Réf. : Cass. com. 3, 21 octobre 2020, n° 18-25.749, F-P+B (N° Lexbase : A85703Y3)
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 28 Octobre 2020
► Les pénalités de retard de l’article L. 441-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L0506LQS) sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être mentionnée dans le contrat ;
► il en est ainsi peu importe que le maître d’ouvrage soit une SCI ;
► le seul fait que le maître d’ouvrage ne soit pas un commerçant et qu’il n’ait pas davantage conclu un acte de commerce n’est pas de nature à en écarter l’application.
En l’espèce, une SCI confie à une entreprise un marché de travaux de gros œuvre sur un immeuble à usage d’habitation. Après la réception des travaux, l’entreprise adresse son projet de décompte général et définitif au maître d’ouvrage, dans lequel figurent les sommes prétendument dues au titre du compte prorata, avec application des pénalités de retard sur le fondement de l’article L. 441-6 du Code de commerce. Faute de paiement de cette somme, l’entreprise finit par assigner la SCI. Les juges d’appel lui donnent gain de cause sur la somme réclamée au principal, mais non sur les intérêts. La SCI est condamnée à payer des intérêts au taux légal.
L’entreprise forme un pourvoi en cassation dans lequel elle expose que les pénalités, prévues à l’article L. 441-6 du Code de commerce, dues en cas de retard de paiement s’appliquent à tout contrat de vente ou de prestations de services conclu entre professionnels, même non commerçants, comme une SCI.
Après avoir rappelé que les pénalités de retard prévues par ce texte sont dues, de plein droit, sans rappel et sans avoir à être mentionnées dans le contrat, en ce compris les marchés de travaux, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel.
Le seul fait que la SCI maître d’ouvrage n’ait pas la qualité de commerçant et qu’elle n’ait pas conclu un acte de commerce ne rend pas l’article L. 441-6 du Code de commerce inapplicable.
Les plaideurs n’y pensent pas suffisamment, peut-être parce que les décisions rendues sur le sujet sont rares. La jurisprudence est, pourtant, constante (V. pour exemple, Cass. civ. 3, 30 septembre 2015, n° 14-19.249, FS-P+B N° Lexbase : A5686NSE ; ou encore Cass. com., 22 novembre 2017, n° 16-19.739, F-D N° Lexbase : A5749W3C). Sauf stipulation contractuelle contraire, les pénalités de retard prévues à l’article L. 441-6 du Code de commerce, bien plus avantageuses pour le créancier que les intérêts légaux, s’appliquent de plein droit en cas de défaut de paiement de sommes dues au titre d’un contrat d’entreprise, tel qu’un marché de travaux.
La loi dite « LME » (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 N° Lexbase : L7358IAR) a, en effet, instauré de nouvelles pénalités de retard applicables à toutes les activités de production, de distribution et de service, sans distinction. Il n’est donc pas surprenant que les marchés de travaux soient inclus dans ces activités.
Mais il était moins évident que cet article, inclus dans le Code de commerce faut-il le rappeler, s’applique lorsque l’une des parties n’est pas commerçante et qu’elle n’accomplit pas d’acte de commerce. C’est ainsi que certains juges du fond ont écarté l’application de cet article lorsque le maître d’ouvrage est une SCCV (CA Angers, 20 mai 2014, n° 12/02725 N° Lexbase : A5892MLS) ou, comme en l’espèce, une SCI (CA Paris, 12 octobre 2018, n° 17/01752 N° Lexbase : A2411YGE).
Ils ont tous été censurés par la Haute juridiction qui confirme ainsi l’arrêt rendu ce 19 mars 2020 (Cass. civ. 3, 19 mars 2020, n° 18-25.395, F-D N° Lexbase : A48613KA). Non seulement l’article L. 441-6 s’applique aux marchés de travaux, mais mieux que cela, il s’applique quelle que soit la qualité du maître d’ouvrage.
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