La lettre juridique n°467 du 5 janvier 2012 : Urbanisme

[Doctrine] Chronique de droit de l'urbanisme - Janvier 2012

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen

le 05 Janvier 2012

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de droit de l'urbanisme d'Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen. Y sera commenté, en premier lieu, le décret n° 2011-1771 du 5 décembre 2011, relatif aux formalités à accomplir pour les travaux sur constructions existantes (N° Lexbase : L3558IR9), qui étend le champ d'application de la déclaration de travaux au détriment du permis de construire. La première décision étudiée étend les possibilités de construire dans les zones agricoles (NC) des POS (CE 1° et 6° s-s-r., 9 décembre 2011, n° 335707, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, le second arrêt confirme l'implantation des éoliennes dans les mêmes zones NC (CE 1° et 6° s-s-r., 9 décembre 2011, n° 341274, publié au recueil Lebon).
  • Simplification des formalités à accomplir pour certaines extensions de constructions existantes (décret n° 2011-1171 du 5 décembre 2011, relatif aux formalités à accomplir pour les travaux sur constructions existantes)

Dans la suite de la réforme du droit de l'urbanisme, dont les praticiens s'accordent pourtant à penser qu'il est devenu synonyme d'insécurité juridique, le décret n° 2011-1771 du 5 décembre 2011 modifie encore les frontières entre la déclaration de travaux et le permis de construire. Il convient de noter, au préalable, que ces nouvelles dispositions s'appliqueront aux demandes déposées à compter du 1er janvier 2012, les demandes déposées avant cette date continueront à être traitées selon la réglementation antérieure. On relèvera le caractère délicat de ce genre de mesures lorsque le délai d'application prévu est très bref. Selon la nature des modifications, et c'est le cas en l'occurrence, les pétitionnaires qui auront attendu l'entrée en vigueur du nouveau texte auront pu bénéficier d'un régime juridique plus favorable et, surtout, beaucoup moins contraignant. Il y a là une certaine rupture d'égalité devant les charges publiques, mais il faut souligner, inversement, que le fait de repousser les dates d'entrée en vigueur de nouvelles dispositions n'est pas, non plus, exempt de difficultés et peut, notamment, produire des effets d'aubaine.

Le décret du 5 décembre 2011 modifie donc les champs d'application respectifs du permis de construire et de la déclaration de travaux pour les travaux sur constructions existantes. La rédaction des articles R. 421-17 (N° Lexbase : L7465HZI) et R. 421-14 (N° Lexbase : L7462HZE) du Code de l'urbanisme est modifiée de manière concordante. Ce type de travaux est devenu très fréquent. Il permet de gagner une surface habitable non négligeable, soit en étendant légèrement la surface des maisons individuelles, soit en aménageant les combles et autres greniers. De nombreuses entreprises se sont, d'ailleurs, portées sur ce secteur d'activité. On relèvera, également, que le texte démontre, s'il en était besoin, que le droit de l'urbanisme est pris au piège de sa propre complexité. Le pouvoir réglementaire, comme le législateur, se trouve, en effet, dans l'incapacité d'édicter une règle générale claire qui ne soit pas dépourvue de multiples exceptions. On rappellera, en outre, qu'en application de l'ordonnance n° 2011-1539 du 16 novembre 2011, relative à la définition des surfaces de plancher prises en compte dans le droit de l'urbanisme (N° Lexbase : L2512IRH), la notion de surface de plancher remplacera les surfaces hors oeuvre nettes (SHON) et surfaces hors oeuvre brutes (SHOB) à compter du 1er mars 2012.

A compter du 1er janvier 2012, le champ d'application du permis de construire pour les travaux sur les constructions existantes est donc réduit.

I - Les modifications liées à la SHOB

Plusieurs modifications sont liées au volume de la SHOB créée par les travaux.

En premier lieu, le décret ne modifie pas les règles de principe de l'article R. 421-14 relatives à la création de SHOB. D'une part, le permis n'est pas exigé pour les travaux d'entretien ou de réparation. D'autre part, les travaux qui provoquent la création d'une SHOB supérieure à 20 m² demeurent soumis, par principe, à la délivrance d'un permis de construire.

