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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III
le 06 Janvier 2012
Article 1er (CGI, article 1658 N° Lexbase : L1537IPM) : cet article a pour objet de clarifier la procédure de délégation de pouvoirs en matière d'homologation des rôles et de valider les rôles émis par la Direction générale des finances publiques en 2011 et par l'ancienne Direction générale des impôts.
Rappelons que les rôles sont des listes nominatives de contribuables établies par l'administration fiscale. Pour chaque contribuable, les rôles comportent son identification, les bases d'imposition, les éléments de liquidation de l'impôt, le montant à payer, ainsi que le bénéficiaire. Ils sont homologués par le préfet ou, par délégation, par un fonctionnaire de l'administration fiscale, conformément à l'article 1658 du CGI. Cette homologation a pour effet de les rendre exécutoire et certifie l'existence de la créance sur le contribuable.
La loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, de finances rectificative pour 2010 (N° Lexbase : L9902IN3), entrée en vigueur le 1er janvier 2011, a modifié le second alinéa de l'article 1658 du CGI. Celui-ci prévoit désormais que pour "l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A désignés par le responsable départemental des finances publiques et détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat".
Le décret en Conseil d'Etat, dont il est fait mention, n'a fait l'objet d'une publication qu'en octobre 2011 (décret n° 2011-1302 du 14 octobre 2011, portant modification de certaines dispositions relatives aux procédures de recouvrement mises en oeuvre par la direction générale des finances publiques N° Lexbase : L1896IRN), rendant de ce fait les dispositions du second alinéa de l'article précité inapplicables. La validité des rôles est appréciée au regard du droit en vigueur lors de leur homologation. L'irrégularité de la procédure de délégation avait entaché d'irrégularité les rôles homologués en 2011.
En conséquence, l'article 1er précité a procédé à la validation des rôles homologués irréguliers et dont la légalité risquait d'être contestée. Il s'agit des rôles homologués jusqu'au 31 décembre 2011 par les services fiscaux ou directions fiscales à compétence nationale (alinéa 4), des rôles homologués en 2011 sur délégation des représentants de l'Etat dans les départements (alinéa 3), mais aussi des rôles homologués jusqu'au 31 août 2010 par la direction spécialisée des impôts pour la région Ile-de-France et pour Paris (alinéa 5). Ces rôles sont réputés réguliers et ne peuvent pas être contestés sur le fondement du moyen tiré de ce que les agents ayant procédé à leur homologation étaient incompétents. A noter, toutefois, que ces rôles sont réputés réguliers sous réserve des décisions de justice passées en force jugée et des contentieux déjà engagés à la date du 16 novembre 2011.
En outre, le législateur a rendu la procédure de délégation de pouvoirs par le représentant de l'Etat dans le département plus souple. Le 2ème alinéa de l'article 1658 du CGI est rédigé ainsi : "pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de service à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat". Cette nouvelle rédaction tient compte des attributions des services à compétence nationale en matière d'homologation de rôles. Sont concernés la Direction des grandes entreprises (DGE) et la Direction des résidents étrangers et des services généraux (DRESG).
Article 57 : l'objet de cet article est la mise à la disposition des contribuables d'informations relatives aux transactions immobilières par voie électronique.
Le projet "PATRIM Usagers" vise à offrir aux usagers subissant une procédure administrative (expropriation, contrôle de la valeur vénale d'un bien) ou concernés par une obligation déclarative (acte de donation, déclaration de succession, déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune) les moyens d'une évaluation rigoureuse de leurs biens immobiliers, notamment lorsque celle-ci est susceptible d'être contestée par l'administration.
La valeur vénale réelle des immeubles doit servir d'assiette pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit (CGI, art. 761 N° Lexbase : L8122HLE), de l'impôt de solidarité sur la fortune (CGI, art. 885 S N° Lexbase : L9263HZ4), ainsi que des droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement et de taxe proportionnelle de publicité foncière (CGI, art. 666 N° Lexbase : L7724HLN). La valeur vénale correspond au prix obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel. Pour la calculer, il faut procéder à des comparaisons avec des cessions en nombre suffisant sur des immeubles similaires. Cela implique, pour le contribuable, la recherche d'informations pertinentes par divers moyens, notamment en consultant les prix moyens publiés par les notaires ou encore les revues professionnelles.
