Réf. : Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A41383W8)
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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Social
le 14 Octobre 2020
Mots clef : vie privée • droit à la preuve • licenciement • Facebook
Il résulte des articles 6 (N° Lexbase : L7558AIR) et 8 (N° Lexbase : L4798AQR) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et 9 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1123H4D), que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
L’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 30 septembre 2020, et promis à la plus large publicité, sonne comme un avertissement sans frais pour tous les salariés qui s’exposent sur les réseaux sociaux et qui pouvaient croire bénéficier d’une sorte d’impunité vis-à-vis de leur employeur. Pour la première fois, en effet, la Haute juridiction vient affirmer qu’un employeur est en droit de produire des photos qui lui ont été communiquées par un « ami » du salarié pour licencier ce dernier qui avait publié en avant-première, et sans autorisation, des clichés de la nouvelle collection des produits qu’il vendait. La solution est inédite (II.) même si elle s’inscrit dans un cadre juridique qui la rendait prévisible (I.).
I. La conciliation du droit au respect de la vie privée et de la défense des intérêts légitime de l’entreprise
Contexte global. L’articulation entre vie professionnelle et vie privée des salariés fait difficulté depuis de très nombreuses années en jurisprudence. Le principe d’une séparation étanche entre les deux sphères, nécessaire pour assurer la préservation du droit au respect de la vie privée des salariés, ne peut en effet conférer à ces derniers une impunité totale lorsque, par leurs comportements « privés », ils portent atteinte aux intérêts de leur employeur, les intérêts de ce dernier étant aussi légitimes que les leurs. La Cour de cassation a ainsi développé toute une série de solutions permettant de protéger les entreprises, soit en dehors du droit disciplinaire en justifiant des licenciements fondés sur l’observation de fautes commises en dehors de la sphère professionnelle mais perturbant le bon fonctionnement de l’entreprise [1], soit dans le cadre du droit disciplinaire (et autorisant donc des licenciements pour faute grave) en présence de faits se rattachant à la vie de l’entreprise ou à la vie professionnelle du salarié [2], ou portant atteinte à l’obligation de loyauté [3].
Recevabilité de la preuve. La Cour de cassation veille, en toutes matières, au principe de loyauté dans l’obtention des preuves, interdisant l’emploi de « stratagèmes » pour accéder à des informations [4]. S’agissant de l’accès notamment à des correspondances privées pour établir l’existence de fautes commises par le salarié, la jurisprudence a été fixée après l’arrêt « Nikon » rendu en 2001 s’agissant des données présentes sur l’ordinateur professionnel du salarié [5]. Dans ces affaires, le droit de produire les éléments litigieux est facilité par la présomption de caractère professionnel des données récoltées, le salarié qui désire invoquer le droit au respect de sa vie privée devant établir qu’il avait cherché à protéger ses données en les identifiant comme « personnelles » [6] en respectant la charte d’entreprise, si elle existe [7].
La prolifération des réseaux sociaux a rendu la question plus délicate encore dans la mesure où les salariés peuvent y créer des comptes privés, en limiter l’accès à certains « amis » (et donc ne pas leur donner de caractère « public » [8]), et créer ainsi des groupes fermés composés des collègues de leur entreprise mais aussi de salariés d’autres entreprises y compris concurrentes de la leur.
S’agissant de Facebook, qui était de nouveau en cause dans cette affaire, la Cour de cassation a eu l’occasion d’indiquer, en 2018, que l’employeur ne pouvait reprocher à une salariée des propos hostiles à des collègues tenus sur son compte personnel dès lors que le nombre de ses amis était limité [9]. Dans cette affaire, le débat avait toutefois porté sur la qualification de faute grave et non sur la recevabilité de la preuve proprement dite, sans par ailleurs que la question ne soit abordée sous l’angle des droits fondamentaux des uns et des autres.
L’employeur qui cherche à sanctionner un salarié en raison de fautes commises dans sa vie privée ne se heurte pas qu’à des obstacles liés aux moyens mis en œuvre pour accéder à l’information ; une fois admise la recevabilité des données, encore faut-il déterminer si leur révélation ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée des salariés [10].