En second lieu, les travaux créant une SHOB supérieure à 40 m² demeurent soumis à permis. La modification apportée par le décret concerne donc les SHOB comprises entre 20 m² et 40 m² qui passent, désormais, sous le régime de la déclaration de travaux. Cette modification n'est cependant pas générale car le texte maintient plusieurs exceptions. D'une part, l'autorisation de travaux n'est applicable aux surfaces inférieures à 40 m² que dans les zones urbaines d'une commune couverte par un plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu. Le nouveau régime ne concerne donc que les immeubles situés en zone U des PLU. D'autre part, une augmentation de la SHOB inférieure à 40 m² demeure soumise à permis de construire lorsqu'elle a pour effet de dépasser les seuils fixés à l'article R. 431-2 (N° Lexbase : L7612HZX). On rappellera que cet article fixe, pour chaque type de construction, des seuils au-delà desquels le recours à un architecte est obligatoire. Le cas général concerne les constructions à usage autre qu'agricole et dont la surface de plancher hors oeuvre nette, si le pétitionnaire veut éviter le recours à un architecte, ne doit pas dépasser 170 m². En conséquence, une extension comprise entre 20 et 40 m² ne pourra échapper au permis de construire si elle porte la surface de plancher hors nette de l'immeuble à plus de 170 m². Les particuliers qui désireront profiter de cette nouvelle possibilité devront être vigilants sur ces calculs de surface, en particulier dans les zones pavillonnaires et les lotissements où les extensions sont souvent prétextes à querelles de voisinage et donc sources de recours juridictionnels.

II - Les modifications indépendantes du volume de la SHOB

La nouvelle rédaction modifie partiellement la partie du champ d'application du permis de construire qui n'est pas lié au volume de la SHOB.

En premier lieu, demeurent soumis au permis les travaux qui ont pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination. Les destinations en question sont définies, depuis la réforme de 2007, par la fonction des bâtiments : l'habitation, l'hébergement hôtelier, les bureaux, commerces, l'artisanat, l'industrie, les exploitations agricoles ou forestières ou les bâtiments faisant fonction d'entrepôt. Le décret ne modifie donc pas cet aspect et maintient la précision selon laquelle, pour l'application de cette règle, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal.

La rédaction antérieure du texte est, également, maintenue pour les travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière. Celles-ci sont définies à l'article L. 313-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3402HZZ). Elles recouvrent les travaux de remise en état, de modernisation ou de démolition ayant pour objet ou pour effet la transformation des conditions d'habitabilité d'un immeuble ou d'un ensemble d'immeubles. Elles sont engagées à l'initiative soit des collectivités publiques, soit d'un ou de plusieurs propriétaires, groupés ou non en association syndicale. Elles doivent être déclarées d'utilité publique lorsqu'elles ne sont pas prévues par un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé.

En second lieu, l'obligation de demander un permis de construire dans le cas prévu au c) de l'article R. 421-14 disparaît. Cette hypothèse concerne les travaux ayant pour effet de modifier le volume d'un bâtiment et de percer ou d'agrandir une ouverture sur un mur extérieur, les deux conditions, ainsi, énoncées devant être considérées comme cumulatives. Elle se justifiait par l'impact de ce genre de modifications sur l'apparence de l'immeuble et par le fait qu'elles mettent directement en cause les règles essentielles de documents d'urbanisme relatives à l'implantation des bâtiments et à leur hauteur. La mesure de coordination prévue par le 2° de l'article 1er du décret du 5 décembre 2011, qui définit positivement l'extension du champ d'application de la déclaration préalable en fonction de la réduction de celui du permis de construire, ne fait pas référence à ces modifications de volume, ni à ces percements ou extensions d'ouvertures. En conséquence, et sous réserve d'une disposition réglementaire à venir, et aussi surprenant que cela puisse paraître, on doit considérer que ce type de travaux ne sera plus soumis à déclaration.

