La lettre juridique n°467 du 5 janvier 2012 : Consommation

[Textes] Nouvelle Directive sur les contrats conclus à distance et hors établissements (à transposer au plus tard en décembre 2013)

Réf. : Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs (N° Lexbase : L2807IRE)

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N9410BSC

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[Textes] Nouvelle Directive sur les contrats conclus à distance et hors établissements (à transposer au plus tard en décembre 2013). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/5802929-textes-nouvelle-directive-sur-les-contrats-conclus-a-distance-et-hors-etablissements-a-transposer-au
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par Malo Depincé, Maître de conférences à la Faculté de droit de Montpellier, Directeur du Master II consommation-concurrence, Avocat

le 05 Janvier 2012

La Directive du 25 octobre 2011 a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 22 novembre 2011 (L 304/64). Bien moins ambitieuse que les projets qui l'avaient initiée, elle est néanmoins importante et apportera des modifications significatives du droit de la vente à distance et hors établissements commerciaux. Ces modifications ne seront sans doute pas isolées ; le droit national sera sans doute lui aussi modifié, pour répondre à l'angoisse des consommateurs face à la crise et favoriser leur pouvoir d'achat : les députés français adoptaient ainsi le 11 octobre 2011 un nouveau projet de loi, encore plus technique que les précédents, de protection des consommateurs (modifié en 1ère lecture par le Sénat le 22 décembre 2011). L'objectif de révision du droit communautaire de la consommation avait été initié en 2007, notamment, par le Parlement européen et la Commission qui avaient publié, le 8 février 2007, leur livre vert sur la révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs (COM 2006/744 final). Il s'en était suivi une phase de consultation à laquelle avaient largement répondu les professionnels concernés et les associations de consommateurs. Le Parlement avait ensuite adopté, le 6 septembre 2007, une résolution sur le livre vert sur la révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs. Le projet avait pour ambition la mise en cohérence des huit Directives relatives à la protection des consommateurs et, à plusieurs reprises, il a été affirmé que cette méthode de travail devait s'inscrire dans un travail bien plus vaste, pour une révision bien plus large, englobant finalement l'ensemble du droit de la vente et la construction d'un "cadre commun de référence". La proposition de Directive retenue en 2008 par la Commission européenne ne visait plus, pourtant, que la révision de quatre Directives : les clauses abusives dans les contrats (Directive 93/13/CE N° Lexbase : L7468AU7), la vente et les garanties (Directive 99/44/CE N° Lexbase : L0050AWR), les contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (Directive 85/577/CE N° Lexbase : L9639AUK) et les contrats à distance (Directive 97/7/CE N° Lexbase : L7888AUP). Si dans les discours, le renforcement des droits des consommateurs était présenté comme l'une des priorités de la Commission pour 2011 (1), l'actuel Commissaire européen en charge de la politique de consommation a été beaucoup critiqué au regard du travail, plus militant, de son prédécesseur. Il faut rappeler que le droit communautaire de la consommation est d'une construction nécessairement plus complexe que le droit national : il lui faut bien évidemment protéger les consommateurs (à un niveau élevé, rappelle le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), mais cela ne peut se faire que dans un cadre harmonisateur avec le sempiternel dilemme des objectifs de cette harmonisation, "par le haut ou par le bas" (si tant est qu'il soit si simple de déterminer ce qu'est une révision par le haut). Elle doit surtout s'inscrire dans un souci de protection des entreprises et de l'activité, préoccupation d'autant plus forte en temps de crise qui, selon les analyses, va au mieux se maintenir ou au pire s'aggraver. Toutes ces difficultés ont conduit à une révision plus modeste : la Directive ne vise plus que l'harmonisation des deux dernières Directives précitées, à savoir celle relative aux contrats négociés hors des établissements et celle traitant des contrats à distance. Pour concilier tous ces impératifs, le texte tente, par conséquent, de préserver la confiance des consommateurs dans ce système, en leur octroyant plus de droits mais nécessairement encadrés pour préserver, voire favoriser "le potentiel transfrontalier des ventes à distance".

