Réf. : Loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021 (N° Lexbase : L3002LZ9)
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par Jérôme Germain, Maître de conférences HDR en droit public, Faculté de droit de Metz, IRENEE, Université de Lorraine
le 06 Janvier 2021
Loi de finances • Finances publiques • Budget • Dette • Déficit • Plan de relance
Délibéré en Conseil des ministres le 28 septembre 2020, le projet de loi de finances initiale pour 2021 a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 novembre puis, après modifications, par le Sénat le 8 décembre. Après l’échec de la Commission mixte paritaire pour trouver un compromis entre les deux assemblées, le texte, soumis à une seconde lecture, a été adopté par l’Assemblée nationale le 15 décembre avant d’être rejeté par le Sénat le 16 décembre. Le projet de loi de finances initiale a été définitivement adopté le 17 décembre par l’Assemblée nationale à qui le gouvernement avait donné le dernier mot. Saisi par plus de 60 députés et par plus de 60 sénateurs, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi de finances initiale le 28 décembre 2020 (Cons. const., décision n° 2020-813 DC, du 28 décembre 2020, Loi de finances pour 2021 N° Lexbase : A18244B8). Aucune inconstitutionnalité importante n’a été relevée par le Conseil constitutionnel. Seuls quelques cavaliers budgétaires ont été censurés. Le plus intéressant d’entre eux est l’article 177 de la loi déférée qui étendait le droit de visite domiciliaire des douanes aux contrôles en matière d’assistance mutuelle entre États membres de l’Union européenne. Cette disposition ne concernant pas les impositions nationales mais d’un autre pays n’a pas sa place dans une loi financière.
La décision du Conseil constitutionnel rendue, le président de la République a pu promulguer la loi de finances initiale pour 2021 le 29 décembre 2020, publiée au journal officiel du 30 décembre 2020.
Le budget 2021 est construit sur une hypothèse de croissance de 6 % en 2021. Le déficit budgétaire de l’ensemble des administrations publiques nationales est estimé à 8,5 % du PIB. Celui de l’État devrait se situer à plus de 150 milliards d’euros. La dette publique, déjà passée à 119,8 % du PIB en 2020, devrait atteindre 122,4 % du PIB en 2021 (voir notre chronique relative aux lois de finances rectificatives pour 2020). Devant la dégradation des indicateurs économiques et budgétaires, le Haut-Conseil des finances publiques (HCFP) appelle le gouvernement, dans son avis joint au projet de loi de finances initiale, à déposer au Parlement au printemps 2021 un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques. La trajectoire actuelle d’évolution du PIB et des finances publiques est en effet caduque et relativise la portée des avis du HCFP sur les projets de lois financières (avis n° HCFP-2020-5, du 21 septembre 2020, relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021 N° Lexbase : L3096LYC).
Globalement, les effectifs publics restent en 2021 quasiment inchangés (- 427 emplois temps plein). Les grands ministères sont particulièrement choyés. Le budget des armées connaît une augmentation de 1,7 milliards d’euros de ses crédits et l’Éducation nationale bénéficie de 1,4 milliards d’euros supplémentaires. De son côté, le ministère de la Justice voit son budget croître de 8 % (610 millions d’euros), notamment au service de la justice de proximité, et celui de l’Intérieur aura 430 millions d’euros de plus à sa disposition en 2021. 2 000 policiers et gendarmes devraient pouvoir être ainsi recrutés. Dans un souci d’alignement sur les salariés du privé, le jour de carence des agents publics est suspendu jusqu’au 16 février 2021 en cas d’arrêt maladie lié directement à l’épidémie de covid-19.
D’un point de vue formel la loi de finances pour 2021 innove. De façon pionnière au niveau mondial, le budget est présenté selon des critères environnementaux. Cette information enrichit la transparence pour les parlementaires et les citoyens en matière d’impact de l’action publique sur l’environnement. La loi de finances permet ainsi plus aisément de mesurer l’effort de l’État en faveur de la lutte contre le changement climatique et en faveur de la transition énergétique. Une cotation en termes de climat, d’adaptation au changement climatique, de ressource en eau, d’économie circulaire, de lutte contre les pollutions et de promotion de la biodiversité indique l’impact environnemental de la totalité des dépenses budgétaires et fiscales du budget de l’État.