  • Extension des possibilités de construire dans les zones NC des POS (CE 1° et 6° s-s-r., 9 décembre 2011, n° 335707, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1762H4Z)

Les zones naturelles sont assez fortement protégées par le droit de l'urbanisme : au-delà des dispositions législatives spécifiques qui renforcent la protection de certains secteurs, telles que celles de la loi "littoral" (loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9) codifiée, notamment, à l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L8034IMI), les zones A des PLU, qui recouvrent globalement les zones NC des POS (à l'exception des activités liées à l'exploitation du sous-sol), sont, par principe, inconstructibles. Ne sont, ainsi, admises dans ces zones que les constructions qui ont un lien étroit avec les activités agricoles. L'arrêt rendu le 9 décembre 2011 ouvre légèrement les possibilités offertes aux personnes propriétaires de construction à usage d'habitation situées dans ces zones.

I - La zone NC : un secteur très protégé

L'intention du Code de l'urbanisme relative aux zones NC est très précise : les zones NC sont, par principe, inconstructibles. Elles sont réservées à l'exploitation des richesses naturelles du sol ou du sous-sol et sont, par conséquent, majoritairement consacrées aux activités agricoles.

Une réponse ministérielle du 8 mai 2008 (QE n° 03751 de Mme Christiane Demontès, JO Sénat du 20 mars 2008, p. 516, réponse publ. 8 mai 2008, p. 915, 13ème législature N° Lexbase : L5452IRD) expose les obligations du pétitionnaire qui désire effectuer une opération en zone A. Elle concerne les PLU mais la règle exposée est parfaitement adaptée au POS, la règle de la nécessité de la construction ayant été reprise par les PLU : "[...] l'article R. 123-7 [...] autorise, cependant, dans ces zones les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole. Cette notion de nécessité, que le demandeur de permis de construire doit justifier, correspond, pour l'essentiel, au caractère indispensable de certaines installations ou constructions du point de vue du fonctionnement et des activités de l'exploitation agricole. A cet égard, la construction d'un logement pour l'exploitation peut se justifier dès lors que la présence de l'exploitant à proximité des terres qu'il exploite s'avère nécessaire au fonctionnement de l'exploitation, au regard du contexte local et compte tenu de la nature des activités agricoles concernées. Plus généralement, l'activité agricole présente une très grande diversité, au plan des productions, des structures, des données naturelles de sol et de climat, qui entraîne une grande variété dans la destination et la nature des installations ou des constructions nécessaires à l'exploitation agricole, ce qui ne permet pas la formulation d'une règle uniforme. Ceci justifie qu'un examen au cas par cas des projets de demandes d'autorisation de construire soit réalisé de manière à apprécier au mieux la notion de nécessité au vu des éléments justificatifs produits par le demandeur du permis de construire et des règles établies localement par le PLU. Cet examen attentif doit garantir au demandeur la sécurité juridique de son projet et donc une bonne visibilité des perspectives notamment foncières dans lesquelles il inscrit l'activité de son exploitation". Le pétitionnaire doit donc démontrer dans son dossier de demande de permis que la construction pour laquelle il sollicite un permis doit être absolument indispensable à son activité agricole.

Plusieurs aménagements limités à cette règle sont, cependant, autorisés. Afin de maintenir la population en milieu rural, la loi "SRU" (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY), via l'article L. 123-3-1 (N° Lexbase : L1949DKE), permet au règlement du PLU d'autoriser les changements de destination de certains immeubles agricoles. Cette possibilité, qui est aussi applicable aux POS par simple modification du plan, concerne les bâtiments agricoles qui présentent un intérêt architectural ou patrimonial qui justifie le changement de destination. L'opération ne doit pas avoir pour effet de compromettre l'exploitation agricole. Cette procédure impose d'identifier les immeubles concernés dans le document graphique du document d'urbanisme. La notion d'intérêt architectural ou patrimonial est relativement souple : le conseil municipal dispose d'une marge de manoeuvre confortable pour identifier les immeubles en question, ce qui n'est pas sans enjeu financier pour les propriétaires concernés.

