Lexbase Fiscal n°849 du 7 janvier 2021 : Sécurité sociale

[Focus] Finance et fiscalité sociales

Réf. : Loi n° 2020-1576, du 14 décembre 2020, de financement de la Sécurité sociale pour 2021 (N° Lexbase : L1023LZW) ; loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021 (N° Lexbase : L3002LZ9)

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par Aurélie Dort, Maître de conférences en droit IRENEE EA 7303, Faculté de droit de Metz, UFR DEA, Université de Lorraine

le 05 Janvier 2021


Tenir une chronique concernant les finances et la fiscalité sociale revient à étudier tant la loi de financement de la Sécurité sociale que la loi de finances. Elles seront donc traitées successivement.


 

I. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021

Délibéré par le Conseil des ministres le 7 octobre 2020, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 a été déposé le même jour à l’Assemblée nationale par le gouvernement. Adoptée définitivement par le Parlement le 30 novembre, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 a été promulguée par le président de la République le 14 décembre 2020 et publiée au Journal officiel le 15 décembre (loi nº 2020-1576, du 14 décembre 2020, de financement de la Sécurité sociale pour 2021).

Concernant l’adoption de cette loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), il convient de relever que la commission mixte paritaire a échoué le 17 novembre. Le PLFSS a ensuite été adoptée en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale le 24 novembre, puis rejetée au Sénat le 26 novembre. La lecture définitive à l’Assemblée nationale a donc eu lieu le 30 novembre. Le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi concernant la LFSS pour 2021.

Une réponse à la crise sanitaire

La LFSS pour 2021 a, selon le Gouvernement, pour objectif de traduire « l’action du Gouvernement pour répondre à la crise sanitaire et économique » [1]. Le solde de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’est dégradé de manière soudaine et dans des proportions jamais atteintes à la suite du choc d’une ampleur inédite qu’a subi l’économie française du fait de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 [2].

Afin de prendre en considération les dépenses exceptionnelles qui ont été engagées par l’assurance maladie pour répondre à la crise sanitaire, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour 2020 a été modifié. L’ONDAM de l’ensemble des régimes obligatoires de base est ainsi évalué à 218,9 milliards d’euros au titre de l’année 2020 (article 11) alors que la LFSS pour 2020 l’avait initialement fixé à 205,6 milliards [3]. L’ONDAM pour 2020 est donc majoré de 13,3 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale faite l’année dernière. Cette augmentation de l’ONDAM est également poursuivie 2021 puisque pour l’année 2021, l’ONDAM de l’ensemble des régimes obligatoires de base est fixé à 225,4 milliards d’euros (article 97). Pour rappel, la LFSS pour 2019 fixait l’ONDAM pour 2019 à 200,3 milliards d’euros [4]. Afin de pallier cette augmentation, l’article 3 de la LFSS pour 2021 institue une contribution exceptionnelle de 2,6 % à la prise en charge des dépenses liées à la gestion de l’épidémie de covid-19 au titre de l’année 2020. Elle est due par les organismes d’assurance maladie complémentaire mentionnés au I de l’article L. 862-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1703LZ4), et assise sur l’ensemble des sommes versées en 2020. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie.

Objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base

2019

2020

2021

200,3

205,6    =>    218,9

225,4

* En milliards d’euros

La LFSS pour 2021 traduit également les conséquences financières découlant du Ségur de la santé. Pour rappel, les mesures nouvelles liées à la mise en place du Ségur de la santé dans le secteur médico-social se traduisent par un impact de 2,1 milliards d’euros en 2020-2021 au titre des revalorisations salariales et de l’investissement.

Elle tient compte de la dégradation de la trajectoire des finances sociales. Le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse devrait atteindre 44,4 milliards d’euros en 2020 (contre les 5,4 milliards initialement prévus) et 27,1 milliards d'euros en 2021. Il pourrait encore dépasser 20 milliards en 2024. Pour l’année 2020, l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale est fixé à 15,9 milliards d’euros (article 10). Pour l’année 2021, l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale est fixé à 17 milliards d’euros (article 44).

