La lettre juridique n°474 du 23 février 2012 : Contrats administratifs

[Jurisprudence] Chronique de droit interne des contrats publics - Février 2012

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par François Brenet, Professeur à la Faculté de droit et des sciences sociales de l'Université de Poitiers - Institut de droit public

le 23 Février 2012

Par un arrêt du 3 février 2012 (CE 2° et 7° s-s-r., 3 février 2012, n° 353737, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6899IB7), le Conseil d'Etat indique les conditions dans lesquelles la conclusion d'un accord de coopération entre deux personnes publiques, intervenu dans le cadre d'une entente des articles L. 5221-1 (N° Lexbase : L1965GUC) et L. 5221-2 (N° Lexbase : L1966GUD) du Code général des collectivités territoriales, peut être dispensée du respect des dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (loi "Sapin"), concernant les délégations de service public (N° Lexbase : L8653AGL). Cet arrêt s'inscrit, en même temps qu'il le prolonge, dans le mouvement jurisprudentiel, national et européen, reconnaissant que les relations entre personnes publiques, tissées dans une logique de mutualisation des services, justifient qu'il soit dérogé aux règles du droit de la commande publique. Les relations entre coopération intercommunale et droit de la commande publique ont longtemps constitué un sujet de questionnements, voire de doutes et de craintes. L'on craignait, en effet, que le second ne vienne déployer ses effets jusqu'aux relations contractuelles nées entre collectivités territoriales dans le cadre de l'intercommunalité (1) ou, pour le dire autrement, que l'obligation de mise en concurrence ne vienne brider la liberté d'organisation des personnes publiques en les empêchant, notamment, de procéder à la mutualisation de certains de leurs services. Après avoir été très exigeant, le droit de l'Union européenne a adressé, par l'intermédiaire de la Cour de justice (2), des signes d'espoir et d'apaisement aux autorités nationales. Même la Commission européenne, pourtant initialement très offensive sur cette question, a fini par faire montre de souplesse en laissant entendre qu'elle pourrait admettre "de nouveaux assouplissements des possibilités de coopération public-public' hors le droit des marchés publics" (3), dans un document de travail du 4 octobre 2011.

C'est dans ce climat renouvelé, et plus favorable qu'il ne l'était aux relations horizontales qu'entretiennent les collectivités territoriales, que le Conseil d'Etat vient de rendre une solution, que l'on n'osait même pas imaginer il y a quelques années. Dans cette décision du 3 février 2012, rendu contrairement aux conclusions du rapporteur public M. Bertrand Dacosta (4), la Haute juridiction administrative avait à se prononcer sur un litige mettant en cause une entente intercommunale conclue sur le fondement des articles L. 5221-1 et L. 5221-2 du Code général des collectivités territoriales. En l'espèce, une commune avait confié la délégation du service public de la distribution d'eau à la société X. Cette convention avait pris fin le 31 juillet 2011, et la commune avait décidé de ne pas relancer une procédure de passation d'une nouvelle délégation de service public. Elle avait préféré conclure une convention pour l'exploitation du service de distribution d'eau potable avec la communauté d'agglomération dans le cadre d'une entente intercommunale.

La société X a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'un référé contractuel. Ce dernier a, alors, requalifié la convention en délégation de service public et l'a annulée au motif que sa conclusion n'avait pas été précédée des règles de publicité idoines. Pour ce faire, le juge du référé contractuel s'est fondé sur plusieurs éléments. Le fait, tout d'abord, que la convention confiait pour une durée de trente ans à la communauté d'agglomération la production et la distribution de l'eau potable sur le territoire de la commune. La circonstance, ensuite, que la communauté d'agglomération exploitait le service public à ses risques et périls et percevait sur les usagers une redevance comportant une partie fixe et une partie proportionnelle à la consommation d'eau. Enfin, a joué un rôle important le fait que, si les parties soutenaient que la convention se limitait "à instaurer entre elles une coopération destinée à mutualiser leurs moyens pour la rénovation d'une unité de traitement de l'eau et l'exploitation des réseaux de distribution de l'eau, il ne résult[ait] d'aucune des stipulations de la convention que la commune [...] s'engagerait à assurer un service en faveur de la communauté d'agglomération [...] en contrepartie de celui fourni par celle-ci, ni que les redevances perçues auraient pour seul objet d'assurer le remboursement des frais engagés par la communauté d'agglomération".

