Réf. : Cass. civ. 2, 17 décembre 2020, n° 19-19.272, FS-P+I (N° Lexbase : A06814AH)
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N5951BY3
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 06 Janvier 2021
► Quand l’action de l’assuré a pour cause le recours d’un tiers, le délai de prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
La Haute juridiction a bien fini l’année avec cet arrêt rendu en droit général des assurances (donc transposable en droit de la construction) destiné à une large publication et mis en ligne sur son site.
Au noble visa de l’article L. 114-1, aliéna 3, du Code des assurances (N° Lexbase : L2640HWP) dont elle reprend la teneur, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle le point de départ du délai de prescription biennale de l’action exercée par l’assuré contre l’assureur en cas de recours d’un tiers. Quand l’action de l’assuré a pour cause le recours d’un tiers, le délai de prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
C’est la lettre même de l’article précité. Alors pourquoi un nouvel arrêt sur renvoi après cassation et une si large diffusion pour rappeler un principe posé par le code ? L’articulation du délai de prescription biennale et de l’action des tiers pose encore des difficultés d’application. Ne sont concernés par la prescription biennale que les rapports contractuels entre l’assuré et l’assureur. Autrement dit, seuls l’assureur, l’assuré et ceux qui sont subrogés dans leurs droits peuvent se prévaloir de la prescription abrégée de l’article L. 114-1 (pour exemple Cass. civ. 1, 9 juin 1982, n° 81-13.582, publié au bulletin N° Lexbase : A7841CGI). Les tiers au contrat d’assurance n’y sont donc pas soumis. Autrement dit, les tiers au contrat d’assureur ne sont pas tenus par ce délai de deux ans ni dans le cadre de leur action contre l’assuré ni dans le cadre de celle initiée contre l’assureur. Pourtant, les conditions de l’action du tiers, que ce soit contre l’assureur ou contre l’assuré va impacter le point de départ du délai de prescription biennale des recours assureur/assuré.
C’est ainsi que la Cour de cassation a censuré une cour d’appel qui avait situé le point de départ de la prescription au jour où la société assurée avait eu connaissance du sinistre, c’est-à-dire près de trois ans avant l’assignation (Cass. civ. 2, 23 mai 2019, n° 18-16.528, F-D N° Lexbase : A5967ZCY). C’est ainsi encore qu’elle a rejeté le pourvoi initié par le maître d’ouvrage qui considère que le point de départ du délai pour agir contre l’assureur décennal doit être fixé à la date à laquelle le moyen tiré de la gravité décennale du désordre a été soulevée (Cass. civ. 3, 19 mars 2020, n° 19-12.800, F-D N° Lexbase : A49683K9).
Il faut dire que l’article L. 114-1 précise que le point de départ du délai de prescription biennal est de deux ans à compter de l’évènement qui y donne naissance. Ce principe souffre, toutefois, justement, une exception en cas de recours d’un tiers. Seule la date du recours compte alors et non la survenance de l’évènement. L’approche est, sans surprise, favorable à l’assuré.
La solution n’est pas nouvelle (pour exemple Cass. civ. 2, 12 janvier 2017, n° 15-26.325, FS-P+B N° Lexbase : A0880S84) mais méritait sans doute d’être rappelée. En l’espèce, l’assureur a développé, à l’appui de son pourvoi, que l’assuré aurait dû, une fois le sinistre déclaré, préserver son droit à recours en interrompant régulièrement la prescription biennale. Il tente donc de faire retenir comme point de départ du délai biennal celui prévu par le 2° de l’alinéa 2 de l’article L. 114-1.
Son pourvoi est rejeté. Le tiers a assigné l’assuré en avril 2002. Il s’ensuit que l’action en garantie exercée par l’assuré contre son assureur, en octobre 2002, n’est pas prescrite.
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