La traduction d’un plan massif d’investissement pour l’hôpital

Dans la continuité du Ségur de la santé, la LFSS pour 2021 traduit un plan massif d’investissement pour l’hôpital. L’article 50 prévoit alors la couverture de dotations de la branche maladie couvrant « un soutien exceptionnel, qui ne peut excéder 13 milliards d’euros, au titre du désendettement pour favoriser les investissements dans les établissements de santé assurant le service public hospitalier est assurée par des transferts de la Caisse d’amortissement de la dette sociale à l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale ». La réforme de la tarification hospitalière se poursuit également puisque l’article 51 met en place un forfait patient urgence, qui selon l’étude d’impact devrait s’élever à 18 euros[5]. Il remplacera le ticket modérateur actuellement pratiqué. Ce nouveau forfait sera dû à compter du 1er septembre 2021 par les assurés pour chaque passage aux urgences non suivi d’une hospitalisation. Une exonération est prévue pour les femmes enceintes à partir du 6e mois et les nourrissons jusqu'à 30 jours en sont exonérés. L’article 61 prévoit également que « la participation de l’assuré mentionnée au premier alinéa du I de l’article L. 160-13 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5283LU9) relative aux actes de téléconsultation est supprimée jusqu’au 31 décembre 2021 ».

Elle prévoit également dans son article 58 le développement des maisons de naissance. Il s’agit de structures sanitaires au sein desquelles des sages-femmes assurent l’accouchement des femmes dont elles ont suivi la grossesse. Elles s’inscrivent dans une offre de soins diversifiée pour assurer aux femmes le choix de l’accouchement le plus adapté à leurs besoins.

Organiser la nouvelle branche de la Sécurité sociale relative à l’autonomie

La LFSS pour 2021 organise également le fonctionnement de la branche pour le soutien de l’autonomie qui a été créée par la loi n° 2020-992, du 7 août 2020, relative à la dette sociale et à l’autonomie (N° Lexbase : L9121LX4). La branche sera gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), dont elle reprend l’ensemble des dépenses auxquelles va s’ajouter l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). La CNSA va bénéficier à partir de 2021 d'un financement propre : 28 milliards d’euros de contribution sociale généralisée (CSG) lui seront affectés. L’article 4 de la LFSS prévoit également que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie finance une aide aux départements pour le financement de la prime exceptionnelle mentionnée à l’article 11 de la loi n° 2020-473, du 25 avril 2020, de finances rectificative pour 2020 (N° Lexbase : L7438LWE) pour les personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile dans la limite de 80 millions d’euros. Si la loi n° 2020-992, du 7 août 2020, relative à la dette sociale et à l’autonomie a transféré une fraction supplémentaire de 0,15 point de toutes les cédules de CSG, à l’exclusion de la CSG « jeux », de la CADES vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 prévoit un important transfert de la CSG vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (1,67 point de CSG « activité » issu des régimes d’assurance maladie ; 1,9 point de CSG « revenus de remplacement » également issu des régimes d’assurance maladie ; 1,9 point de CSG « patrimoine » issu du Fonds de solidarité vieillesse (FSV)). L’article 32 modifie l’architecture financière de la CNSA en s’inspirant du fonctionnement des autres branches de la Sécurité sociale.

Il est également prévu la mise en place d’une conférence des financeurs de la politique de soutien à l’autonomie qui sera réunie, avant le 1er avril 2021, sous l’égide de la CNSA, pour faire des propositions relatives aux financements nouveaux que requiert l’organisation, par la branche autonomie et les collectivités territoriales, d’une prise en charge des personnes en perte d’autonomie privilégiant le maintien à domicile.

La création et l’extension de nouveaux droits

Il est ainsi prévu un allongement du congé paternité et d’accueil de l’enfant puisqu’il est désormais de 28 jours au lieu de 14 jours (en tenant compte du congé de naissance de 3 jours ouvrables) et sera obligatoire pour 7 jours dès le 1er juillet 2021 (article 73). Le coût de cette mesure étant estimé à 520 milliards d’euros par an. En vertu du même article, le congé pour adoption passe de 10 à 16 semaines jours pour les familles n’ayant pas d’enfant ou un seul enfant à charge. L’article 8 permet un allongement des congés de reclassement et de mobilité, et aligne le régime social de la rémunération versée au salarié pendant ces congés sur celui de l’indemnité d’activité partielle. Le versement de la prime de naissance est avancé dès le 7e mois de grossesse (article 75). De plus, pendant trois ans, à titre expérimental, les sages-femmes pourront pratiquer des IVG chirurgicales. La pratique du tiers-payant intégral pour les actes liés à une IVG sera rendue obligatoire (article 70).