Respect de la vie privée des salariés et réseaux sociaux. Il serait vain de prétendre épuiser ici toutes les potentialités de l’article 9 du Code civil, et de l’article 8 de la Convention EDH, en droit du travail, tant la référence au droit au respect de la vie privée des salariés est ancienne et fréquente. La conciliation entre le respect de la vie privée du salarié et de l’intérêt de l’entreprise a en effet été au cœur de la construction du régime des clauses de mobilité dans les années 1990, singulièrement lorsque l’employeur prétendait imposer aux salariés un changement de domicile [11], puis dans les années 2000, lorsque le droit au respect de la vie privée et familiale a été brandi par les salariés pour paralyser la mise en œuvre des clauses de mobilité, obligeant les juges à une pesée des intérêts en présence [12].
Les contentieux liés à des écrits ou des photos publiés sur les réseaux sociaux en général, et sur Facebook en particulier, ont été assez nombreux ces dernières années et permettent d’y voir un peu plus clair sur l’étendue, et les limites, de la protection que le principe du droit au respect de la vie privée confère au salarié [13].
Le caractère « privé » des propos tenus sur Facebook a été discuté, mettant en cause d’ailleurs l’applicabilité même du droit au respect de la vie privée. La jurisprudence l’a admis, dans le cadre de poursuite pour injures, dès lors que les groupes d’amis sont « fermés », en « nombre restreint » et que les personnes qui peuvent avoir accès au contenu des messages « compte tenu du mode de sélection, par affinités amicales ou sociales, forment une communauté d'intérêts » [14]. Cette analyse se retrouve dans le premier arrêt « Facebook » rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation en 2018, lorsqu’elle a considéré que constituait une « une conversation de nature privée » des messages réservés à un petit groupe d’amis [15]. Dans cette affaire, toutefois, le droit au respect de la vie privée du salarié n’avait pas été invoqué formellement, le débat portant sur la qualification de « faute grave », sans autre précision.
Ce nouvel arrêt qui concerne de nouveau la publication de données portant sur le travail du salarié dans le cadre de Facebook vient donc compléter la précédente décision de 2018, dans un sens nettement plus favorable à l’entreprise cette fois-ci.
II. Le droit conditionnel d’utiliser les données issues de la page personnelle du salarié
L’affaire. L’affaire mettait en cause une salariée occupant, au moment de son licenciement (ancienneté de 4 ans), les fonctions de « Export Area Manager » (statut cadre) au sein de la société Petit Bateau. L’intéressée avait été licenciée pour faute grave en avril 2014, son employeur lui reprochant un manquement à l'obligation de confidentialité pour avoir diffusé sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015 qui n’avait été présentée qu’aux commerciaux de l’entreprise et qui n’était pas censée être, à ce stade, rendue publique.
Elle avait contesté ce licenciement devant le conseil de prud’hommes de Paris qui avait écarté la qualification de faute grave tout en considérant la sanction comme justifiée.
En appel [16], le débat avait fait apparaître que ces photos avaient pu être vues par les « amis » de la salariée dont certains appartenaient à des entreprises concurrentes, ce qui, selon l’entreprise, démontrait que ce compte Facebook « privé » dépassait en réalité cette seule sphère pour présenter également un caractère « professionnel ». Il apparaissait également que l’employeur avait interdit à plusieurs reprises la diffusion sur les réseaux sociaux d’informations concernant l’entreprise et qu’il avait été informé de ces publications par des « amis » qui s’étaient inquiétés que des informations confidentielles concernant la nouvelle collection se retrouvent ainsi rendues publiques sur Facebook. La cour d’appel de Paris avait, pour sa part, retenu la qualification de faute grave et considéré que le licenciement intervenu pour ce motif était parfaitement justifié.
Dans son pourvoi en cassation, la salariée faisait valoir que l’employeur ne pouvait avoir accès aux informations du compte privé de la salariée qu’avec son accord, ce qui constituait une atteinte à sa vie privée.
La solution. Telle n’est pas l’opinion de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi au prix d’un raisonnement conforme à la fois aux solutions admises par la Cour de Strasbourg, et relayées depuis quelques années par sa propre jurisprudence.