Contenant des dispositions d'ordre général cette Directive aura des conséquences pour l'ensemble des consommateurs qui acquièrent des biens ou des services hors boutique. Le champ d'application de la Directive vise "tout contrat conclu entre le professionnel et le consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu'au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu" (Directive, art. 2 et 7 ; cf. également considérant 20). Sont, en outre, visés les contrats autres que les contrats à distance, ou hors établissement : "tout contrat conclu en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, dans un lieu qui n'est pas l'établissement commercial du professionnel" (Directive, art. 2.8a) ; ou "ayant fait l'objet d'une offre du consommateur dans les mêmes circonstances" (Directive, art. 2.8b) ; "conclu dans l'établissement commercial du professionnel ou au moyen d'une technique de communication à distance immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu qui n'est pas l'établissement commercial du professionnel, en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur" (Directive, art. 2.8c) ; ou "conclu pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur" (Directive, art. 2.8d). On trouve là tout le domaine de la vente à distance, auquel le législateur à distance a désormais adjoint certaines situations relevant, aujourd'hui, en droit français, du démarchage (C. consom., art. L. 121-21 N° Lexbase : L6585ABI).

Seuls sont expressément exclus du dispositif -mais l'exception est parfaitement logique au regard de la définition ci-dessus donnée des situations visées à l'article 3 de la Directive-, les services sociaux, les services de santé, les jeux d'argent pour lesquels l'exercice d'un droit de rétractation serait évidemment problématique, les services financiers objets d'autres Directives, les biens immobiliers, les voyages et circuits à forfaits, les transports de passagers, les immeubles en "Timeshare", les denrées alimentaires. Plus ambiguë est la qualification de l'exception des "sites commerciaux automatisés" qui ne vise évidemment pas les sites internet, par définition tous automatisés, mais les sites de vente physique dans lesquels se rend le consommateur et qui sont automatisés. Le champ d'application de la Directive est donc relativement vaste, et son impact d'autant plus important.

La Directive contient des "dispositions phares", essentiellement en ce qui concerne le droit de rétractation qui est considérablement renforcé (I). Elle contient, également, des dispositions propres à l'obligation d'information (II) et d'autres plus éparses qui ne seront pas sans intérêt pour les consommateurs (III).

I - Le renforcement du droit de rétractation du consommateur

Le délai de rétractation du consommateur est désormais fixé à quatorze jours (Directive, art. 9) et non plus à sept jours (C. consom., art. L. 121-20 N° Lexbase : L1037HBZ et L. 121-21 N° Lexbase : L6585ABI). Sont exclus de ce délai de sept jours : la fourniture de biens ou de services dont le prix dépend de fluctuations sur le marché financier ; la fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés (disposition qui sera sujette à interprétations) ; la fourniture de biens susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement ; la fourniture de biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d'hygiène et qui ont été descellés par le consommateur après la livraison ; etc.). Sont également exclus les contrats de service après que le service a été pleinement exécuté alors que, jusqu'à présent, le droit français exclut du bénéfice du droit à rétractation les contrats de services dès lors qu'ils ont reçu un commencement d'exécution -il faut donc en déduire qu'en cas d'exécution partielle, les parties devront convenir d'une indemnité versée au professionnel qui sera à défaut évaluée par le juge-.

Le délai de rétractation expire après une période de quatorze jours à compter, en ce qui concerne les contrats de service, du jour de la conclusion du contrat et, en ce qui concerne les contrats de vente, du jour où le consommateur ou un tiers autre que le transporteur et désigné par le consommateur prend physiquement possession du bien.