De même, l'article L. 111-3 (N° Lexbase : L7775IMW) autorise, sous conditions, la reconstruction après sinistre d'un immeuble régulièrement édifié. De même, la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs et qui présente un intérêt architectural ou patrimonial peut être autorisée, à condition que le projet respecte les principales caractéristiques de l'immeuble. Dans ces deux derniers cas, cependant, les documents d'urbanisme peuvent expressément exclure le droit à reconstruction posé par la loi. Enfin, les documents d'urbanisme eux-mêmes peuvent prévoir des dispositions autorisant les constructions qui ne sont pas liées aux activités agricoles. Ces possibilités ne sont nullement automatiques et varient assez sensiblement selon les règlements de PLU. Si certains d'entre eux ouvrent des possibilités très encadrées, d'autres, en revanche, sont un peu plus laxistes.

II - L'interprétation des dispositions du POS

L'article NC1 du POS de la commune requérante fait partie de ces règlements assez favorables aux propriétaires d'immeubles situés en zone NC. Cet article autorise, en effet, outre les constructions liées à l'activité agricole, "l'aménagement et l'extension des autres constructions à usage d'habitation dans la limite d'une surface hors oeuvre nette de 250 m²". La possibilité ainsi ouverte par le POS est très loin d'être négligeable. Et c'est précisément ce dont le requérant voulait bénéficier. Cet article est mal rédigé.

En premier lieu, et c'est l'apport de la décision du Conseil d'Etat, le concept de "construction à usage d'habitation" ne se limite pas aux immeubles qui font actuellement l'objet d'une habitation. Ainsi que le relève le Conseil d'Etat, "la circonstance qu'une construction à usage d'habitation n'aurait pas été occupée, même pendant une longue période, n'est pas, par elle-même, de nature à changer sa destination". Cette solution est techniquement exacte. Il est suffisamment rare que le Conseil d'Etat procède à une interprétation littérale pour ne pas le souligner. Aucune disposition de l'article NC1 ne permettait, en effet, de justifier l'analyse de la cour administrative d'appel (1), selon laquelle la possibilité offerte par le POS ne s'appliquait qu'aux seuls immeubles étant effectivement habités à la date de la demande de permis de construire. Le juge d'appel voulait manifestement encadrer les dérogations ouvertes par le POS. Peut-être a-t-il, également, voulu reprendre à son compte les habitudes du juge de cassation : on sait pertinemment que le raisonnement finaliste du Conseil défie parfois tous les pronostics et est, en tout état de cause, assez souvent rebelle à l'interprétation littérale des textes. Il est vrai que ce dernier mode d'interprétation retire au juge toute possibilité de s'affranchir des textes et de la volonté de leurs auteurs.

En conséquence, le Conseil d'Etat interprète donc l'article NC1 de la manière la plus stricte et la plus rigoureuse, lorsqu'il énonce que, "doivent être regardées comme des constructions à usage d'habitation, au sens et pour l'application du 2. de l'article NC1 du règlement du POS précité, les édifices destinés, compte tenu de leurs caractéristiques propres à l'habitation". Il importe donc peu que l'immeuble ne soit pas habité : le seul critère applicable est celui de sa destination réelle. On notera, cependant, que l'arrêt prend soin de limiter l'interprétation qu'il donne aux seules dispositions en cause : en effet, la dissociation opérée par le Conseil entre les caractéristiques intrinsèques d'un bâtiment et l'usage effectif qui en est fait n'est valable que pour les dispositions en cause et ne peut donc être utilement invoquée pour interpréter d'autres articles du POS.