La rénovation énergétique des bâtiments publics et privés (notamment par la prime « MaprimeRénov’ » ou le crédit d’impôt pour les entreprises) ou le développement de l’hydrogène sont particulièrement mis en relief par cette nouvelle présentation budgétaire. Le dispositif « MaprimeRénov’ » est par exemple étendu à de nouveaux bénéficiaires (copopriétaires et bailleurs propriétaires). Toutefois, cette présentation verdie du budget ne sera seulement intéressante qu’au fil des années pour suivre la progression de l’effort avec la montée des difficultés liées au changement climatique. Elle doit en effet être comprise comme un accélérateur pour respecter les objectifs climatiques du pays.
Toujours au titre de l’environnement et de la croissance verte, le bonus écologique pour les véhicules électriques et la prime à la conversion sont rendus plus intéressants à partir de juillet 2021 puis de janvier 2022. Un nouveau crédit d’impôt encourage le développement d’un réseau de bornes de recharge sans lesquels les voitures électriques demeurent peu attractives. Ce crédit d’impôt remplace le crédit d’impôt pour la transition énergétique (le CITE) qui arrive à terme le 31 décembre 2020. Le malus auto sur les véhicules qui rejettent le plus de CO2 est alourdi pendant 3 ans. Un amendement du gouvernement prévoit un malus automobile pénalisant les véhicules de plus de 1,8 tonnes à partir de 2022. Les députés ont relevé de 400 à 500 euros le plafond du forfait mobilités durables déductible de l’impôt sur le revenu. Ce forfait a été instauré par la loi d’orientation des mobilités (loi n° 2019-1428, du 24 décembre 2019, d’orientation des mobilités N° Lexbase : L1861LUH). Les sénateurs ont ajouté au texte initial un crédit d’impôt pour inciter les entreprises agricoles à sortir du glyphosate en 2021 et en 2022. Ce crédit d’impôt sera financé pour l’État par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 (N° Lexbase : L9668KXD) et 575 A (N° Lexbase : L6338LUB) du Code général des impôts (taxe sur la consommation de tabac).
Au-delà de ces mesures écologiques, la loi de finances initiale pour 2021 vise principalement à relancer la croissance après la crise pandémique de 2021 qui a durement touché l’économie française non seulement lors de la première vague mais aussi lors du reconfinement.
La loi de finances initiale met en place une grande partie du plan de relance annoncé par le Gouvernement en septembre 2020. Ce plan de relance, dit « France relance », est tout particulièrement concrétisé par une nouvelle mission budgétaire au sein du budget général de l’État. Cette mission « Plan de relance » ouvre 36,4 milliards d’euros d’autorisation d’engagement. Elle est composée de trois programmes budgétaires :
À ces crédits, il faut ajouter les 11 milliards d’euros prévus par la mission « Investissements d’avenir » pour 2021 et 2022. D’autres dépenses de relance sont portées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (A. Dort, Finance et fiscalité sociales, Lexbase Fiscal, janvier 2021, n° 849 (N° Lexbase : N5884BYL) et par des opérateurs publics comme Bpifrance (à hauteur de 2 milliards d’euros) ou la Banque des territoires (à hauteur de 3 milliards d’euros).
Ce plan de relance ambitionne tout d’abord de renforcer la compétitivité des entreprises hexagonales. Les impôts de production sont réduits de 10 milliards d’euros à partir de 2021. Les impôts de production regroupent toutes les impositions pesant sur la masse salariale, l’investissement et le capital productif. En contrepartie, les entreprises de plus de 50 salariés devront présenter des indicateurs de transparence en matière d’écologie, de parité et de gouvernance. L’Opposition aurait souhaité des conditions plus exigeantes face à un tel effort fiscal de l’État. Toujours pour soutenir la compétitivité des entreprises en 2021, l’impôt sur les sociétés (IS) est ramené à 27,5 % pour les grandes entreprises et à 26,5 % pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaire inférieur à 250 millions d’euros. Cette diminution s’inscrit dans une politique de réduction de l’IS au fil du quinquennat actuel. (voir notre chronique relative à la loi de finances pour 2020). Certaines PME (petites et moyennes entreprises) continueront à bénéficier d’un taux réduit de 15 % d’IS. Les fonds propres des entreprises les plus petites et des ETI (entreprises de taille intermédiaires) sont renforcés par la possibilité de souscrire des prêts participatifs. Ces prêts participatifs prévus à hauteur de 20 milliards d’euros vont être garantis par l’État. Ils seront distribués aux entreprises ciblées par les banques commerciales. Seules les entreprises présentant un potentiel de rebond et non les entreprises déjà en difficultés pourront bénéficier de ces prêts. De surcroît, le fonds de solidarité pour les entreprises est prolongé au moins jusqu’en juin 2021 et abondé de 7 milliards d’euros.
