX).

 

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