Cet arrêt n'a donc pas de portée générale. Il ouvre, toutefois, des possibilités importantes dans les communes dont les POS reprennent cette disposition. En effet, le véritable enjeu des zones NC1 ne réside pas dans l'extension des immeubles qui font l'objet d'une habitation effective : que ces immeubles aient été édifiés avant toute réglementation d'urbanisme ou qu'ils aient été édifiés légalement, la réalisation de travaux d'agrandissement et d'aménagement n'emporte que peu de conséquences. En revanche, il en va tout autrement des maisons inhabitées, parfois dans un état douteux, mais qui ont incontestablement une destination d'habitation. Les notaires ont l'habitude de désigner ce genre de constructions sous le vocable générique de "maison à usage d'habitation" pour peu que les caractéristiques du bâtiment, peu important son état réel, montrent qu'il n'a pas été construit pour servir de hangar agricole. Cette dénomination dépourvue de la moindre valeur juridique trompe souvent les acquéreurs de bonne foi qui se retrouvent avec un bien sur lequel la commune leur refuse, ultérieurement, tout permis de construire. On relèvera que la décision du Conseil d'Etat ne règle, cependant, pas toutes les difficultés qui peuvent surgir. En particulier, le contentieux ne manquera pas de surgir sur l'étendue exacte de la notion de "caractéristiques propres" : l'état d'abandon de l'immeuble varie selon chaque cas et le juge sera certainement amené à revenir sur ce point pour tracer une frontière entre les immeubles qui peuvent bénéficier de ces travaux d'aménagement et d'agrandissement, et ceux qui sont trop abîmés pour en profiter... La jurisprudence a déjà précisé que l'inoccupation d'un immeuble pendant une longue période ne suffit pas à le priver de la destination qui ressort de ses caractéristiques propres, à condition qu'il ne soit pas devenu une ruine (2).

En second lieu, l'article en question est, également, mal rédigé car il ne précise pas la portée exacte de la référence à la SHOB. En effet, l'article NC1 ne précise pas si la limite de surface qu'il évoque (250 m² de SHOB) recouvre la totalité de l'immeuble après réalisation des travaux, ou si elle porte exclusivement sur la surface maximale qui peut être réalisée en supplément, au titre des travaux d'extension. Il apparaît, dans un premier temps, plus logique de considérer que la surface s'applique à la totalité de l'immeuble après travaux. Toutefois, une interprétation littérale du texte peut conduire à la solution inverse. En l'occurrence, l'importance de la limite fixée par ce POS réduit l'enjeu de la question : 250 m² de SHOB constitue, en effet, une surface particulièrement imposante et permet de transformer une petite maisonnette rurale inhabitée en une vaste maison. Dans l'hypothèse d'une limite sensiblement plus basse, l'enjeu serait, en revanche, beaucoup plus important, et pourrait conduire à opter pour la seconde interprétation. Le constat est banal mais incontournable : l'insuffisante qualité de rédaction des textes est source d'incertitudes et de contentieux.

Le Conseil d'Etat censure donc la décision attaquée pour erreur de droit et renvoie l'affaire à la cour administrative d'appel qui devra statuer sur la demande d'injonction d'avoir à délivrer le permis demandé. Sans faire de pronostic hasardeux, on peut douter du succès de cette procédure : le juge du fond fait un usage modéré de ses pouvoirs d'injonction et il ne se substituera pas à l'administration pour délivrer un permis de construire. Tout au plus enjoindra-t-il à la commune de reprendre l'instruction du dossier de demande de permis qui ne pourra plus être refusé sur la base de l'interprétation de l'article NC1 qui a été censurée par le Conseil d'Etat.

  • Le règlement d'un POS peut autoriser la construction d'éoliennes en zone naturelle (CE 1° et 6° s-s-r., 9 décembre 2011, n° 341274, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1784H4T)

L'engouement pour les énergies renouvelables, et, en particulier, pour l'énergie éolienne, n'est pas lié uniquement à la recherche d'une plus grande protection de l'environnement et à une réduction des gaz dits "à effet de serre". Les mécanismes de l'obligation d'achat, même s'ils sont aujourd'hui limités dans le temps, ont eu un impact déterminant sur le développement des parcs éoliens. En attendant, les éoliennes, en plus de défigurer tous les paysages français, sont devenues une abondante source de contentieux administratif dans lequel les requérants assument, il faut le leur reconnaître, le rôle des "méchants". Un arrêt du 9 décembre 2011 qui sera publié au recueil vient encore renforcer l'appui juridique dont profitent les bénéficiaires des obligations d'achat. L'apport essentiel de cette décision réside dans la confirmation du fait qu'une commune peut légalement autoriser l'implantation des éoliennes dans une zone NC du POS.