Dans l'hypothèse où le professionnel n'aurait pas informé le consommateur de son droit de rétractation, le délai expire au terme d'une période de douze mois à compter de la fin du délai de rétractation initial. Cette période de douze mois est réduite si le professionnel a communiqué au consommateur les informations avant l'expiration de ce délai étendu. Le consommateur dispose, alors, de quatorze jours à compter du jour où il a reçu ces informations pour se rétracter. Cette disposition plus précise et plus rigoureuse que dans les Directives précédentes a probablement été inspirée par la jurisprudence de la Cour de justice qui a dû trancher la question de l'expiration du délai de rétractation lorsque le professionnel n'en informait pas le consommateur (2) : en l'occurrence, le délai perdure aujourd'hui (sans cette limitation de douze mois) jusqu'à ce que le professionnel informe le consommateur, et dans la seule limite de la bonne foi du bénéficiaire.

Pour se rétracter, le consommateur peut, soit utiliser le modèle de formulaire de rétractation, soit faire une autre déclaration dénuée d'ambiguïté exposant sa décision de se rétracter du contrat. Le droit français impose, quant à lui, qu'un bordereau de rétractation est obligatoirement remis au consommateur lors d'un démarchage à domicile (C. consom., art. L. 121-25 N° Lexbase : L6589ABN), mais pas en droit de la vente à distance. Par cette Directive, et il faut sans doute s'en réjouir, la remise du bordereau de rétractation devient obligatoire dans tous les contrats conclus à distance et généralisée dans tous les pays de l'Union européenne.

En cas d'exercice du droit de rétractation, le professionnel doit rembourser tous les paiements reçus de la part du consommateur (Directive, art. 13), y compris, le cas échéant, les frais de livraison, sans retard excessif et toujours dans les quatorze jours suivant celui où il est informé de la décision du consommateur de se rétracter du contrat, et ce par le même moyen de paiement que celui utilisé par le consommateur pour la transaction initiale.

En ce qui concerne spécifiquement les contrats de vente, le professionnel peut différer le remboursement jusqu'à récupération des biens, ou jusqu'à ce que le consommateur ait fourni une preuve d'expédition des biens, la date retenue étant celle du premier de ces faits. Le consommateur doit, quant à lui, renvoyer ou rendre les biens au professionnel ou à une personne habilitée par ce dernier à recevoir les biens, sans retard excessif et toujours au plus tard quatorze jours suivant la communication de sa décision de se rétracter.

Pour les contrats hors établissement, lorsque les biens ont été livrés au domicile du consommateur au moment de la conclusion du contrat, le professionnel doit les récupérer à ses frais s'ils ne peuvent pas être renvoyés normalement par la poste en raison de leur nature. Il est rappelé que l'exercice par le consommateur de son droit de rétractation d'un contrat à distance ou d'un contrat hors établissement a pour effet de mettre automatiquement fin à tout contrat accessoire, sans frais pour le consommateur.

II - Le renforcement de l'obligation d'information à la charge du professionnel

La Directive prévoit l'obligation du professionnel de livrer, préalablement au contrat de vente à distance ou à celui conclu hors établissement, les informations suivantes (Directive, art. 5 et 6) : les principales caractéristiques du bien ou du service ; l'identité du professionnel, par exemple son nom commercial, l'adresse géographique où le professionnel est établi ainsi que son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur et son adresse électronique, lorsqu'ils sont disponibles ; le prix total des biens ou services toutes taxes comprises ; le coût de l'utilisation de la technique de communication à distance pour la conclusion du contrat, lorsque ce coût est calculé sur une base autre que le tarif de base ; les conditions de paiement de livraison et d'exécution, la date de livraison des biens ou d'exécution des prestations de services, les conditions de traitement des réclamations ; les modalités d'exercice du droit de rétractation ; le rappel de la garantie légale de conformité et le cas échéant d'un service après-vente ; la durée minimale des obligations du consommateur au titre du contrat ; le cas échéant, l'existence d'une caution ou d'autres garanties financières à payer ou à fournir par le consommateur à la demande du professionnel ; l'existence d'un mode de traitement extrajudiciaire des réclamations et les modalités d'accès à celle-ci.