La question posée au Conseil d'Etat était donc relativement simple : l'opération réalisée par la commune dans le cadre d'une entente pouvait-elle s'analyser en une forme de coopération entre collectivités publiques échappant aux exigences du droit de la commande publique, ou devait-elle être qualifiée de délégation de service public, et tombant donc sous le coup des dispositions de la loi "Sapin" du 19 janvier 1993, codifiées aux articles L. 1411-1 (N° Lexbase : L0551IGI) et suivants du Code général des collectivités territoriales ? Le Conseil d'Etat a retenu la première interprétation, contrairement à son rapporteur public, en considérant "qu'une commune peut accomplir les missions de service public qui lui incombent par ses propres moyens ou en coopération avec d'autres personnes publiques, selon des modalités prévues par le législateur [...] elle peut, ainsi, conclure, hors règles de la commande publique, sur le fondement de l'article L. 5221-1 du Code général des collectivités territoriales, une convention constitutive d'une entente pour exercer en coopération avec des communes, établissements publics de coopération intercommunale ou syndicats mixtes, de mêmes missions, notamment par la mutualisation de moyens dédiés à l'exploitation d'un service public, à la condition que cette entente ne permette pas une intervention à des fins lucratives de l'une de ces personnes publiques, agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel". Appliquant cette grille d'analyse au cas d'espèce, le Conseil d'Etat considère que la convention litigieuse, conclue à des fins de coopération entre personnes publiques dans le cadre de relations qui ne sont pas celles du marché, n'était pas soumise aux règles de la commande publique. L'analyse de cette solution (II) nécessite un rappel des solutions consacrées par le droit positif (I).

I - Les personnes publiques disposent d'une compétence discrétionnaire quant à la détermination du mode de gestion de leurs services publics, sous réserve, toutefois, des missions qui ne sont pas susceptibles d'être déléguées et qui doivent donc obligatoirement être gérées en régie directe. C'est ce qu'indique avec une très grande clarté l'arrêt "Commune d'Aix-en-Provence" du 6 avril 2007 (5) : "lorsque des collectivités publiques sont responsables d'un service public, elles peuvent, dès lors que la nature de ce service n'y fait pas par elle-même obstacle, décider de confier sa gestion à un tiers". Le même arrêt de 2007 précise "qu'à cette fin, sauf si un texte en dispose autrement, elles doivent en principe conclure avec un opérateur, quel que soit son statut juridique et alors même qu'elles l'auraient créé ou auraient contribué à sa création ou encore qu'elles en seraient membres, associés ou actionnaires, un contrat de délégation de service public ou, si la rémunération de leur cocontractant n'est pas substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service, un marché public de service". Cette règle, imposant de respecter le droit de la commande publique (droit des délégations de service public ou droit des marchés publics) est, cependant, assortie de plusieurs exceptions.

En premier lieu, les personnes publiques peuvent "ne pas passer un tel contrat lorsque, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l'exerce, le tiers auquel elles s'adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel" (6). En deuxième lieu, et c'était le principal apport de l'arrêt "Commune d'Aix-en-Provence", "lorsqu'une personne privée exerce, sous sa responsabilité et sans qu'une personne publique en détermine le contenu, une activité dont elle a pris l'initiative, elle ne peut, en tout état de cause, être regardée comme bénéficiant de la part d'une personne publique de la dévolution d'une mission de service public [...] son activité peut, cependant, se voir reconnaître un caractère de service public, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucun contrat de délégation de service public procédant à sa dévolution, si une personne publique, en raison de l'intérêt général qui s'y attache et de l'importance qu'elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, lui accorde, dès lors qu'aucune règle ni aucun principe n'y font obstacle, des financements" (7).

En troisième lieu, sont dispensées du respect du droit de la commande publique, les opérations de gestion en régie ou en quasi-régie. Les personnes publiques peuvent, en effet, décider d'assurer la gestion du service public en régie, soit en régie simple, soit dans le cadre d'une régie dotée de l'autonomie financière et, le cas échéant, d'une personnalité juridique propre. Les personnes publiques doivent aussi être regardées comme gérant directement le service public si elles créent, à cette fin, un organisme dont l'objet statutaire exclusif est, sous réserve d'une diversification purement accessoire, de gérer ce service, et si elles exercent sur cet organisme un contrôle comparable à celui qu'elles exercent sur leurs propres services leur donnant, notamment, les moyens de s'assurer du strict respect de son objet statutaire. Cet organisme doit, alors, être regardé, comme n'étant pas un opérateur auquel les collectivités publiques ne pourraient faire appel qu'en concluant un contrat de délégation de service public ou un marché public de service. L'hypothèse ici visée est celle du contrat de quasi-régie, encore appelé contrat de prestations intégrées ou contrat in house. L'arrêt "Commune d'Aix-en-Provence" ajoute qu'un tel organisme peut, notamment, être mis en place lorsque plusieurs collectivités publiques décident de créer et de gérer ensemble un service public, ce qui vise, à l'évidence, les hypothèses de coopération entre collectivités territoriales dans le cadre de l'intercommunalité.