Le plan de relance contient aussi de nombreuses mesures en faveur de l’emploi et de la cohésion sociale et territoriale. D’une part, plusieurs programmes sont destinés à soutenir spécifiquement les jeunes pendant la crise actuelle (augmentation des formations qualifiantes et des embauches en alternance, garantie jeune et bourses). D’autre part, les subventions des associations de lutte contre la pauvreté sont largement en hausse. Le Sénat a par ailleurs prolongé en 2021 le relèvement à 1 000 euros du dispositif Coluche qui accorde une déduction fiscale supplémentaire en-dessous (CGI, art. 238 bis N° Lexbase : L0419LP9). Enfin, le financement du chômage partiel de droit commun et pour l’activité partielle de longue durée (APLD) est doté de 11 milliards d’euros en 2021 afin de permettre aux entreprises de conserver leurs employés en vue de la reprise. L’APLD se distingue du chômage partiel de droit commun ou activité partielle de droit commun (APDC). L’APDC est destinée aux besoins ponctuels des entreprises (deux fois trois mois) tandis que l’APLD permet une indemnisation du salarié pendant 2 ans. Son indemnisation à 70 % du salaire brut jusqu’à 4,5 SMIC est partagée entre l’État (85 %) et l’employeur (15 %). En revanche, l’amendement proposé par l’Opposition pour indexer plus finement le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation afin d’éviter que des ménages supplémentaires n’y soient assujettis pendant la crise a été rejeté.
Le plan de relance prévoit enfin un soutien important en direction des collectivités locales. Ce soutien est d’autant plus nécessaire que la fiscalité locale se trouve particulièrement affectée par la réduction des impôts de production engagée par l’État. La part régionale de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) va ainsi être supprimée. À titre de compensation, les régions vont bénéficier d’une fraction équivalente de TVA (taxe sur la valeur ajoutée), soit près de 10 milliards d’euros. Toujours pour soulager les entreprises, la TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties) des établissements industriels va être divisée par deux et le plafonnement de la CET va être abaissé. Ici aussi, l’État s’est engagé à compenser ces deux dernières mesures qui représentent 3,3 milliards d’euros.
Malgré ces compensations, la situation des collectivités territoriales demeure incertaine pendant la crise. Leurs recettes diminuent et leurs dépenses augmentent. Dans ce contexte, l’État démultiplie les gestes en faveur des collectivités locales. Le fonds de stabilité des départements est renforcé afin de financer la hausse des dépenses liées au RSA (revenu de solidarité active). Les régions vont bénéficier de crédits pour soutenir l’investissement local. Un amendement des députés prolonge en 2021 la clause de sauvegarde du bloc communal (communes et intercommunalités). Cette clause de sauvegarde a été instituée par la troisième loi de finances rectificative de 2020 (loi n° 2020-935, du 30 juillet 2020, de finances rectificative pour 2020, art. 21 N° Lexbase : L7971LXI). Elle prévoit que l’État, en-dessous d’un certain seuil, compense les pertes de recettes fiscales liées à l’épidémie. La part de DGF (dotation globale de fonctionnement) versée par l’État aux collectivités concernées est ainsi augmentée à concurrence de la perte subie. Cette compensation sera aussi financée par une taxe additionnelle sur la consommation de tabac. Contrairement à 2020, les recettes domaniales sont en revanche exclues du dispositif en raison du moindre confinement par rapport à 2020. Le montant de crédits prévu par la loi de finances initiale pour financer cette clause de sauvegarde est fixé à 200 millions d’euros pour 2021.
Pour finir, les concours financiers de l’État aux collectivités locales s’élèveront en 2021 à 50,3 milliards d’euros de crédits de paiement en 2021 contre 49,1 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2020. Stable par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, la DGF, qui représente le principal concours financier de l’État aux collectivités locales, se situe à 26,8 milliards d’euros (18,3 pour le bloc communal et 8,5 pour les départements).
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