I - Le contrôle du juge de cassation

Le Conseil d'Etat écarte trois moyens soulevés par les requérants.

Tout d'abord, le traditionnel défaut de motivation est rejeté. Les requérants soulevaient ce moyen à l'égard de l'analyse du préfet sur la qualité du site. Le Conseil constate que "le paysage, qui est essentiellement composé d'une garrigue basse avec des chênes kermès et des ajoncs, sans arbre, et ponctuellement des pelouses et des pointements rocheux, ne présente pas un intérêt particulier, et qu'il ne fait pas l'objet de classement, ni de protection". Il relève, également, que le fait, pour la cour administrative d'appel (3), de n'avoir pas "mentionné l'appartenance du site à une aire de production de vin d'appellation d'origine contrôlée", ne constitue pas un défaut de motivation. Par le biais du contrôle de la motivation, le juge de cassation constate donc l'absence d'erreur manifeste d'appréciation.

Le Conseil rejette ensuite le grief tiré de la dénaturation du dossier. Les requérants soutenaient que la présence d'éoliennes induisait un risque particulier en matière d'incendie et de lutte contre ceux-ci. La cour administrative d'appel avait, cependant, estimé qu'ils n'apportaient aucun élément en ce sens. La dénaturation, très fréquemment invoquée en cassation, n'est pas retenue par le Conseil d'Etat. On relèvera que ce grief est assez rarement reconnu comme fondé, quand bien même le requérant apporte des éléments tangibles à l'appui de son moyen.

Le juge de cassation écarte, enfin, le grief tiré de l'irrégularité de la procédure. La décision d'appel avait, en effet, écarté comme inopérant un moyen tiré de la violation de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976, relative à la protection de la nature (N° Lexbase : L4214HKB), et du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 (N° Lexbase : L8893IQG). Ces deux textes bien connus régissent les enquêtes publiques et précisent, notamment, le contenu des études d'impact qui sont exigées par plusieurs législations particulières, notamment le Code de l'expropriation. Or, en l'espèce, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que la délivrance du permis de construire fut précédée d'une étude d'impact. Dès lors, la cour avait logiquement considéré que les exigences de la loi de 1976 et de son décret d'application de 1977 n'étaient pas applicables. Le moyen tiré de la violation de ces dispositions était donc inopérant. Le Conseil d'Etat valide très logiquement cette solution en relevant qu'en "écartant comme inopérant le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact dont il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis qu'elle avait été produite de sa propre initiative par la société [...] alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyait, à la date de délivrance du permis contesté, que celui-ci devait être précédé d'une étude d'impact, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit". On relèvera que l'administration et le pétitionnaire sont ici dans deux situations différentes. Alors que l'administration est contrainte de respecter les règles de procédure auxquelles elle se soumet volontairement (4), le pétitionnaire qui dépose une étude d'impact qui n'est pas imposée par les textes ne se trouve pas soumis aux textes qui régissent les études imposées par la loi.

II - Les éoliennes et les documents d'urbanisme

La décision du Conseil d'Etat confirme donc que la règle générale de l'inconstructibilité des secteurs NC comporte de nombreuses exceptions. Sont normalement admises les constructions qui sont étroitement liées à l'activité agricole. On sait que la jurisprudence administrative est restrictive en ce domaine. Les zones NC sont, en effet, réservées à l'exploitation des richesses naturelles du sol ou du sous-sol. La construction située dans cette zone doit donc être absolument nécessaire à l'exercice ou au maintien de l'activité agricole. Cette condition n'est pas remplie dans le cas d'un hangar destiné à l'hébergement des salariés de l'exploitation, dès lors que le pétitionnaire n'apporte aucun élément tendant à démontrer l'utilité de ce projet (5).

