La lettre juridique n°840 du 15 octobre 2020 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Déduction de la TVA sur les dépenses de fonctionnement d’un EPHAD : revirement de jurisprudence du Conseil d’État

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 7 octobre 2020, n° 426661, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4876YIG)

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[Brèves] Déduction de la TVA sur les dépenses de fonctionnement d’un EPHAD : revirement de jurisprudence du Conseil d’État. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/60913234-breves-deduction-de-la-tva-sur-les-depenses-de-fonctionnement-dun-ephad-revirement-de-jurisprudence-
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par Sarah Bessedik et Marie-Claire Sgarra

le 19 Octobre 2020

Par une décision du 7 octobre 2020, le Conseil d’État vient apporter des précisions relatives au coefficient de déduction de la TVA dans le cadre d’une activité d’hébergement de personnes âgées et revoit ainsi sa jurisprudence antérieure.

Les faits. La société Résidence de la Forêt, qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2009 au 31 décembre 2012.  À l'issue de ce contrôle, la société a été assujettie à des rappels de TVA au titre la période vérifiée ainsi qu'à des pénalités. Par un arrêt du 23 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Douai a prononcé la réduction de ces rappels de TVA et des pénalités correspondantes à hauteur de la rectification des bases d'imposition résultant de l'application d'un coefficient de taxation inferieur à 1 aux frais et charges d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments (CAA Douai, 23 octobre 2018, n° 16DA01279 N° Lexbase : A4876YIG). Le ministre de l'Action et des Comptes publics, considérant que le coefficient applicable est de 1, se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Principes fondant le raisonnement du Conseil d’État :

  • l’article 271-I-1 du CGI (N° Lexbase : L9246LNR) : « La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération » ;
  • l’article 273 du CGI (N° Lexbase : L5384HLY) : il indique que des décrets en Conseil d'État fixent les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé́ les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite ;
  • l’article 205 de l’annexe II du CGI (N° Lexbase : L3739HZI) : « La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ».
  • l’article 206 de l’annexe II du CGI (N° Lexbase : L5773LHB) : cet article déterminé le calcul des coefficients d’assujettissement, de taxation et d’admission.

À noter : les dispositions précitées sont issues de la transposition des articles 1er, 168 et 173 de la Directive (UE) n° 2006/112 du Conseil, 28 novembre 2006, relative au système commun de TVA (N° Lexbase : L7664HTZ).

Le Conseil d’État ne manque pas de préciser que ces dispositions ont été interprétées par la CJUE dans un arrêt en date du 18 octobre 2018 (CJUE, 18 octobre 2018, aff. C-153/17, Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs c/ Volkswagen Financial Services (UK) Ltd. N° Lexbase : A6566YGB).

Il en résulte que lorsque les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services font partie des frais généraux liés à l'ensemble de l'activité́ économique de l'assujetti, ce dernier bénéficie d'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont l'étendue varie selon l'usage auquel les biens et les services en cause sont destinés. Lorsque les biens ou services sont utilisés concurremment pour la réalisation d'opérations taxées et pour la réalisation d'opérations exonérées, la déductibilité́ n'est que partielle, y compris dans l'hypothèse particulière où l'assujetti est tenu de répercuter l'intégralité́ du coût de ces dépenses dans le prix de ses seules opérations taxées.

Solution. Selon les juges du Conseil d’État, l’administration fiscale pouvait remettre en cause la déduction intégrale de la TVA ayant grevé les frais et charges d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments de la société́ Résidence de la Forêt. Ainsi, la cour d’appel a commis une erreur de droit. Le motif que ces frais et charges avaient été intégralement incorporés dans le prix des prestations relatives à l'hébergement et à la dépendance, lesquelles sont imposables à la TVA à la différence des prestations de soins, est inopérant.

Conséquences. Par cet arrêt le Conseil d’État fait désormais prévaloir le critère de l’utilisation effective des dépenses mixtes n’autorisant, dès lors, qu’une déduction partielle de la TVA y afférente au titre des frais généraux.

Rappelons que, dans ses jurisprudences antérieures, le Conseil d’État avait :

  • exigé des EHPAD que les sommes représentatives du forfait soins, assimilées à des subventions directement liées au prix de prestations exonérées, devaient figurer au dénominateur du coefficient forfaitaire de taxation (sommes entrant dans le champ d'application de la TVA et représentant la contrepartie de prestations de soins effectuées à titre onéreux et exonérées de TVA) (CE 3° et 8° ssr., 20 octobre 2014, n° 364715, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0645MZW) ;
  • écarté l'application du prorata de déduction pour la taxe grevant les dépenses d'administration générale de l'établissement et de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments (CE 3° et 8° ch.-r., 5 octobre 2016, n° 390874, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9892R47).

Lire en ce sens, V. Daumas, Sur les conditions de déduction de la TVA s'agissant des EHPAD - Conclusions du Rapporteur public, Lexbase Fiscal, novembre 2016, n° 676 (N° Lexbase : N5228BWK).

 

 

 

 

 

 

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