Initialement très méfiante à l'égard des relations contractuelles entretenues entre collectivités territoriales, la Cour de justice a assoupli sa position en plusieurs temps, au travers d'un élargissement compréhensif de la notion de contrat in house. Elle a admis, tout d'abord, que l'exception du contrat in house pouvait s'appliquer lorsque plusieurs personnes publiques contrôlaient conjointement leur cocontractant, lequel réalise l'essentiel de son activité avec elle (8). Par la suite, et ce fut une avancée considérable, elle a considéré, dans l'arrêt "Coditel Brabant" du 13 novembre 2008 (9), que, "dans les cas où une autorité publique s'affilie à une société coopérative intercommunale dont tous les affiliés sont des autorités publiques, en vue de lui transférer la gestion d'un service public, le contrôle que les autorités affiliées à cette société exercent sur celle-ci, pour être qualifié d'analogue au contrôle qu'elles exercent sur leurs propres services, peut être exercé conjointement par ces autorités, statuant, le cas échéant, à la majorité" . Cet arrêt a été interprété, à raison, comme validant les mécanismes de coopération intercommunale débouchant sur la création d'une institution commune ("coopération verticale institutionnalisée" selon la formule de la Commission européenne). Il a été utilement complété par l'arrêt "Commission c/ Allemagne" du 6 juin 2009 (10), qui a admis que le respect des règles de publicité et de mise en concurrence ne s'imposait pas dans le cadre d'une coopération horizontale non institutionnalisée, c'est-à-dire dans l'hypothèse où les relations contractuelles sont nouées entre des collectivités territoriales en dehors de toute personne morale dédiée. Plus précisément, il a été décidé qu'une coopération public-public pouvait exister en dehors de la situation où des entités in house étaient contrôlées conjointement. A son tour, cet arrêt a été prolongé par un document de travail de la Commission européenne du 4 octobre 2011. Dans ce document, la Commission rappelle qu'il convient de "distinguer, d'une part, les activités qui doivent être ouvertes à la concurrence entre les opérateurs économiques comme le prévoient les règles UE sur les marchés publics et, d'autre part, les autres arrangements auxquels les pouvoirs adjudicateurs peuvent recourir pour assurer l'accomplissement de leurs missions de service public et qui ne relèvent pas des Directives UE sur les marchés publics". Outre l'hypothèse de la création d'une personne morale dédiée, la Commission admet que la coopération entre personnes publiques peut s'opérer sans la création de filiale contrôlée conjointement et admet qu'elle peut, alors, échapper au droit de la commande publique.

II - L'affaire dont était saisi le Conseil d'Etat concernait précisément un cas de coopération horizontale non institutionnalisée. L'entente est, en effet, l'une des formes les plus anciennes de coopération entre collectivités territoriales, elle constitue même, selon C. Debouy, avec les conventions et commissions syndicales, la forme la plus "embryonnaire" de la coopération intercommunale (11). Apparue pour la première fois dans une loi du 18 juillet 1837 (à ses articles 72 et 73), l'entente a d'abord été instituée au profit des départements par la loi du 10 août 1871 (à ses articles 89 à 91), avant que son champ d'application ne soit élargi au profit des communes par la loi municipale du 5 avril 1884 (à ses articles 116 à 118). Bien plus tard, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L0835GT4), a étendu le champ des ententes aux établissements publics de coopération intercommunale et aux syndicats mixtes. Les ententes présentent la particularité, contrairement aux autres procédés de coopération intercommunale (commission syndicale, syndicat de communes, communauté de communes, communauté d'agglomération, communauté urbaine, métropoles, pôles métropolitains), de ne pas se traduire par la création d'une nouvelle personne publique se superposant aux communes. Initialement, ce refus s'expliquait par la volonté d'éviter qu'elles ne fassent concurrence aux communes. Cette considération n'a, évidemment, plus aucune portée aujourd'hui, et les ententes s'apparentent donc à des formes atténuées de coopération intercommunale. Elles sont constituées sur la base d'un accord conclu entre deux ou plusieurs conseils municipaux, organes délibérants d'établissements publics de coopération intercommunale ou de syndicats mixtes appartenant, ou non, au même département, et portant sur des objets d'utilité communale ou intercommunale intéressant ses membres.