D’autres mesures sont également intégrées dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021. Le régime social de l’indemnité d’activité partielle est pérennisé par l’article 8. Le montant du plafond annuel de la Sécurité sociale ne peut désormais être inférieur à celui de l’année précédente (article 15). Un dispositif d’exonération dans le secteur vitivinicole est également mis en place (article 17).

II. La loi de finances pour 2021

Délibéré par le Conseil des ministres le 28 septembre 2020, le projet de loi de finances pour 2021 a été déposé le même jour à l’Assemblée nationale par le gouvernement. Adoptée définitivement par le Parlement le 17 décembre, la loi de finances pour 2021 a été promulguée par le président de la République le 29 décembre 2020 et publiée au Journal officiel le 30 décembre (loi nº 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021).

Concernant l’adoption de cette loi de finances (LF), il convient de relever que la commission mixte paritaire a échoué le 9 décembre. Le PLF a ensuite été adoptée en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale le 15 décembre, puis rejetée au Sénat le 16 décembre. La lecture définitive à l’Assemblée nationale a donc eu lieu le 17 décembre. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 décembre par plus de soixante sénateurs. La décision du Conseil constitutionnel n° 2020-813 DC, du 28 décembre 2020 censure les articles 176, 263 ainsi que les articles 163, 165, 177, 243 et 269 de la loi de finances pour 2021 au motif qu’ils « ne trouvent pas leur place dans une loi de finances ». Il convient toutefois de préciser que ces articles étaient sans incidence sur les finances et la fiscalité sociale.

L’appel à des contributions publiques pour assurer le financement de la Sécurité sociale apparaît comme une conséquence de la politique d’exonérations et d’allégements des cotisations sociales. L’annexe au projet de loi de finances « Bilan des relations financières entre l’État et la protection sociale » recense les contributions publiques dans le financement social.

Pour l’année 2021, il est ainsi prévu que les flux financiers entre l’État et la protection sociale s’élèvent à 362,2 milliards d’euros. Il est également prévu que l’État prenne à sa charge le financement d’exonérations de cotisations sociales des employeurs mais surtout il est prévu au sein du PLF pour 2021 que l’État finance des prestations de protection sociale puisque 38,7 milliards d’euros de crédits budgétaires étaient prévus dans le PLF pour 2021 au titre des prestations de protection sociale financées par l’État et opérées par des organismes de Sécurité sociale [6]. Les subventions budgétaires aux régimes de protection sociale ou aux organismes participant à leur financement s’élèvent à 6,3 milliards d’euros dans le PLF pour 2021. Le produit des prélèvements fiscaux affectés aux organismes de Sécurité sociale en 2020 s’élèvera à 239,7 milliards d’euros, soit une diminution de 1,8 % par rapport à l’exécution brute de 2019 qui s'explique principalement par les conséquences de la crise sanitaire sur les recettes. L’État a également apporté des garanties financières à certains régimes de protection sociale conformément à l’article 34 de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

La loi de finances pour 2021 prévoit également des crédits budgétaires dédiés au financement de la protection sociale à hauteur de 51,2 milliards d’euros répartis entre la mission Santé (1162 millions d’euros), la mission Travail et emploi (6596 millions d’euros), la mission Solidarité, insertion et égalité des chances (22 193 millions d’euros), la mission Outre-Mer (1565 millions d’euros), la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (144 millions d’euros), la mission Cohésion des territoires (12 487 millions d’euros), la mission Régimes sociaux et de retraite (6 153 millions d’euros). 947 millions d’euros de crédits budgétaires sont répartis sur neuf autres missions afin de financer des prestations de protection sociale, des compensations d’exonérations de cotisations sociales ou des subventions à des régimes spéciaux [7].

 

[2] Annexe B, Loi nº 2020-1576, du 14 décembre 2020, financement de la Sécurité sociale pour 2021, Rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national des dépenses d’assurance maladie pour les quatre années à venir.

[3] Loi n° 2019-1446, du 24 décembre 2019, de financement de la Sécurité sociale pour 2020, art. 89.

[4] Loi n° 2018-1203, du 22 décembre 2018, de financement de la Sécurité sociale pour 2019, art. 82.

[5] PLFSS pour 2021, Annexe 9 – Fiches d’évaluation préalable des articles du projet de loi, p.137

[6] Annexe au Projet de Loi de finances pour 2021, Bilan des relations financières entre l’État et la protection sociale, p.16.

[7] Annexe au Projet de Loi de finances pour 2021, Bilan des relations financières entre l’État et la protection sociale, p.27.

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