A la différence de l'administration, le contribuable ne dispose pas d'un accès aux données relatives aux transactions portant sur des biens similaires enregistrés auprès des conservations des hypothèques. Le projet "PATRIM Usager" va permettre la communication, par la Direction générale des finances publiques, et par voie électronique, d'informations de nature juridique et cadastrale, en vue de l'estimation d'un bien immobilier. L'article 57 précité pose le cadre juridique du projet "PATRIM Usagers" et prévoit, à cet effet, l'insertion d'un nouvel article L. 107 B dans le LPF.
Les personnes concernées peuvent ainsi obtenir, à titre gratuit, communication des éléments d'information relatifs aux mutations à titre onéreux de biens immobiliers comparables intervenues dans un périmètre et pendant une période déterminés, et qui sont utiles à la seule appréciation de la valeur vénale du bien concerné. Il est précisé que les biens immobiliers comparables sont les biens de type et de superficie similaires à ceux précisés par le demandeur.
Les informations communicables sont les références cadastrales, l'adresse, la superficie, le type et les caractéristiques du bien immobilier, la nature et la date de mutation, ainsi que la valeur foncière déclarée à cette occasion et les références de publication au fichier immobilier.
Toutefois, la circonstance que le prix ou l'évaluation d'un bien immobilier ait été déterminé sur le fondement d'informations obtenues en application de cette disposition ne fait pas obstacle au droit de l'administration fiscale de rectifier ce prix ou cette évaluation dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55 du LPF (N° Lexbase : L5685IEB) (alinéa 7).
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), définit les modalités du présent article, notamment en ce qui concerne les conditions de communication d'informations par voie électronique (alinéa 8).
Article 58 : cet article a pour objet l'extension du délai de reprise de l'administration de dix ans à l'ensemble des avoirs détenus à l'étranger et non déclarés.
En application de l'article L. 169 du LPF (N° Lexbase : L0499IP8), pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration s'exerce, en principe, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.
Par exception, l'article L. 169 susmentionné prévoit que le délai de reprise s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due, dans l'hypothèse d'une activité occulte, c'est-à-dire lorsque le contribuable n'a déposé, dans le délai légal, aucune déclaration fiscale et n'a pas fait connaître son activité au centre de formalité des entreprises, ou au greffe du tribunal de commerce. Ceci vaut aussi quand l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale au titre de l'année postérieure.
L'article 52 de la loi du 30 décembre 2008 (loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, de finances rectificative pour 2008 N° Lexbase : L3784IC7) a également prévu un allongement à dix ans du délai de reprise en cas de non respect de certaines obligations déclaratives, dès lors qu'elles concernent des actifs détenus dans "un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale permettant l'accès aux renseignements bancaires".
Le présent article vise à étendre le délai de reprise de dix ans dont dispose l'administration à l'ensemble des avoirs détenus à l'étranger. L'article L. 169 du LPF est modifié en ce sens, la mention faite aux Etats et territoires non coopératifs étant supprimée. En conséquence, le délai de reprise peut s'exercer jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable ne respecte pas les obligations déclaratives visées à l'article L. 169 du LPF, au titre de l'ensemble des avoirs qu'il détient à l'étranger.
En outre, il convient de souligner qu'il est fait référence à une nouvelle obligation déclarative, prévue à l'article 1649 AB du CGI (N° Lexbase : L9523IQR), et qui concerne les administrateurs de trusts, dont le constituant ou l'un des bénéficiaires a son domicile fiscal en France, ou dont l'un des biens est sis en France. Ils sont tenus de déclarer la constitution, la modification ou l'extinction de ces entités juridiques, ainsi que la valeur vénale des biens, droits et produits portés par celles-ci, annuellement.
Enfin, l'extension du délai de reprise ne s'applique pas en cas de non respect de l'obligation déclarative (CGI, art. 1649 A N° Lexbase : L1746HMM) qui concerne l'ouverture, l'utilisation ou la clôture de comptes à l'étranger, lorsque le contribuable apporte la preuve que le total des soldes créditeurs de ses comptes à l'étranger est inférieur à 50 000 euros au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite.
Les modifications portant sur le périmètre de l'article L. 169 du LPF s'appliquent aux délais de reprise venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2011. En effet, l'allongement des délais de reprise ne peut remettre en cause des prescriptions acquises lors de son entrée en vigueur.
Article 59 : cet article vise à transposer la Directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010, concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (N° Lexbase : L8286IGY).
