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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"
le 05 Janvier 2012
Le décret n° 2011-2028 du 29 décembre 2011, relatif à l'indice des loyers des activités tertiaires, fixe les règles de composition et de calcul de l'indice des loyers des activités tertiaires. Il précise également les activités qui entrent dans son champ d'application.
L'article 63 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (N° Lexbase : L2893IQ9), avait créé un nouvel indice, l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires (ILAT), et avait rendu légales, pour certaines activités, les indexations fondées sur ce dernier stipulées dans un bail (sur ce point, voir nos observations, Chronique d'actualité en droit des baux commerciaux, Lexbase Hebdo n° 253 du 2 juin 2011 - édition affaires N° Lexbase : N4200BSD).
Ce texte avait ajouté un nouvel alinéa à l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3110IQA) qui dispose désormais que "est également réputée en relation directe avec l'objet d'une convention relative à un immeuble toute clause prévoyant, pour les activités autres que celles visées au premier alinéa ainsi que pour les activités exercées par les professions libérales, une indexation sur la variation de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques dans des conditions fixées par décret".
Ce nouvel indice concerne, en conséquence, toutes les activités autres que les activités commerciales ou artisanales définies à l'article D. 112-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7525IBC). Sont également visées les activités exercées par les professions libérales.
Le décret n° 2011-2028 du 29 décembre 2011 précise que l'indice des loyers des activités tertiaires (ILAT), calculé sur une base trimestrielle, est constitué par la somme pondérée d'indices représentatifs du niveau des prix à la consommation, de celui des prix de la construction neuve et de celui du produit intérieur brut en valeur.
Ce décret modifie également l'article D. 112-2 du Code monétaire et financier pour préciser que les activités concernées par l'ILAT sont les activités tertiaires autres que les activités commerciales et artisanales et recouvrent notamment les activités des professions libérales et celles effectuées dans des entrepôts logistiques.
Le décret est entré en vigueur le 31 décembre 2011.
Le preneur, auquel il est reproché d'exploiter un débit de boissons alors que cette activité lui serait interdite en raison de précédentes condamnations pénales, pouvant régulariser sa situation selon différentes voies de droit, le bailleur ne peut refuser le renouvellement pour cette infraction, invoquée à titre de motif et grave et légitime, sans délivrer préalablement une mise en demeure. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2011.
En l'espèce, le propriétaire de locaux à usage commercial de bar, débit de boissons, donnés à bail, avait notifié au preneur un congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction, au motif, notamment, que le preneur poursuivait son activité alors qu'il se trouverait, par suite de condamnations pénales prononcées contre lui, interdit d'exploiter un débit de boissons à consommer sur place en application des articles L. 3336-2 (N° Lexbase : L3353DLR) et suivants du Code de la santé publique.
Les juges du fond avaient validé ce congé sans offre de renouvellement et d'indemnité d'éviction, au motif que le preneur exploitait son fonds illégalement et que cette infraction, alléguée comme motif grave et légitime du congé, étant consommée et non susceptible de régularisation, une mise en demeure préalable n'était pas exigée à peine de nullité.
Cette solution, concernant la dispense d'une mise en demeure préalable, est censurée par la Cour de cassation.
Il doit être rappelé que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. L'article L. 145-17, I, 1°, du Code de commerce (N° Lexbase : L5745AIM) précise que s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation ou de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8 (N° Lexbase : L2248IBU), l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes de l'article L. 145-17, I, 1°, du Code de commerce.
A défaut de mise en demeure, lorsqu'elle est nécessaire, le congé n'est pas nul. Ce dernier subsiste mais ouvre droit pour le preneur au paiement d'une indemnité d'éviction (Cass. civ. 3, 15 mai 2008, n° 07-12.669, FS-P+B N° Lexbase : A5315D8D).
La question s'est posée de la nécessité de délivrer préalablement cette mise en demeure en présence d'une infraction non régularisable. Il avait ainsi été jugé que le bailleur pouvait se prévaloir de l'omission par le preneur de l'appeler à concourir à l'acte de cession même si aucune mise en demeure préalable n'avait été signifiée, dès lors que cette infraction ne pouvait être réparée (Cass. civ. 3, 13 février 1973, n° 71-10.415 N° Lexbase : A6831AG4). De la même manière, la Cour de cassation a précisé que l'omission par le preneur d'appeler le bailleur à concourir à l'acte de sous-location constituant un manquement instantané qui ne peut ni se poursuivre, ni se renouveler, la mise en demeure n'est pas exigée (Cass. civ. 3, 29 novembre 1995, n° 93-14.250 N° Lexbase : A8601AGN ; Cass. civ. 3, 9 juillet 2003, n° 02-11.621, FS-P+B N° Lexbase : A1157C9Q).
Ces solutions ne sont pas étrangères à la solution retenue par les juges du fond dans l'arrêt rapporté. Ils avaient en effet considéré que l'infraction reprochée au preneur, à savoir la poursuite de son activité alors qu'il se trouverait interdit à la suite de condamnation d'exploiter un débit de boissons à consommer sur place, n'était pas susceptible de régularisation.
La Cour de cassation avait déjà pu juger que la mise en demeure n'était pas nécessaire en présence d'une faute délictuelle du preneur (Cass. civ. 3, 5 mars 1980, n° 78-16.198), sans égard au caractère régularisable ou non de l'infraction.
