Le Quotidien du 12 novembre 2020 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Déchéance de marque : possibilité pour le titulaire de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits intervenus avant la déchéance

Réf. : Cass. com., 4 novembre 2020, n° 16-28.281, FS-P+B (N° Lexbase : A936733C)

Lecture: 5 min

N5204BYE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Déchéance de marque : possibilité pour le titulaire de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits intervenus avant la déchéance. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61366695-breves-decheance-de-marque-possibilite-pour-le-titulaire-de-se-prevaloir-de-latteinte-portee-a-ses-d
Copier

par Vincent Téchené

le 10 Novembre 2020

► La déchéance d'une marque, prononcée en application de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3738ADS), ne produisant effet qu'à l'expiration d'une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur la marque qu'ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance.

Faits et procédure. Le titulaire de la marque française semi-figurative « Saint Germain » pour désigner notamment les boissons alcooliques, ayant appris qu’une société distribuait une liqueur de sureau sous la dénomination « St-Germain », a assigné cette société ainsi que le fabriquant et un sous-traitant de ce dernier en contrefaçon de marque. Ayant été déchu de ses droits sur la marque « Saint Germain » pour les produits précités à compter du 13 mai 2011, par un arrêt, devenu irrévocable, rendu dans une autre instance le 11 février 2014, le titulaire de la marque a maintenu ses demandes pour la période non couverte par la prescription et antérieure à la déchéance, soit entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011.

Le TGI de Paris (TGI Paris, 3ème ch., 16 janvier 2015, n° 12/10354 (N° Lexbase : A6545NAN) et à sa suite la cour d’appel (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 13 septembre 2016, n° 15/04749 N° Lexbase : A6613RZX) ayant rejeté cette demande, le titulaire de la marque a formé un pourvoi en cassation.

Le 26 septembre 2018, la Cour de cassation (Cass. com., 26 septembre 2018, n° 16-28.281, FS-D  N° Lexbase : A1927X8U) a saisi la CJUE d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des articles 5 § 1, sous b), 10 et 12 de la Directive n° 2008/95 du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (N° Lexbase : L7556IBH).

Décision.  La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 713-3, b) (N° Lexbase : L3730ADI) et L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 (N° Lexbase : L5296LTC), tels qu'interprétés à la lumière des articles 5 § 1, sous b), 10 et 12 de la Directive n° 2008/95 du 22 octobre 2008.

Elle rappelle que le premier de ces textes interdit, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.

En outre, le second de ces textes sanctionne par la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la déchéance ne pouvant prendre effet avant l'expiration de ce délai.

Or, répondant à la question préjudicielle, la CJUE, par un arrêt du 26 mars 2020 (CJUE, 26 mars 20202, aff. C-622/18 N° Lexbase : A24873KC ; J. Dagher, L. Ghalié et J. Albe, Lexbase Affaires, mai 2020, n° 635 N° Lexbase : N3296BYQ), a dit pour droit que l'article 5, paragraphe 1, sous b), l'article 10, paragraphe 1, premier alinéa, et l'article 12, paragraphe 1, premier alinéa, de la Directive n° 2008/95, lus conjointement avec le considérant 6 de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu'ils laissent aux États membres la faculté de permettre que le titulaire d'une marque déchu de ses droits à l'expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l'État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée conserve le droit de réclamer l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'usage, par un tiers, antérieurement à la date d'effet de la déchéance, d'un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque. À cet égard, la CJUE a précisé qu'il convenait d'apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l'enregistrement de la marque, l'étendue du droit exclusif conféré au titulaire, en se référant aux éléments résultant de l'enregistrement de la marque et non pas par rapport à l'usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période.

Par conséquent, pour la Haute juridiction, la déchéance d'une marque, prononcée en application de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, ne produisant effet qu'à l'expiration d'une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur la marque qu'ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance.

Ainsi, relevant que, pour rejeter les demandes formées par le titulaire de la marque, l'arrêt d’appel retient que celui-ci ne justifie d'aucune exploitation de la marque depuis son dépôt et en déduit que, faute pour la marque d'avoir été mise en contact avec le consommateur, son titulaire ne peut arguer ni d'une atteinte à sa fonction de garantie d'origine, ni d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conférée par ladite marque, ni encore d'une atteinte à sa fonction d'investissement, la Cour de cassation en concclut que la cour d'appel a violé les textes visés.

 

newsid:475204

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.