La lettre juridique n°481 du 12 avril 2012 : Assurances

[Chronique] Chronique de droit des assurances - Avril 2012

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par Véronique Nicolas, Professeur, en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences et avocat, Faculté de droit de Nantes, membres de l'IRDP (Institut de recherche en droit privé)

le 12 Avril 2012

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'Université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", vice-doyen, membre de l'Institut de recherche en droit privé (IRDP), en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, membre de l'Institut de recherche en droit privé, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Hubert Bensoussan. Ont retenu l'attention des auteurs, en premier lieu, un arrêt rendu le 8 mars 2012 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation à propos de la fausse déclaration intentionnelle du souscripteur d'un document d'adhésion à une assurance (Cass. civ. 2, 8 mars 2012, n° 11-10.857, F-P+B) ; en second lieu, un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 13 mars 2012, mettant en relief les difficultés juridiques auxquelles l'assureur de protection juridique peut se trouver confronté, en particulier celles découlant de la "rétractation sur rétractation" (Cass. civ. 3, 13 mars 2012, n° 11-12.232, F-P+B).
  • Fausse déclaration intentionnelle du souscripteur d'un document d'adhésion à une assurance (Cass. civ. 2, 8 mars 2012, n° 11-10.857, F-P+B N° Lexbase : A3784IEU)

La conclusion d'un contrat d'assurance est, le plus souvent, fondée sur les seules déclarations effectuées par le souscripteur. Sans doute, l'assureur dispose-t-il de la possibilité de les vérifier, de procéder à des formes d'enquêtes ou d'expertise même par son propre personnel spécialisé. Il demeure que dans l'immense majorité des cas, surtout dans les contrats d'assurances contractés avec des particuliers, l'assureur se fie aux seuls dires de son cocontractant. Pour cette raison, très tôt, la doctrine spécialiste de droit des assurances, notamment Picard et Besson, a souligné que le contrat d'assurance est un contrat de bonne foi. L'expression visait, alors, à indiquer que cette attitude loyale devait émaner du profane, non professionnel. C'est que l'idée figurait de manière implicite, voire quasiment explicite, dans la loi du 13 juillet 1930.

En effet, les dispositions figurant désormais aux articles L. 113-8 (N° Lexbase : L0064AAM) et L. 113-9 (N° Lexbase : L0065AAN) du Code des assurances, destinées à sanctionner les déclarations inexactes des souscripteurs aux assureurs, distinguent deux cas de figure. Selon le premier de ces textes : "indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26 (N° Lexbase : L0155AAY), le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre". L'hypothèse visée est celle de l'absence de bonne foi du souscripteur. Au contraire, l'article L. 113-9 du Code des assurances envisage le cas de déclarations inexactes par inadvertance ou notamment par incompréhension ou ignorance du non-professionnel. Les sanctions adjointes sont donc moindres.

En volume, la mise en oeuvre de l'article L. 113-8 du Code des assurances donne lieu à une jurisprudence plus nourrie que pour l'article L. 113-9 du même code. C'est qu'il apparaît difficile de démontrer la "réticence ou fausse déclaration intentionnelle". Nul ne peut sonder les reins et les coeurs, pas plus que les âmes et leurs ramifications. Les magistrats doivent donc se faire une opinion au moyen de propos, d'indices, d'attitudes ou de comportements desquels ils induiront un état d'esprit condamnable. Or, souvent, ces éléments extérieurs ou extériorisés font défaut. Toutefois, certaines affaires apparaissent plus simples à trancher. Telle fut la situation dans cet arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 8 mars 2012.

Dans cette affaire, aux origines ordinaires, des époux avaient sollicité des emprunts auprès d'établissements bancaires, lesquels, à titre de garantie, avaient exigé, avant de donner leur accord, que leurs clients souscrivent des contrats d'assurance. Sans doute conscients de l'importance de l'obtention de ces "couvertures" d'assurance pour utiliser le jargon souvent utilisé, dans le passé, par la profession, ceux-ci semblaient avoir multiplié les fausses informations aux mentions figurant dans le bulletin d'adhésion. C'est ce que les premiers juges, déjà, n'avaient pas manqué de relever pour justifier leur refus de faire droit à la demande des époux d'indemnisation par l'assureur. Peut-être ces magistrats s'étaient-ils contentés d'énoncer quelques éléments concrets, dans cette affaire, justifiant leur décision en raison de la conviction obtenue de l'absence de bonne foi des souscripteurs. Pour que ce reproche ne puisse lui être fait, la Cour de cassation s'emploie à multiplier l'exposé des circonstances et comportements démontrant le caractère intentionnel des fausses déclarations opérées par les souscripteurs.