L'assistance mutuelle entre Etats membres de l'Union européenne est l'une des modalités de coopération administrative internationale en matière fiscale. Cette coopération a pris forme en 1976 avec une Directive relative à l'assistance mutuelle au recouvrement (Directive 76/308/CE du Conseil du 15 mars 1976, concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances résultant d'opérations faisant partie du système de financement du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, ainsi que de prélèvements agricoles et de droits de douane N° Lexbase : L9235AUL), dont le champ d'application était limité aux créances contribuant au financement du fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEAGA), ou afférentes aux prélèvements agricoles et aux droits de douane. Ce dernier a été ultérieurement étendu à la TVA, aux droits d'accises, aux impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi qu'aux taxes sur les primes d'assurances. Ce dispositif a été codifié par une Directive du Conseil en date du 26 mai 2008 (Directive 2008/55/CE du Conseil du 26 mai 2008, concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures N° Lexbase : L9074H3H). Cette dernière a été abrogée et remplacée par la Directive 2010/24 UE du Conseil du 16 mars 2010, concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures.
L'article 59 précité assure la transposition de cette Directive. Celle-ci vise aussi à renforcer la possibilité d'édicter des mesures conservatoires dans un autre Etat membre. Elle actualise les dispositions déjà prises en ce sens afin de tenir compte des dernières évolutions liées à la pratique fiscale conventionnelle établie dans le cadre de l'OCDE. Par exemple, l'article 5 de la Directive s'inspire très largement des stipulations encadrant le refus d'assistance prévues dans les différents accords d'échange de renseignements récemment conclus avec des territoires jugés non coopératifs.
L'assistance mutuelle concerne non seulement le recouvrement des créances, mais également les phases préparatoires à la mise en oeuvre de cette procédure, telles que l'échange d'informations, la notification de documents préalables aux mesures d'exécution, ou encore l'édiction de dispositions conservatoires tendant à préserver les possibilités de paiement de la dette. La nouvelle rédaction autorise les fonctionnaires habilités par l'Etat requérant à être présents dans les bureaux de l'administration de l'Etat requis, à assister aux enquêtes administratives, à interroger éventuellement les personnes et à examiner les dossiers. Afin de préserver le recouvrement de l'Etat requérant, la Directive prévoit que l'Etat requis prenne des mesures conservatoires même si la créance est contestée, ou si le titre exécutoire n'a pas encore été émis.
Le nouvel article L. 283 D du LPF, prévu au 5° du I du présent article, traite des demandes de renseignements. La communication porte sur "toute information vraisemblablement pertinente" pour le recouvrement des créances entrant dans le champ d'application "à l'exception de celles qui pourraient être obtenues pour le recouvrement de leurs propres créances de même nature sur la base de la législation en vigueur". Le dispositif de 2008 est renforcé car la détention de l'information par une banque, un établissement financier ou une personne agissant en qualité de fiduciaire ne saurait constituer un fondement légitime au refus de coopérer. Toutefois, cette obligation de communication ne doit pas conduire à la divulgation d'un secret commercial, industriel ou professionnel ou encore porter atteinte à la sécurité ou l'ordre public.
Article 100 : cet article porte sur la communication aux collectivités territoriales des informations déclarées par le contribuable intervenant dans la valeur ajoutée des entreprises.
L'article L. 135 B du LPF (N° Lexbase : L0882IPD) prévoit, notamment, que l'administration fiscale est tenue de transmettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements dotés d'une fiscalité propre "le montant par impôt et par redevable des impôts directs non recouvrés par voie de rôle perçus à leur profit". L'Assemblée nationale a souhaité ajouter que cette obligation comporte des informations relatant "notamment les effectifs salariés".
L'objectif de cet ajout est de faire en sorte que les collectivités territoriales puissent disposer des éléments déclarés par l'entreprise pour le calcul de la répartition du produit de la cotisation de la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), c'est-à-dire la répartition territoriale de ses effectifs salariés et les surfaces de ses établissements.
Cet article sécurise l'accès des collectivités territoriales à ces informations très importantes, s'agissant d'un impôt perçu en leur faveur.
Article 101 : cet article permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements dotés de fiscalité propre de se transmettre entre elles des informations fiscales portant sur leurs produits fiscaux.
Cette mesure, complémentaire de l'article 100 de la loi, vise, en particulier, à permettre aux collectivités de croiser les informations dont elles disposent s'agissant des critères de répartition de la cotisation de la valeur ajoutée des entreprise (CVAE). Cela doit conduire à apprécier le degré d'interdépendance du produit d'une collectivité avec ceux d'autres territoires.
Ce dispositif doit faciliter la coopération fiscale au sein des établissements publics de coopération intercommunale.
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