Les PLU laissent aux communes la liberté d'admettre ou non les éoliennes ou les équipements d'intérêt collectif en zones naturelles (zones N). Le Code de l'urbanisme ne limite pas, a priori, la nature des constructions qui peuvent y être admises. C'est donc aux PLU de déterminer la nature des travaux, des ouvrages, et constructions, susceptibles d'y être autorisés. Il faut, cependant, noter que les éoliennes ne peuvent pas, en principe, être admises, dans les zones N qui sont protégées en raison de la qualité particulière des sites et des paysages, notamment dans les espaces remarquables des communes littorales (Circulaire du 10 septembre 2003, relative à la promotion de l'énergie éolienne terrestre N° Lexbase : L5046IRC).

L'arrêt du 8 décembre 2011 interprète de manière particulièrement audacieuse et assez originale les règles de zonage définies à l'article R. 123-8 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L5539HW3). Il estime, en effet, "qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la valeur agricole des terres ou la richesse du sol ou du sous-sol ne sont pas les seuls critères qui puissent être pris en compte pour le classement de parcelles dans une zone de richesses naturelles, et que d'autres critères peuvent être retenus pour autant qu'ils reposent sur la richesse naturelle des lieux". Il fait, ensuite, une analyse pour le moins subjective de la notion de richesse naturelle des lieux puisqu'il énonce "que l'exposition au vent pouvait ainsi être retenue comme critère pris en compte pour le classement en zone naturelle".

L'exposition au vent peut donc être considérée comme un facteur de richesse naturelle. Si l'analyse peut paraître séduisante au premier abord pour les zélateurs des énergies renouvelables, elle pose, néanmoins, quelques questions. En particulier, étant donné que l'exposition au vent est susceptible d'être mesurée scientifiquement, on peut se demander à partir de quel degré d'exposition on atteint la qualification de "richesse naturelle".

La seconde difficulté soulevée par le Conseil d'Etat concerne l'articulation des dispositions du règlement de la zone NC. En effet, à partir du moment où les constructions autorisées dans le secteur NCe à vocation d'énergie éolienne dérogent à certaines règles du secteur NC, il convient de déterminer les règles incompatibles avec ce secteur spécial. Le Conseil fait, ainsi, le tri entre les dispositions "manifestement incompatibles avec l'implantation des éoliennes", et celles qui s'imposent à ces ouvrages. Parmi les premières figurent "celle de l'article NC10 limitant la hauteur des constructions à huit mètres cinquante". En revanche, les règles de l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives fixée à l'article NC7 ne sont pas considérées comme manifestement incompatibles avec les éoliennes. Le Conseil censure, ainsi, la cour qui avait considéré que les règles de prospect de la zone NC étaient inapplicables au secteur NCe. Le juge de cassation estime, en effet, qu'aucune "disposition du règlement n'écarte l'application de cet article au secteur NCe [...] ainsi, en jugeant que les auteurs du règlement du plan avaient entendu faire échapper aussi le secteur NCe aux règles de prospect de l'article NC7 non manifestement incompatibles avec l'implantation des éoliennes, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit".

L'appréciation des règles applicables dépend donc de la nature des installations. A propos de l'implantation en zone NC d'un pylône radiotéléphonique de 30 mètres de haut et d'un local technique, le Conseil d'Etat a estimé que les dispositions du règlement régissant la hauteur des constructions réalisées dans la zone en question s'appliquent à toutes les constructions qu'il s'agisse, ou non, de bâtiments. Le POS imposant une hauteur maximale de 9 ou 10 mètres selon la vocation de l'immeuble, le juge a considéré que l'annulation de la décision de non-opposition n'était pas entachée d'erreur de droit (6).


(1) CAA Lyon, 1ère ch., 26 novembre 2009, n° 07LY01950 (N° Lexbase : A4099EPI).
(2) CE 1° et 6° s-s-r., 26 juillet 2011, n° 328378, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8323HW8).
(3) CAA Marseille, 1ère ch., 7 mai 2010, n° 08MA02052, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2327H8P).
(4) Voir, par exemple, CE, Ass., 22 juin 1963, Albert, Rec. p. 385.
(5) CE 2° et 7° s-s-r., 26 octobre 2011, n° 328241, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0825HZL).
(6) CE 2° s-s., 27 octobre 2011, n° 334637, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1562HZU).

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