Le Quotidien du 26 février 2021 : Sociétés

[Brèves] Sociétés en formation : nullité du contrat conclu par une société non immatriculée

Réf. : Cass. com., 10 février 2021, n° 19-10.006, F-P (N° Lexbase : A80474G7)

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par Vincent Téchené

le 25 Février 2021

► Les contrats conclus par une société non immatriculée, donc dépourvue de personnalité juridique, sont nul ;

Tel est le cas du contrat conclu par une société en cours d'immatriculation au RCS représentée par son gérant, cette précision ne modifiant en rien l'indication de la société elle-même comme partie contractante, de sorte que le gérant ne peut être tenu des obligations résultant du contrat litigieux.

Faits et procédure. Une société a conclu, le 18 mai 2015, plusieurs contrats avec une EURL, désignée comme société en cours d'immatriculation, représentée par son gérant, M. X. Immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 26 juin 2015, l’EURL a été mise en liquidation judiciaire le 6 octobre 2015. Estimant que M. X était solidairement responsable des engagements souscrits le 18 mai 2015, la société cocontractante l'a assigné en paiement de diverses sommes.

Les juges d’appel ayant rejeté ses demandes (CA Poitiers, 6 novembre 2018, n° 17/01982 N° Lexbase : A5794YKS), cette dernière a formé un pourvoi en cassation.

Moyens. La demanderesse au pourvoi soutenait notamment que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l’immatriculation de celle-ci sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis. Ainsi, en retenant  que « n'ayant pas agi au nom de la société en formation, M. [X] ne peut être tenu des obligations résultant des contrats » , après avoir pourtant constaté que les contrats litigieux précisaient que l'EURL « était en cours d'immatriculation » et « représentée par son gérant M. [X] », ce dont il résultait qu'elle était en formation et que M. X, signataire desdits contrats, agissait au nom de celle-ci, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et aurait ainsi violé les articles L. 210-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L5793AIE) et 1843 du Code civil (N° Lexbase : L2014AB9).  

Décision. La Cour de cassation rejette néanmoins le pourvoi.

La cour d’appel a relevé que l'EURL avait été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 26 juin 2015, postérieurement à la conclusion des contrats dont se prévalait la société demanderesse au soutien de sa demande, datés du 18 mai 2015. Ainsi, les juges du fond énoncent que, pour être fondé à agir à l'encontre de l'associé de la société, le co-contractant doit démontrer que celui-ci avait contracté pour le compte de la société en cours de formation. Or, il apparaît que le contractant est la société en cours d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, représentée par son gérant M. X. La cour d’appel en déduit que ce n'est pas ce dernier qui a agi pour le compte de la société en sa qualité d'associé ou de gérant mais la société elle-même, peu important qu'il ait été indiqué que celle-ci était en cours d'immatriculation, cette précision ne modifiant en rien l'indication de la société elle-même comme partie contractante. Dès lors, les contrats conclus par une société non immatriculée, donc dépourvue de personnalité juridique, sont nuls, de sorte que la cour d'appel a exactement retenu que M. X ne pouvait être tenu des obligations résultant des contrats litigieux.

Observations. La solution est connue, la Cour de cassation ayant déjà eu l’occasion de préciser que les contrats, souscris non au nom d'une société en formation, mais par la société elle-même, à une date à laquelle elle n'était pas encore immatriculée au RCS, sont nuls pour avoir été conclus par une société dépourvue de la personnalité morale et la nullité affectant les actes conclus par une société dépourvue d'existence juridique a le caractère de nullité absolue (v. not., Cass. com., 13 décembre 2005, n° 03-19.429, F-D N° Lexbase : A9834DLS – Cass. civ. 3, 5 octobre 2011, n° 09-70.571, FS-D N° Lexbase : A6055HYW – Cass. com., 21 février 2012, n° 10-27.630, F-P+B N° Lexbase : A3197IDR). Il en résulte, notamment, que le cocontractant peut se prévaloir de la nullité des conventions litigieuses et que celles-ci n'étant pas susceptibles de confirmation ou de ratification, leur irrégularité ne peut être couverte par des actes d'exécution intervenus postérieurement à l'immatriculation de la société (Cass. com., 21 février 2012, n° 10-27.630, F-P+B, préc.).

Les engagements nés d'actes accomplis pour le compte de la société en formation peuvent, toutefois, être repris par la société régulièrement immatriculée (C. civ., art. 1843 ; C. com., art. L. 210-6). La reprise des engagements nés d'actes accomplis pour une société en formation peut alors se faire (i) par la signature des statuts auxquels est annexé un état de ces actes, (ii) par un mandat, ou (iii) par une décision, après immatriculation, de la majorité des associés (décret n° 78-704, art. 6 N° Lexbase : L1376AIS ; C. com., R. 210-5 N° Lexbase : L0070HZM). La Cour de cassation a une position stricte sur ces modalités de reprise : elle ne peut se faire que selon l'une de ces trois modalités et refuse toute reprise « implicite » (v. not. pas ex., Cass. com., 13 décembre 2011, n° 11-10.699, F-P+B N° Lexbase : A4695H8E). Elle fait également preuve de rigueur dans la désignation des parties. Ainsi, par exemple, elle a retenu qu’un contrat n'a pas été souscrit pour le compte d'une société en formation mais par la société elle-même, dès lors que les fondateurs intervenus à l'acte y étaient présentés comme « les représentants de la société » (Cass. com., 2 mai 2007 n° 05-14.071 et 05-15.191 F-D N° Lexbase : A1078DWT). L’arrêt rendu le 10 février 2021 confirme cette jurisprudence.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La société en formation, Le sort des engagements non souscrits au nom de la société en formation, in Droit des sociétés, Lexbase (N° Lexbase : E2368ATU).

 

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