L’influence manifeste de la CEDH. La première observation qui s’impose ici tient à la manière de déterminer si, et dans quelle mesure, l’atteinte à la vie privée du salarié pouvait être admise. En s’attachant tout d’abord à démontrer si l’atteinte au droit était caractérisée, puis en s’intéressant aux motifs et à la proportionnalité de la mesure, la Cour de cassation emprunte aux méthodes de raisonnement de la Cour EDH, ce qui est pleinement corroboré par le visa de l’article 8 de la convention EDH dont on sait qu’il est le siège européen du droit au respect de la vie privée. Dans l’affaire « Barbulescu c/ Roumanie » rendue en 2016, la Cour EDH avait rappelé que les juges nationaux doivent procéder à la pesée des intérêts de manière concrète, et non théorique, en tenant compte de la situation spécifique des parties, avant de condamner la Roumanie dans la mesure où « rien, dans la présente affaire, n'indique que les autorités internes aient manqué à ménager un juste équilibre, dans le cadre de leur marge d'appréciation, entre le droit du requérant au respect de sa vie privée protégé par l'article 8 et les intérêts de l'employeur » [17]. On se rappellera ainsi que, dans l’affaire « Libert c/ France » de 2018 [18], la protection des données présentes dans l’ordinateur professionnel du salarié avait été assurée via l’article 8 de la Convention (en l’espèce, l’accès à des fichiers « n'ayant pas été dûment identifiés comme étant privés » n’a pas violé la Convention). La Cour EDH a d’ailleurs été régulièrement saisie d’affaires mettant en jeu la liberté d’expression sur Facebook [19], mais aucune au regard de l’article 8 de la convention EDH et du droit au respect de la vie privée et familiale des salariés.
La continuité dans la jurisprudence sociale. Même si la méthodologie mise en œuvre dans cette décision semble prima facie inédite, s’agissant de l’affirmation du droit de l’employeur de porter atteinte au droit au respect de la vie privée de l’un de ses salariés pour assurer la défense de ses intérêts via le droit à la preuve, le raisonnement mis en œuvre dans cette affaire en trois étapes ne fait qu’opérer une mise en ordre de solutions déjà admises en jurisprudence depuis de longues années.
L’absence de stratagèmes. La Cour s’intéresse, tout d’abord, à la recevabilité de la preuve. Selon la Haute juridiction, en effet, « si en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, l’employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve », l’employeur peut valablement produire des éléments qui lui ont été communiqués « spontanément […] par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook » d’un autre salarié, ce qui ne constitue pas un « procédé d’obtention de preuve […] déloyal ».
La référence est, comme cela a été rappelé, conforme aux principes généraux du droit de la preuve qui proscrivent les manœuvres déloyales destinées à se procurer des preuves auxquelles on ne devrait pas avoir normalement accès. Dans cette affaire, c’est semble-t-il un salarié de l’entreprise, ami sur Facebook, qui avait pris l’initiative de « dénoncer » sa collègue. On peut imaginer que d’autres scénarios sont possibles qui pourront éventuellement être discutés par le salarié ainsi dénoncé, notamment lorsque c’est l’employeur qui a fait pression sur un « ami » pour qu’il livre des informations privées, voire qui aura usurpé l’identité d’un salarié pour accéder directement aux informations. La référence aux stratagèmes, qui n’étaient pas discutés ici, pourrait donc dans l’avenir alimenter d’intéressantes discussions pour contrer des stratégies d’accès aux comptes privés des salariés.
L’atteinte à la vie privée des salariés. La Cour de cassation s’intéresse ensuite à l’atteinte que pourrait représenter les éléments produits au droit au respect de la vie privée du salarié. En premier lieu, la Cour observe qu’il y a bien eu, en l’espèce, atteinte au droit au respect de la vie privée de la salarié, au sens des articles 8 de la Convention EDH et 9 du Code civil : « la production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n’était pas autorisé à accéder, et d’éléments d’identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée ».
La Cour de cassation a admis depuis longtemps que le salarié conserve le droit de voir sa vie privée respectée sur son lieu de travail, le fait qu’il exécute son contrat de travail ne le privant pas de ce droit. Dans cette affaire, la question ne se posait de toute façon pas puisque les informations sur la base desquelles la salariée avait été licenciée, avaient été directement tirée de son compte privé Facebook, ce qui entrait d’évidence dans le champ des articles 8 de la Convention EDH et 9 du Code civil.