En d'autres termes, elle semble considérer que si telle déclaration ne peut, à elle seule, attester de l'intention condamnable du souscripteur, l'accumulation de déclarations inexactes légitime la décision des premiers juges de mettre en oeuvre l'article L. 113-8 du Code des assurances. Et la Cour de cassation de passer en revue tous les griefs classiques souvent reprochés aux assureurs : emploi de caractères trop petits dans le bulletin d'adhésion, mentions décisives inscrites à des endroits du contrat peu visibles ou encore exigence de la signature juste au-dessus de le reproduction de l'article L. 113-8 du Code des assurances. En l'absence de telles critiques pouvant être adressées au contrat d'assurance, le souscripteur ne pouvait prétendre avoir mal compris ces dispositions. Car, en l'espèce, le souscripteur n'avait pas remarqué qu'il ne devait pas avoir été en arrêt de travail plus de trente jours consécutifs ou non au cours des vingt-quatre mois précédents.

Sur la méthode employée, qu'il nous soit permis d'émettre certaines réserves. Il est entendu qu'il n'y a rien de plus difficile que de démontrer une intention peu louable ou une malveillance intentionnelle. Il est donc incontestable que les juges doivent pouvoir s'appuyer sur tous les éléments ou circonstances permettant de se forger une opinion. Toutefois, la Cour de cassation déduit, en l'espèce, de la clarté du document fourni au souscripteur sa volonté de tromper son contractant. La démonstration peut apparaître insuffisante. En effet, aucune autre attitude du souscripteur n'était relevée pour attester de sa volonté délibérée d'effectuer une fausse déclaration intentionnelle. Aucune indication n'est ainsi fournie sur les circonstances dans lesquelles la signature de ce document est intervenue.

Car, dans un établissement bancaire, une signature sur le bord d'un comptoir, après qu'il vous ait été dit qu'il vous suffisait de signer là et de vous hâter car d'autres clients attendent, sans que le document, donc, puisse être lu, au calme, posément, surtout lorsque le souscripteur n'est pas nécessairement un juriste ou une personne avertie de ces pratiques, ne prend pas le temps indispensable à une véritable et complète réflexion de son engagement. Les intermédiaires d'assurance disposent de cet art de savoir presser leurs clients pour ne pas toujours leur laisser le loisir de déchiffrer, en détail, le document présenté. Pour qui n'a jamais signé de tels accords, leur longueur, même relative lorsqu'ils se limitent à un recto et verso, n'invite pas à une réflexion réelle, sans compter la pression issue de la situation globale où l'établissement de crédit insiste sur la nécessité de disposer d'une telle assurance si l'on entend bénéficier de sa prétendue largesse en acceptant de prêter une somme d'argent à des clients.

Certes, les conditions légales sont satisfaites. Néanmoins, tous les clients ne sont pas réceptifs aux mêmes données. Tel sera attentif à une mise en garde écrite ; tel autre capte mieux une information orale. Dans tous les cas, le principe même d'une signature immédiate, même en disposant d'un délai de réflexion que peu de personnes perçoivent car elles ne lisent pas toujours le document remis alors qu'elles l'ont signé. Si le législateur souhaite une véritable information, réfléchie, mesurée, encore que rien ne soit certain, il ne serait pas inutile qu'il impose une remise du document un jour donné, avec interdiction de le signer avant tel délai de lecture, d'interrogations ou renseignements pris. Toutes les autres mesures sont, pour partie, illusoires ; et chacun en est conscient. Reste à connaître la réalité du prétendu objectif de protection des souscripteurs de contrats d'adhésion.

Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Faculté de droit de l'Université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", vice-doyen, Membre de IRDP

  • L'assureur de protection juridique confronté aux difficultés de la "rétractation sur rétractation" (Cass. civ. 3, 13 mars 2012, n° 11-12.232, F-P+B (N° Lexbase : A8790IEB)

L'assureur de protection juridique a la redoutable tâche de devoir être un excellent généraliste du droit dans tous les domaines couverts par le contrat.