Dans la présente espèce, la question était de savoir si l'entente conclue entre la commune et la communauté d'agglomération et visant à confier à la seconde l'exploitation du service public de distribution d'eau potable pouvait être assimilée à une coopération horizontale non institutionnalisée. Rappelant les principes posés par la jurisprudence "Commune d'Aix-en-Provence", le Conseil d'Etat a considéré qu'une commune pouvait accomplir les missions de service public qui lui incombent, soit par ses propres moyens (i.e. en régie directe), soit en coopération avec d'autres personnes publiques, dans les conditions prévues par le législateur. Mais il est, également, allé bien au-delà de la solution de 2007 en posant un principe, qu'il a immédiatement assorti d'une condition. Le principe est celui selon lequel une commune peut conclure une convention, hors règles de la commande publique, dans le cadre d'une entente pour exercer en coopération avec des communes, des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes, de mêmes missions, notamment par la mutualisation de moyens dédiés à l'exploitation d'un service public. Cette faculté n'est, cependant, ouverte qu'à la stricte condition que cette entente ne permette pas une intervention à des fins lucratives de l'une de ces personnes publiques, agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel.

Se pose immédiatement la question de savoir si ce raisonnement est respectueux des exigences européennes. Il n'est pas contestable que le droit français et le droit de l'Union européenne se rejoignent sur le plan de la méthode permettant de déterminer si de tels rapports de coopération public-public doivent être régis par le droit de la commande publique. Le Conseil d'Etat, comme la Cour de justice de l'Union européenne, écartent fort logiquement la notion de contrat in house qui est ici sans objet, car elle suppose une relation de type verticale entre une "filiale" publique et une personne publique jouant le rôle de "maison-mère". Dès lors que la coopération public-public est purement fonctionnelle et horizontale, et ne débouche aucunement sur la création d'une entité ad hoc, la notion de contrat in house n'est d'aucune utilité, et il est alors logique de rechercher un autre fondement permettant de justifier la dérogation au droit de la commande publique. De ce point de vue, la jurisprudence du Conseil d'Etat semble plus construite et plus aboutie, que celle de la Cour de justice. L'arrêt "Commission c/ Allemagne" du 9 juin 2009 ne comporte, en effet, aucun élément de conceptualisation des relations horizontales non institutionnalisées entre personnes publiques. La Cour se contente d'indiquer qu'un contrat de coopération entre deux autorités étatiques peut être conclu sans respecter les obligations de mise en concurrence prévues par les Directives, dès lors "qu'il constitue tant le fondement que le cadre juridique pour la construction et l'exploitation futures d'une installation destinée à l'accomplissement d'un service public" (point 44).

La jurisprudence du Conseil d'Etat est assurément plus pertinente car elle fait référence, pour justifier la dérogation au droit de la commande publique, à la notion d'opérateur sur un marché. Plus précisément, une commune peut conclure, dans le cadre d'une entente, une convention avec une autre personne publique, sans qu'il lui soit nécessaire d'appliquer les règles de publicité et de mise en concurrence, dès lors que cette entente ne permet pas une intervention à des fins lucratives d'une personne publique, "agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel". Cette notion, déjà utilisée par le passé (12), est pertinente car elle fonde la dérogation au droit de la commande publique. C'est parce qu'un contrat met aux prises deux personnes publiques, portant sur l'organisation d'un service public ou sur l'exercice d'une compétence, et qu'aucune d'entre elles ne se comporte comme un opérateur économique, c'est-à-dire tel un opérateur intervenant sur un marché concurrentiel, que le respect du droit de la commande publique ne s'impose pas. Son respect ne s'impose pas, car il est sans objet. Ce n'est que dans la période toute récente que la Commission européenne a fait référence à cette notion d'opérateur sur un marché. En effet, le document de travail du 4 octobre 2011 précise que "la coopération exemptée des règles sur les marchés publics et dont l'objectif est de remplir une mission de service public doit être constituée uniquement d'entités non actives commercialement sur le marché (du moins à titre principal)" (p. 16).

