Réf. : Cass. civ. 1, 6 janvier 2021, n° 18-25.865, F-P (N° Lexbase : A88624BT)
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N6038BYB
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par Jérôme Lasserre Capdeville
le 13 Janvier 2021
► La déchéance du droit aux intérêts est la seule sanction encourue en cas d'inexactitude du taux effectif global résultant d'un calcul des intérêts conventionnels sur une autre base que celle de l'année civile ;
► Par ailleurs, la marge d’erreur admise par l’annexe à l'article R. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6959ABD), dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002 (N° Lexbase : L6050A3H), a vocation à s’appliquer au crédit immobilier ;
► Enfin, si la règle de l'arrondi est inapplicable au calcul du taux de période, l’inexactitude de ce taux, contrairement à celle du taux effectif global, n'est pas de nature à entraîner la déchéance du droit aux intérêts.
Le droit du taux d’intérêt suscite, depuis un peu plus d’un an, des décisions notables de la part de la première chambre civile de la Cour de cassation témoignant de la volonté de cette dernière de limiter le contentieux applicable en la matière. La décision rendue le 6 janvier 2021 le démontre une nouvelle fois.
Faits et procédure. En l’espèce, la banque A. a consenti à M. X. un prêt immobilier d'un montant de 320 000 euros. Le prêt a été réitéré par acte notarié du 17 septembre 2010. Invoquant l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans l'offre, l'emprunteur a assigné la banque en annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel, subsidiairement en déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
La cour d’appel de Paris s’est prononcée en faveur de la banque par une décision du 21 septembre 2018 (CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 21 septembre 2018, n° 16/22042 N° Lexbase : A5565X7A). L’emprunteur a formé un pourvoi en cassation.
Deux moyens attirent l’attention.
Premier moyen. En premier lieu, l’emprunteur faisait grief à l'arrêt de la cour d’appel de s’être borné à condamner la banque à lui payer la somme de 21,77 euros au titre du calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours, alors « que le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal ». Dès lors, en retenant, pour refuser de substituer l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel qui était stipulé dans l'acte de prêt liant l'emprunteur à la banque, que seul le défaut dans l'énonciation du taux (et non dans son mode de calcul) était sanctionné par la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, la cour d'appel aurait violé l'article 1907, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2132ABL), et les articles L. 313-1 (N° Lexbase : L1517HIZ), L. 313-2 (N° Lexbase : L1518HI3) et R. 313-1 du Code de la consommation, dans leur version applicable à la cause.
La Cour de cassation rejette cependant ce moyen. Selon elle, la déchéance du droit aux intérêts est la seule sanction encourue en cas d'inexactitude du taux effectif global résultant d'un calcul des intérêts conventionnels sur une autre base que celle de l'année civile. Dès lors, le moyen, qui postule que la substitution du taux de l'intérêt légal à celui de l'intérêt conventionnel est encourue dans une telle hypothèse, est inopérant.
Cette solution est conforme à la jurisprudence actuelle. Certes, par le passé, le recours indu à l’année « lombarde » était sanctionné par la nullité de la clause prévoyant le taux conventionnel et sa substitution par le taux légal (Cass. civ. 1, 19 juin 2013, n° 12-16.651, FS-P+B+I N° Lexbase : A2042KH4). Il en va cependant différemment depuis une décision du 11 mars 2020 (Cass. civ. 1, 11 mars 2020, n° 19-10.875, F-P+B N° Lexbase : A75773IH ; J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, mars 2020, n° 628 N° Lexbase : N2620BYP). La Haute juridiction y indique, en effet, que la mention, dans l’offre de prêt, d’un taux conventionnel calculé sur la base d’une année autre que l’année civile, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes des dispositions propres au crédit immobilier (du moment que l’inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale). Or, cette sanction a pour caractéristique de pouvoir être modulée par les juges ; elle est donc moins sévère pour le prêteur que l’ancienne sanction encourue. Cette solution a été réitérée dans un avis remarqué (Cass. civ. 1, avis, 10 juin 2020, n° 20-70.001 N° Lexbase : A59493NN).
Second moyen. En second lieu, l'emprunteur faisait grief à l'arrêt de la cour d’appel d’avoir rejeté sa demande de déchéance du droit aux intérêts. Plusieurs arguments étaient avancés.
D’abord, l'article R. 313-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-928 du 10 juin 2002, applicable à la cause, et son annexe, en ce qu'il dispose que le résultat du calcul du taux effectif global est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale, concernerait exclusivement les prêts à la consommation et serait inapplicable aux crédits immobiliers. Dès lors, en retenant, pour rejeter la demande en déchéance de l'emprunteur, qu'il n'apportait pas la preuve que l'erreur qu'il invoquait dans le calcul du taux effectif global du prêt immobilier qu'il avait souscrit dépassait le seuil légal prescrit par l'article R. 313-1, ancien, du Code de la consommation, et entraînait par conséquent un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et le taux mentionné dans le contrat, la cour d'appel aurait violé, par fausse application, l'article R. 313-1 du Code de la consommation et de son annexe, dans leur version applicable à la cause.
La Cour de cassation ne partage pas cette affirmation. Selon elle, la marge d’erreur admise par cette annexe à l'article R. 313-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, « a vocation à s’appliquer au crédit immobilier ». Dès lors, ayant constaté que l'emprunteur ne rapportait pas la preuve d'un écart d'au moins une décimale entre le taux réel et celui mentionné dans l'offre de prêt, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts au titre de l'erreur affectant le calcul du taux effectif global.
Ensuite, l’auteur du moyen déclarait que le taux de période qui assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, doit être exprimé de manière exacte sans arrondi. Dès lors, en affirmant, pour rejeter la demande en déchéance de l'emprunteur, qu'aucune disposition légale n'interdisait à la banque prêteuse de présenter un taux de période arrondi et que cette option était sans incidence sur la régularité du taux effectif global, la cour d'appel aurait violé, par refus d'application, les articles L. 313-1 et R. 313-1 du Code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause.
Ici encore, le moyen ne parvient pas à convaincre la Cour de cassation. Selon elle, si la règle de l’arrondi est inapplicable au calcul du taux de période, l’inexactitude de ce taux, contrairement à celle du taux effectif global, « n'est pas de nature à entraîner la déchéance du droit aux intérêts ».
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