L’employeur porte évidemment atteinte à la vie privée du salarié en ayant accès à des informations publiées sur les réseaux sociaux, même si, par leur objet, les données récoltées concernent directement la vie de l’entreprise. Ce dernier élément aurait d’ailleurs pu faire douter de la conclusion dans la mesure où les informations publiées concernaient directement et exclusivement la vie de l’entreprise, et non des faits relevant de la vie privée du salarié. Mais dans la mesure où ces informations étaient publiées sur la page personnelle du salarié, ils avaient, dans une certaine mesure, une nature mixte, justifiant certainement, pour protéger le salarié, le rattachement à la « vie privée ».
Cette affirmation règle donc, on peut l’espérer, définitivement la question du rattachement des comptes Facebook à la vie privée des salariés et clôt le débat autour du seuil à partir duquel un compte pourrait perdre son caractère « privé » en raison de la présence d’un grand nombre « d’amis », surtout s’ils sont pour la plupart issus de la sphère professionnelle. Le nombre et la qualité de ces amis ne devrait donc plus entrer en ligne de compte, seule comptant la nature « privée » du compte admise pour tous ceux qui refusent un accès public à leurs informations et restreignent l’accès aux seuls amis autorisés.
La justification de l’atteinte par la référence rare au « droit à la preuve ». La Cour de cassation considère que cette atteinte était justifiée par un but légitime et qu’elle était ici « indispensable à l’exercice » du « droit à la preuve » résultant de l’article 6 de la Convention EDH.
Cette justification est particulièrement intéressante.
Jusqu’à une époque pas si lointaine, la justification des atteintes aux droits des salariés semblait être à rechercher du côté de la notion floue d’intérêt de l’entreprise. Le principe d’une conciliation entre le respect de la vie privée et « l’intérêt de l’entreprise » est nécessaire, et au cœur du Code du travail, notamment depuis la loi du 31 décembre 1991 qui a inscrit dans le Code du travail l’actuel article L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) aux termes duquel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». On a pu parfois critiquer le caractère flou de la notion d’intérêt de l’entreprise et craindre qu’elle ne masque, en réalité, la volonté de protéger le seul intérêt de l’employeur. Tel n’était pas le cas ici : en diffusant largement des clichés de la nouvelle collection avant que celle-ci ne soit officiellement rendue publique par l’entreprise, dans un groupe « d’amis » comprenant des salariés d’autres entreprises concurrentes de la sienne, la salariée avait en effet pris le risque de laisser le temps à la concurrence d’ajuster sa propre stratégie, voire à des esprits mal intentionnés de copier les modèles dans la perspective de la mise en fabrication précoce de contrefaçons, ce qui aurait été de nature à nuire à la réussite de la nouvelle collection, portant ainsi directement atteinte au retour sur investissement et menaçant ainsi l’entreprise de difficultés économiques, à tout le moins faisant peser sur elle le spectre d’une baisse de compétitivité et d’une menace sur l’emploi.
Dans cette affaire, la Cour de cassation n’a pas souhaité viser l’intérêt de l’entreprise pour ne pas s’engager sur une voie périlleuse, et a préféré viser « le droit à la preuve », qui constitue l’une des composantes du droit à un procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention EDH [20]. Ce droit, souvent invoqué par les demandeurs, n’a été que rarement visé par la Chambre sociale de la Cour de cassation depuis son apparition en 2012 au sein de la Haute juridiction [21], pour justifier des atteintes aux droits substantiels des parties. Ainsi, dans une espèce discutant le droit pour un syndicat d’invoquer, dans le cadre d’un différend portant sur la durée du travail, des données obtenues par des délégués du personnel dans l’exercice de leur mandat et portant sur des éléments protégés au titre de la vie privée des salariés [22], la Cour de cassation avait affirmé en 2016, au visa des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L6813BHS) et 9 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1123H4D), que non seulement que « l'article L. 3171-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8718LGY), qui autorise les délégués du personnel à consulter les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, n'interdit pas à un syndicat de produire ces documents en justice », mais aussi que « le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle d'un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi » [23].
