Réf. : Cass. civ. 1, 2 septembre 2020, n° 19-13.483, F-P+B (N° Lexbase : A94783ST)
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par Marie Le Guerroué
le 09 Septembre 2020
► Lorsqu’un jugement a constaté l’extranéité d’une personne, un certificat de nationalité française ne peut être délivré ultérieurement à cette même personne sur le même fondement juridique, fût-ce en vertu de pièces nouvelles, sans violer l’autorité de chose jugée (Cass. civ. 1, 2 septembre 2020, n° 19-13.483, F-P+B N° Lexbase : A94783ST).
Faits/Procédure. Un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 13 juin 2008 avait constaté l’extranéité du demandeur au pourvoi, originaire du Sénégal, et un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 16 décembre 2009 avait prononcé, en raison de l’autorité de chose jugée par cette décision, l’irrecevabilité d’une nouvelle action déclaratoire de nationalité française engagée par l’intéressé. Le 27 juillet 2011, celui-ci avait obtenu la délivrance d’un certificat de nationalité française par le tribunal d’instance de Nice. Le ministère public l’avait assigné afin de faire juger que ce certificat avait été délivré à tort.
Moyen. Le demandeur fait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence de juger que le certificat de nationalité française qui lui a été délivré par le tribunal d’instance de Nice l’a été à tort, alors que la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 (N° Lexbase : L4572C3Q) et suivants du Code civil. Pour accueillir l’action négatoire du ministère public et confirmer le jugement ayant admis que le certificat de nationalité française l’avait été à tort, la cour d’appel a considéré que toute demande visant à établir la nationalité française se heurtait à l’autorité de chose jugée des jugements du tribunal de grande instance de Nanterre ayant constaté l’extranéité du demandeur et du 16 décembre 2009 du tribunal de grande instance de Nice ayant déclaré sa demande en déclaration de nationalité française irrecevable en raison de l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 13 juin 2008. Pour le demandeur, en statuant ainsi, alors que le certificat de nationalité française dont il s’est prévalu a été délivré postérieurement à ces décisions, si bien que le ministère public devait établir que les documents en vertu desquels il avait été délivré étaient erronés, ainsi qu’il l’alléguait, la cour d’appel a violé l’article 30, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2713AB4).
Réponse de la Cour. En premier lieu, aux termes de l’article 1355 du Code civil (N° Lexbase : L1011KZH), dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK), l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. Une offre de preuve nouvelle ne constitue pas un fait ou un événement modifiant la situation antérieurement reconnue en justice qui aurait pour effet d’exclure l’autorité de chose jugée. En second lieu, selon l’article 30 du Code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants. Il résulte de la combinaison de ces textes, que lorsqu’un jugement a constaté l’extranéité d’une personne, un certificat de nationalité française ne peut être délivré ultérieurement à cette même personne sur le même fondement juridique, fût-ce en vertu de pièces nouvelles, sans violer l’autorité de chose jugée.
L’arrêt retient que les éléments versés aux dossiers permettent d’établir que l’extranéité a été constatée par deux décisions de justice successives, la dernière ayant déclaré l’action irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée. Il ajoute que même si l’instance a été introduite par le ministère public afin de faire établir que le certificat de nationalité délivré à l’intéressé l’a été à tort, il n’en demeure pas moins que toute demande visant à établir qu’il a la nationalité française se heurte à l’autorité de la chose jugée. L’arrêt relève que les parties sont en effet identiques, que la chose demandée demeure l’obtention de la nationalité française et que la cause reste identique en ce que la demande se fonde sur l’établissement de la nationalité par filiation. La cour d’appel en a donc exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que le certificat de nationalité française, délivré en violation de l’autorité de chose jugée, l’avait été à tort. La Cour ajoute ensuite pour répondre à la deuxième branche du moyen, qu’il résulte de l’article 30 du Code civil, ainsi que des articles 31 et 31-3 (N° Lexbase : L5363LTS) du même code, suivant lesquels le certificat de nationalité française est délivré par le greffier en chef, un refus de sa part pouvant faire l’objet d’un recours gracieux devant le ministre de la Justice, que ce certificat ne constitue pas un titre de nationalité, mais un document établi par une autorité administrative afin de faciliter la preuve de la nationalité française (Cass. civ. 1, 4 avril 2019, n° 19-40.001, FS-P+B N° Lexbase : A3136Y8N, lire N° Lexbase : N8504BXA). La délivrance d’un tel document, en raison de sa nature, ne saurait constituer un fait nouveau modifiant la situation antérieurement reconnue en justice, de sorte que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à un moyen inopérant, a légalement justifié sa décision en retenant l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 13 juin 2008.
Rejet. La Cour rejette, par conséquent, le pourvoi.
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