Il reste que, si le droit français et le droit de l'Union européenne semblent se rejoindre sur la méthode à mettre en oeuvre et sur le fondement justifiant la non-soumission des coopérations public-public horizontales non institutionnalisées au droit de la commande publique, il n'est pas certain que les deux droits en retiennent la même conception. La difficulté est, en effet, de déterminer à partir de quel stade une personne publique devient un opérateur économique intervenant sur un marché concurrentiel. Le document de travail de la Commission fixe trois conditions cumulatives, tenant à l'absence totale de participation de capitaux privés dans la coopération entre pouvoirs adjudicateurs sans création d'une structure spécifique, au fait que l'accord doit porter sur une réelle coopération visant à effectuer conjointement une mission commune et, enfin, à ce que la coopération doit être guidée que par des considérations relatives à l'intérêt public. Dans l'affaire jugée par le Conseil d'Etat, deux éléments ont joué un rôle décisif : l'objet de l'entente et la nature des relations financières entre la commune et l'EPCI. Concernant l'objet de l'entente, l'arrêt relève que la convention tendait à l'exploitation d'un même service public, en continuité géographique, sur l'ensemble du territoire couvert par les personnes publiques, et qu'elle avait donc pour objet de permettre à la commune de bénéficier des installations plus performantes de la communauté d'agglomération. S'agissant des transferts financiers entre les deux personnes publiques, l'arrêt relève que la convention litigieuse n'a "pas provoqué de transferts de financiers indirects entre collectivités autres que ceux résultant strictement de la compensation de charges d'investissement et d'exploitation du service mutualisé".

En définitive, l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat peut faire l'objet de deux lectures, radicalement opposées. Il peut être interprété comme prenant en compte les nécessités liées à la mutualisation des services entre personnes publiques. Mais il peut également être lu comme fournissant, a contrario, une sorte de vademecum, permettant aux personnes publiques de se soustraire aux règles de publicité et de mise en concurrence. Nul doute que la Cour de justice ne manquera pas, dès que l'occasion lui en sera donnée, de s'assurer que les conditions énoncées par la Commission européenne sont pleinement respectées, et que cette jurisprudence du Conseil d'Etat n'est pas utilisée par les personnes publiques afin d'esquiver les exigences du droit de la commande publique.


(1) E. Fatôme et A. Ménéménis, Concurrence et liberté d'organisation des personnes publiques : éléments d'analyse, AJDA, 2006, p. 67 ; F. Llorens et P. Soler-Couteaux, L'intercommunalité est-elle sérieusement menacée par le droit communautaire des marchés publics ?, Contrats Marchés publ., 2007, repère 9 ; F. Llorens et P. Soler-Couteaux, Coopération public-public et droit communautaire : quelles perspectives ?, Contrats Marchés publ., 2011, repère 11.
(2) CJCE, 13 novembre 2008, aff. C-324/07 (N° Lexbase : A2174EB7), Contrats Marchés publ., 2009, comm. 34, note W. Zimmer ; CJCE, 6 juin 2009, aff. C-480/06 (N° Lexbase : A9625EHX), Contrats Marchés publ., 2009, comm. 226, note H. Hoepffner.
(3) F. Llorens et P. Soler-Couteaux, Coopération public-public et droit communautaire : quelles perspectives ?, préc..
(4) Que nous remercions pour leur aimable communication.
(5) CE, S, 6 avril 2007, n° 284736, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9332DU8), Rec. CE, p. 155, Contrats Marchés publ., 2007, comm. 191, note G. Eckert, RJEP, 2007, p. 273, concl. F. Séners, AJDA, 2007, p. 1020, chron. C. Landais et F. Lénica, Dr. adm., 2007, comm. 95, note M. Bazex et S. Blazy, JCP éd. A, 2007, 2125, note F. Linditch, et 2128, note J.-M. Pontier.
(6) CE, Avis, 23 octobre 2003, n° 369315 (N° Lexbase : A0929IDR), EDCE n° 55, p. 209, Contrats Marchés publ., 2004, comm. 76, Contrats Marchés publ., 2004, repère 4, obs. F. Llorens et P. Soler-Couteaux.
(7) CE, Avis, 18 mai 2004, n° 370169 (N° Lexbase : A0930IDS), EDCE n° 56, p. 185.
(8) CJCE, 11 mai 2006, aff. C-340/04 (N° Lexbase : A3283DPB), CJCE, 19 avril 2007, aff. C-295/05 (N° Lexbase : A9407DUX), Rec. CJCE, 2007, I, p. 2999.
(9) CJCE, 13 novembre 2008, aff. C-324/07, préc..
(10) CJUE, 9 juin 2009, aff. C.480/06 (N° Lexbase : A9625EHX), Rec., 2009, p. I-04747, Contrats Marchés publ., 2009, comm. 226, note H. Hoepffner.
(11) C. Debouy, Ententes, conventions et commissions syndicales, Jurisclasseur Collectivités territoriales, fasc. n° 210.
(12) CE, Avis, 23 octobre 2003, préc.; CE, Ass., 31 mai 2006, n° 275531, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7224DPA), Contrats Marchés publ., 2006, comm. 202, note G. Eckert ; CE, S, 6 avril 2007, Commune d'Aix-en-Provence, préc.

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