La proportionnalité de l’atteinte. Elle était également « proportionnée au but poursuivi » puisque « pour établir un grief de divulgation par la salariée d’une information confidentielle de l’entreprise auprès de professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes, l’employeur s’était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l’intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d’activité et qu’il n’avait fait procéder à un constat d’huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l’identité du titulaire du compte ». La solution n’était guère ici discutable. L’employeur n’avait pas, dans cette affaire, eu accès et produit l’ensemble des informations présentes sur la page Facebook de la salariée, ce qui évidemment aurait été non pertinent et disproportionné, mais uniquement les éléments en lien avec l’affaire, c’est-à-dire les photos de la présentation du produit.
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[1] Le coup d’envoi de cette jurisprudence a été donné en 1991 par l’arrêt « Painsecq » : Cass. soc., 17 avril 1991, n° 90-42.636, publié (N° Lexbase : A3738AAP). Dernièrement, Cass. soc., 1er février 2017, n° 15-22.302, F-D (N° Lexbase : A4231TBC) : « les éléments produits par l'employeur ne permettaient pas de caractériser l'existence d'un trouble objectif au sein de l'association ». Lire notamment Ph. Waquet, Vie privée, vie professionnelle et vie personnelle, Droit social, 2010, p. 14 ; J.-E. Ray, De l'interférence vie personnelle/vie professionnelle, SSL, 2010, n° 1386, p. 12 ; J.-Y. Frouin, Protection de la personne du salarié, intérêt de l'entreprise et construction prétorienne du droit du travail, JCP éd. S, 2010, p. 1087 ; G. Loiseau, Vie personnelle et licenciement disciplinaire, D., 2011, p. 1568 ; P. Adam, La vie personnelle, une forteresse et quelques souterrains, RDT, 2011, p. 116.
[2] Dernièrement, nos obs., Attention : personnel volant !, sous Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-18.317, FS-P+B (N° Lexbase : A11673RN), Lexbase Social, 2020, n° 836 (N° Lexbase : N4503BYG).
[3] Nos obs., Le sportif professionnel doit se soigner loyalement !, sous Cass. soc., 20 février 2019, n° 17-18.912, FS-P+B (N° Lexbase : A8903YYE), Lexbase Social, 2019, n° 775 (N° Lexbase : N7998BXI).
[4] Nos obs., La prohibition des stratagèmes et la loyauté de la preuve dans l'instance prud'homale, sous Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06-45.093, FS-P+B (N° Lexbase : A4784D7C), Lexbase Social, 2008, n° 299 (N° Lexbase : N6280BEC) ; Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06-40.852, FS-P+B (N° Lexbase : A4765D7M).
[5] Cass. soc. 2 octobre 2001, n° 99-42.942 (N° Lexbase : A1200AWD) : « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; [...] celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; [...] l'employeur ne peut, dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur ». Lire Questions à... Jean-Emmanuel Ray, à propos de l'arrêt « Nikon », Lexbase Social, 2001, n° 1 (N° Lexbase : N1201AAQ) ; D., 2001, p. 3148, note P.Y. Gautier ; RJS, 2001, p. 940, chron. F. Favennec-Héry.
[6] Dernièrement, Cass. soc., 9 septembre 2020, n° 18-20.489, F-D (N° Lexbase : A53873TP) ; Cass. soc., 25 septembre 2019, n° 18-11.009, F-D (N° Lexbase : A0429ZQX) : « l'employeur avait trouvé, sur une imprimante de l'établissement, la confirmation d'une réservation du salarié pour un voyage à l'étranger qui avait été adressée à celui-ci non sur une adresse électronique privée mais sur l'adresse électronique de l'établissement, la cour d'appel, ayant fait ressortir que ce document ne relevait pas de la vie privée du salarié dès lors que le voyage devait s'effectuer durant son temps de travail, a pu décider par ces seuls motifs, sans méconnaître les dispositions de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, que ces faits, compte tenu des responsabilités exercées par l'intéressé auprès de mineurs en difficulté dans un établissement à caractère éducatif, rendaient impossible la poursuite du contrat de travail et constituaient une faute grave ».
[7] Affaire « Libert » : CEDH, 22 février 2018, Req. 588/13 (N° Lexbase : A1555XEC), nos obs., La CEDH confirme la jurisprudence française sur la consultation des fichiers présents sur l'ordinateur professionnel du salarié, Lexbase Social, 2018, n° 734 (N° Lexbase : N3107BXD).
[8] Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 11-19.530, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9954KBB) : « les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme Z tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n'étaient en l'espèce accessibles qu'aux seules personnes agréées par l'intéressée, en nombre très restreint, la cour d'appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles-ci formaient une communauté d'intérêts ; qu'elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques ».