Dans l'espèce qui a donné lieu à l'arrêt du 23 novembre 2011, c'était la prétendue absence de caractère régularisable de l'infraction qui avait motivé la décision des juges du fond. C'est précisément sur ce point qu'ils sont censurés. En effet, la Cour de cassation a estimé que le preneur pouvait régulariser sa situation selon différentes voies de droit et qu'en conséquence, une mise en demeure était nécessaire. Il reste la question de savoir quelles voies de droit sont offertes au preneur pour régulariser sa situation. Un recours contre la ou les décision(s) ayant prononcé les condamnations pénales (à condition qu'elles ne soient pas définitives) dont l'interdiction d'exploiter un débit de boisson est la conséquence, est envisageable. Le mécanisme de dispense de peine concernant l'infraction elle-même que constitue l'exploitation interdite d'un débit de boisson pourrait également être évoqué (voir, par exemple, CA Caen, 7 avril 2010, n° 09/00586 N° Lexbase : A0881E87).
Cet arrêt est également intéressant en ce qu'il précise que l'interdiction d'exploiter un débit de boissons à consommer sur place, prévue par les articles L. 3336-2 et suivants du Code de la santé publique, qui ne constitue par une sanction ayant le caractère d'une punition, mais une mesure de police et de sécurité publique réglementant l'accès à une profession, ne peut être utilement critiquée sur le fondement de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR). Le Conseil constitutionnel avait également récemment affirmé, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans la même affaire (Cass. QPC, 24 mars 2011, n° 10-24.180, FS-P+B N° Lexbase : A2943HLL), que les dispositions des articles L. 3336-2 et L. 3336-3 (N° Lexbase : L3345DLH) du Code de la santé publique ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit (Cons. const., décision n° 2011-132 QPC, du 20 mai 2011 N° Lexbase : A6759HRR).
La demande de requalification d'un bail, intitulé bail professionnel à durée déterminée exclu du champ d'application des baux commerciaux, en un bail soumis au statut des baux commerciaux est soumise au délai de prescription biennale des actions fondées sur les dispositions de ce statut. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2011.
En l'espèce, par acte du 30 avril 2003, intitulé "bail professionnel à durée déterminée exclu du champ d'application des baux commerciaux", conclu pour dix ans à compter du 1er avril 2003, avait été donné à bail un ensemble immobilier pour l'exercice d'une activité hippique non commerciale. Par acte du 28 janvier 2006, le preneur a assigné le bailleur pour se voir reconnaître titulaire d'un bail commercial au titre de l'article L. 145-2, 1°, du Code de commerce (N° Lexbase : L2371IBG). Aux termes de ce texte, les dispositions du chapitre du Code de commerce relatif aux baux commerciaux s'appliquent également aux baux des locaux ou immeubles abritant des établissements d'enseignement. Les juges du fond ayant déclaré que cette demande de requalification était prescrite, le preneur s'est pourvu en cassation, amenant la Cour de cassation à se prononcer sur la prescription applicable à une telle demande.
Aux termes de l'article L. 145-60 du Code de commerce (N° Lexbase : L8519AID), toutes les actions exercées en vertu du chapitre du Code de commerce relatif au bail commercial se prescrivent par deux ans.
La question était donc posée de savoir si le preneur qui invoque l'application du statut des baux commerciaux à une convention qui aurait exclu son application est soumis à ce délai. L'une des branches du moyen décelait une aporie dans le fait de soumettre l'action en requalification d'un bail en un bail commercial à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce, sans avoir préalablement procédé à cette opération de requalification. Il est vrai que d'un point de vue logique, il faudrait requalifier le bail de bail commercial (pour que l'article L. 145-60 du Code de commerce soit applicable) pour rejeter ensuite cette demande de requalification.
La Cour de cassation confirme cependant la solution retenue par les juges du fond et affirme que, dans la mesure où la cour d'appel était saisie "d'une demande de requalification" en vertu de l'article L. 145-2 du Code de commerce, l'action était prescrite en application de l'article L. 145-60 du Code de commerce.
Elle ne précise pas expressément le point de départ du délai de prescription de l'action mais pour approuver la solution des juges du fond qui avaient jugé la demande prescrite, la Cour de cassation relève que le bail a été établi entre les parties par acte du 30 avril 2003 avec effet au 1er avril 2003 et que l'action a été engagée le 26 avril 2006. En conséquence, il y a lieu de penser que le point de départ pourrait être soit la date de signature du bail, soit sa date d'effet.
La Haute cour avait eu l'occasion de préciser précédemment que la demande de requalification du contrat de location-gérance en contrat de bail commercial était soumise à la prescription biennale et de retenir, comme point de départ de ce délai, la date d'effet du contrat litigieux (Cass. civ. 3, 29 octobre 2008, n° 07-16.185, FS-D N° Lexbase : A0591EBI).
La solution peut paraître sévère. Elle est discutable concernant le point de départ du délai de prescription. Ainsi, il peut être soutenu que certains droits issus du statut des baux commerciaux, dont le droit au renouvellement, ne naissent qu'à la fin du bail. La portée de la solution énoncée par l'arrêt du 23 novembre 2011 dépendra aussi, de ce point de vue, de la question de savoir si la demande d'un preneur tendant à se voir accorder le bénéfice d'un droit issu du statut implique nécessairement, ou non, une demande de requalification du bail. Toutefois, même en cas de prescription, le preneur devrait pouvoir opposer au bailleur, par voie d'exception, les droits que lui accorde le statut des baux commerciaux (en ce sens, voir par exemple, Cass. civ. 3, 28 mai 2008, n° 07-12.277, FS-P+B N° Lexbase : A7850D8A ; sur cet arrêt cf. nos obs. Sur les pouvoirs du maire en matière de bail commercial, Lexbase Hebdo n° 308 du 12 juin 2008 - édition privée N° Lexbase : N2524BGL).
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