Or, les difficultés juridiques ne manquent pas. Cela se vérifie, en l'espèce, en droit de la vente, où l'assureur est confronté à la question de la renonciation à la rétractation par l'acquéreur immobilier dans le cadre de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1988HPC), aux termes duquel "pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation [...], l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte"

La question ne se présentait pas sous les traits d'une renonciation au bénéfice des dispositions de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation, d'ordre public. Une telle renonciation, comme pour tout droit d'ordre public, doit être non équivoque et postérieurement à la naissance de ce droit acquis. Toute renonciation incluse dans l'avant-contrat lui-même serait donc nulle, sans discussion. En revanche, on peut hésiter sur le moment à compter duquel le droit à rétractation est ouvert à l'acquéreur. Est-ce dès la signature de l'avant-contrat ou après la notification de l'avant-contrat ? Cette seconde analyse, plus sûre, est préconisée en doctrine (cf. Jacques Lafond, JurisClasseur Notarial Formulaire, Avant-contrat, Fasc. 14, spéc. n° 106 et s.).

En l'espèce, la question se présentait sous des traits encore plus complexes. L'acquéreur non-professionnel ayant signé sous l'acte sous seing privé avait exercé la faculté de rétractation ouverte par l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation, puis avait immédiatement renoncé à cette rétractation.

Selon les termes de l'arrêt, l'acquéreur "était revenu pratiquement immédiatement sur [sa renonciation et] avait confirmé dans des termes dépourvus d'équivoque son engagement d'acquérir l'immeuble aux conditions contractuelles et avait adressé à l'assureur de protection juridique des vendeurs un chèque en complément de la somme séquestrée lors de la signature de la promesse de vente".

La cour d'appel de Pau avait constaté une renonciation expresse à la faculté de rétractation et lui avait donné plein effet (CA Pau, 1ère ch., 6 décembre 2010, n° 09/04198 N° Lexbase : A8919GMB). Cette attitude était-elle possible ? En d'autres termes, l'adage "rétractation sur rétractation" vaut est-il de droit positif ? La troisième chambre civile de la Cour de cassation ne partage pas cette analyse et censure au motif que la rétractation a entraîné l'anéantissement du contrat. La "renonciation à la rétractation" n'est pas de nature à faire "revivre" le contrat (de promesse) dissous.

On pourra s'étonner d'une telle solution si la rétractation de la rétractation est survenue dans le délai de sept jours pour exercer ce repentir. On notera, toutefois, que l'arrêt examiné est dans la droite ligne d'un arrêt rendu par cette même chambre en 2008 (Cass. civ. 3, 13 février 2008, n° 06-20.334, FS-P+B N° Lexbase : A9216D44, Bull. civ. III, Defrénois, 30 juin 2008, p. 1358, obs. R. Libchaber), ayant déjà jugé que l'exercice par un acquéreur du droit de rétractation prévu par l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation entraîne l'anéantissement du contrat, et qu'une rétractation de la rétractation, fût-elle antérieure à l'expiration du délai prévu par l'article, est sans effet sur sa validité.

M. Libchaber s'était interrogé sur l'efficacité d'une telle expression de volonté unilatérale par l'acquéreur qui voudrait revenir sur sa rétractation. Il avait noté que si la renonciation à la rétractation a été jugée inefficace, la solution ne va pas de soi, "car d'autres situations témoignent d'une efficacité moins considérable de la volonté solitaire [telle] la renonciation à succession que, reprenant une solution ancienne, l'article 807 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L9882HNC) rend révocable tant qu'aucun autre héritier n'est venu manifester son acceptation".

Le droit de la vente est, quant à lui, foncièrement bilatéral. La rétractation a entraîné l'anéantissement du contrat. La Cour ne dit pas "caducité", puisque l'anéantissement provient d'une volonté unilatérale. Ce que la volonté de l'un a défait, cette volonté unilatérale ne peut suffire à renouer le fil du contrat. Il faudrait une nouvelle expression de la volonté du vendeur pour acquiescer à la "renonciation à la renonciation" de l'acquéreur.

Il nous semble qu'il y aurait une autre voie possible : ne pourrait-on considérer que le repentir de l'acquéreur emporte offre dans l'intérêt exclusif du vendeur ?

L'assureur de protection juridique méditera l'adage "rétractation sur rétractation ne vaut" pour indiquer à l'assuré vendeur la nécessité de reprendre le processus contractuel à zéro : conclure une nouvelle promesse synallagmatique. En espérant que l'acquéreur ne change pas encore d'avis et en vienne à exercer un troisième repentir...

Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, Membre de l'Institut de recherche en droit privé, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Hubert Bensoussan

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