Le Quotidien du 7 janvier 2021 : Procédure pénale

[Brèves] Mandat d’arrêt à l’encontre d’une personne résidant à l’étranger : il appartient au juge d’apprécier le caractère nécessaire et proportionné de la mesure de contrainte

Réf. : Cass. crim., 16 décembre 2020, n° 20-85.289 F-P+B+I (N° Lexbase : A68964AN)

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[Brèves] Mandat d’arrêt à l’encontre d’une personne résidant à l’étranger : il appartient au juge d’apprécier le caractère nécessaire et proportionné de la mesure de contrainte. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/64393394-breves-mandat-darret-a-lencontre-dune-personne-residant-a-letranger-il-appartient-au-juge-dapprecier
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par Adélaïde Léon

le 20 Janvier 2021

► Le juge d’instruction ne peut délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre d’une personne résidant hors du territoire de la République, mais qui n’est pas en fuite, sans avoir effectué les démarches requises pour l’entendre et sans avoir apprécié le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l’espèce.

Rappel des faits. À la suite de plusieurs plaintes déposées à l’encontre d’un individu, pour des faits commis du 29 juillet au 6 octobre 2014, une information a été ouverte, des chefs de violences avec préméditation, dénonciations mensongères, usages de données en vue de troubler la tranquillité d’autrui, atteintes à l’intimité de la vie privée, outrage à dépositaire de l’autorité publique, dénonciation calomnieuse, appels téléphoniques malveillants et menaces de mort.

Des recherches ont été réalisées pour localiser l’intéressé. Celles-ci ont permis d’établir deux adresses parisiennes et le fait que l’individu se trouvait en Israël depuis le 31 octobre 2013. Un mandat de recherche a été décerné à son encontre en novembre 2014.

En janvier 2015, l’intéressé faisait parvenir au juge d’instruction un courrier désignant son avocat et indiquant élire domicile chez ce dernier. En juillet 2015, un mandat d’arrêt était décerné, accompagné d’une demande d’extradition avec demande d’arrestation provisoire adressée aux autorités israéliennes.

Au mois de septembre 2018, sont versées au dossier des pièces provenant d’une autre information en cours, parmi lesquelles des auditions de l’intéressé en Israël à l’occasion de l’exécution d’une commission rogatoire internationale et les procès verbaux relatifs à la perquisition effectuée à son domicile. En octobre 2018, une convocation à comparaître pour un interrogatoire de première comparution lui est adressée en Israël. L’intéressé n’y défère pas.

En juin 2019, le magistrat instructeur ordonne la mise en accusation de l’intéressé sous la qualification criminelle et les qualifications correctionnelles poursuivies.

L’avocat de l’intéressé relève appel de l’ordonnance. Il dénonce notamment la nullité du mandat d’arrêt dont son client a fait l’objet.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a dit n’y avoir lieu à annulation d’actes de la procédure, a prononcé la mise en accusation de l’intéressant et l’a renvoyé devant la cour d’assises de Paris.

La juridiction d’appel affirmait qu’un mandat d’arrêt peut être décerné contre une personne soit en fuite, soit résidant à l’étranger, si les faits objet de l’information sont punis d’une peine d’emprisonnement ou d’une peine plus grave.

L’intéressé a formé un pourvoi contre la décision d’appel.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction de n’avoir pas répondu au moyen tiré de la nullité du mandat d’arrêt. Par ailleurs, l’auteur du pourvoi affirmait que le magistrat instructeur n’avait pas apprécié le caractère nécessaire et proportionné du recours au mandat d’arrêt. Il précisait qu’il n’était aucunement en fuite lors de la délivrance du mandat, que son domicile en Israël était connu dès octobre 2014 et qu’il avait coopéré dans une procédure parallèle. Il considérait que l’émission du mandat l’avait placé artificiellement en état de fuite le privant ainsi illégalement des droits de la défense.

Décision de la Cour. La Chambre criminelle censure l’arrêt d’appel au visa des articles 131 (N° Lexbase : L3479AZU) et 593 (N° Lexbase : L3977AZC) du Code de procédure pénale. La Cour souligne que selon le premier article, le juge d’instruction ne peut délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre d’une personne résidant hors du territoire de la République, mais qui n’est pas en fuite, sans avoir effectué les démarches requises pour l’entendre et sans avoir apprécié le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l’espèce. La Haute juridiction rappelle l’obligation de motivation incombant à la chambre de l’instruction en vertu du second texte.

En l’espèce, l’intéressé disposait d’une adresse à l’étranger, connue de la justice française. Il convenait, selon la Cour, de solliciter qu’il soit entendu avant de pouvoir constater, le cas échéant, qu’il était en fuite et d’apprécier le caractère nécessaire et proportionné du mandat d’arrêt.

En se contentant d’énoncer qu’un mandat d’arrêt peut être décerné contre une personne soit en fuite, soit résidant à l’étranger, si les faits objet de l’information sont punis d’une peine d’emprisonnement, la cour d’appel n’a pas répondu au mémoire de l’appelant et n’a pas justifié sa décision.

Pour aller plus loin : v. L. Heinich et H. Diaz, ÉTUDE : Les actes de l’instruction, Le mandat d’arrêt, in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E87433A3).

 

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