[9] Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-11.690, FS-P+B (N° Lexbase : A7858X4S), nos obs., Du bon usage des réseaux sociaux par le salarié, Lexbase Social, 2018, n° 755 (N° Lexbase : N5627BXP).
[10] Sur ce sujet, T. Morgenroth, La vie privée en droit du travail, Université du Droit et de la Santé - Lille II, 2016.
[11] Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 96-40.755 (N° Lexbase : A4618AG7).
[12] Nos obs., Clauses de mobilité : la Cour de cassation se mobilise !, Lexbase Social, 2008, n° 324 (N° Lexbase : N4917BHL). Dernièrement Cass. soc., 22 mars 2018, n° 16-19.156, F-D (N° Lexbase : A7860XHL) : « le déplacement refusé par le salarié, prévenu dans un délai raisonnable et informé régulièrement de la durée prévisible de la mission, était justifié par l'intérêt de l'entreprise et s'inscrivait dans le cadre habituel de son activité de chef de chantier et que ce dernier ne donnait aucun élément sur sa vie privée et familiale ».
[13] Nos obs., Du bon usage des réseaux sociaux par le salarié, Lexbase Social, 2018, n° 755 (N° Lexbase : N5627BXP).
[14] CA Dijon, 27 février 2018, n° 17/00035 (N° Lexbase : A5597XEZ).
[15] Cass. soc., 12 septembre 2018, préc..
[16] CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 12 décembre 2018, n° 17/08095 [(LXB=A1737YQE]).
[17] CEDH, 12 janvier 2016, req. 61496/08, « Barbulescu c/ Roumanie » (N° Lexbase : A6623WQD), §. 62.
[18] CEDH, 22 février 2018, req. 588/13, « Libert c/ France » (N° Lexbase : A1555XEC), nos obs., La CEDH confirme la jurisprudence française sur la consultation des fichiers présents sur l'ordinateur professionnel du salarié, Lexbase Social, 2018, n° 734 (N° Lexbase : N3107BXD).
[19] 26 occurrences dans le moteur de recherche du site HUDOC.
[20] CEDH, 27 octobre 1993, req. 37/1992/382/460, « Dombo Beheer B.V. c/ Pays-Bas » (N° Lexbase : A6587AWU), § 33 ; CEDH, 13 mai 2008, req. n° 65097/01 (N° Lexbase : A4987D89), § 42, D., 2009, pan. 2714, obs. T. Vasseur ; CEDH, 10 octobre 2006, req. 7508/02 (N° Lexbase : A6919DRP), § 40, D., 2006, AJ, 2692, qui vise l’expression le « droit à la preuve ». Lire P. Henriot, Le droit à la preuve, au service de l'égalité des armes, Rev. trav., 2018, 120.
[21] Cass. civ. 1, 5 avril 2012, n° 11-14.177, F-P+B+I (N° Lexbase : A1166IIZ), D., 2012, 1596, note G. Lardeux ; ibid. 2826, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon ; ibid. 2013, 269, obs. N. Fricero ; ibid. 457, obs. E. Dreyer ; RTD civ., 2012, 506, obs. J. Hauser.
[22] Notamment le fait de savoir s’ils accomplissent des heures supplémentaires ou travaillent le dimanche, ce qui constitue un élément mixte vie professionnelle-vie privée.
[23] Cass. soc., 9 novembre 2016, n° 15-10.203, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2511SG4), nos obs., De la preuve des atteintes à l'interdiction du travail le dimanche : la pesée des intérêts au service du respect de la légalité, Lexbase Social, 2016, n° 677 (N° Lexbase : N5288BWR). Également, Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 15-17.163, F-D (N° Lexbase : A2420SIH) : « en déboutant la salariée de sa demande de communication par l'employeur de divers documents, alors qu'il lui appartenait de vérifier si les mesures demandées étaient nécessaires à l'exercice du droit à la preuve de la partie qui les sollicitait et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie personnelle des salariés concernés, la cour d'appel, qui a méconnu ses pouvoirs, a violé l'article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49) et les articles 6 et 8 de la CESDH » ; Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-16.516, F-D (N° Lexbase : A1578Z8X) : « le droit à la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi ».
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