La Directive rappelle, en outre, que la charge de la preuve concernant le respect des obligations d'information incombe au professionnel. Ce sont pour l'essentiel des informations dont le droit français exigeait déjà et, sur ce point, la Directive n'est pas beaucoup plus protectrice que le droit existant. En harmonisant la matière sur l'ensemble du territoire de l'Union, la Directive élargit, en revanche, le périmètre de la protection offerte au consommateur. A partir de 2014, en effet, ces obligations d'informations s'imposeront (comme toutes les autres dispositions de la Directive) dans l'ensemble des Etats-membres. Les contrats transfrontières seront donc concernés et le consommateur mieux protégé, sans avoir à invoquer pour bénéficier des dispositions françaises de l'existence de lois de police.

III - Les dispositions éparses

Diverses dispositions, plus techniques et plus disparates, n'en sont pas moins, elles aussi, protectrices du consommateur. La Directive protège, en premier lieu, le consommateur en lui garantissant la connaissance de la portée pratique de son engagement contractuel : le professionnel doit ainsi veiller à ce que le consommateur, lorsqu'il passe sa commande, reconnaisse explicitement que celle-ci implique une obligation de payer. Il doit être informé, avant tout engagement, de l'obligation de payer que son action (cliquer sur un lien internet par exemple) ferait naître. Un professionnel qui ne respecterait pas cette obligation, ne pourrait pas se prévaloir du contrat ou de la commande à l'égard de ce consommateur (Directive, art. 8).

Cette disposition vise directement les dispositifs de cases pré-cochées lors d'une commande en ligne ou les présentations ambiguës (ou peu compréhensibles) par lesquelles le consommateur ne prend véritablement conscience de son obligation de payer qu'après avoir porté le "clic final". Plus en réalité que l'hypothèse d'un consommateur qui contracterait sans comprendre l'obligation de payer qui en résulte, la Directive vise l'hypothèse où le consommateur comprend parfaitement qu'il a une obligation de paiement (chacun sait qu'une vente implique un paiement de la part de l'acheteur, par exemple) mais n'en saisit pas parfaitement l'ampleur (il a été trompé sur des frais annexes, par exemple).

En outre, le professionnel est tenu, pour un contrat de vente, de livrer le bien au plus tard, trente jours après la conclusion du contrat. En cas de manquement, le consommateur lui enjoint d'effectuer la livraison dans un délai supplémentaire adapté aux circonstances. Si le professionnel n'a pas effectué la livraison dans ce délai supplémentaire, le consommateur a le droit de mettre fin au contrat (Directive, art. 18). Le risque de perte ou d'endommagement des biens n'est transféré au consommateur que lorsque ce dernier (ou un tiers désigné par lui seul) prend physiquement possession de ces biens (Directive, art. 20).

Pour tous les types de contrats à distance ou en dehors des lieux de vente, les Etats membres devront interdire aux professionnels de facturer aux consommateurs des frais supérieurs aux coûts qu'ils supportent pour l'utilisation de ces mêmes moyens (Directive, art. 19). Ici, la Directive -et c'est suffisamment singulier pour être signalé- agit directement sur le mode de fixation des marges des professionnels en leur interdisant d'en constituer une sur certains services. Les appels vers les "hot lines" ne pourront non plus être surtaxés dans l'Union européenne et le consommateur, lorsqu'il contacte le professionnel, ne sera tenu de payer que le tarif de base (Directive, art. 21, tarif local donc, ce qui est une protection plus forte par rapport aux dispositions actuelles du droit français qui n'imposait cette exigence qu'aux professionnels établis sur le territoire national). Cette dernière disposition permet de parfaitement comprendre l'esprit de la Directive qui vise à abolir toute idée de frontières entre Etats membres pour l'affirmation d'un véritable marché intérieur, plus important que les marchés nationaux.


(1) V. Dalloz actualité, 12 novembre 2010, obs. A. Astaix.
(2) CJCE, 3 septembre 2009, aff. C/489/07 (N° Lexbase : A7928EKT).

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