Le Quotidien du 4 mai 2020 : Discrimination

[Brèves] Précisions sur le champ d’application de la Directive « anti-discrimination » concernant des propos homophobes tenus par un avocat à la radio

Réf. : CJUE, 23 avril 2020, aff. C-507/18 (N° Lexbase : A96063KY)

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[Brèves] Précisions sur le champ d’application de la Directive « anti-discrimination » concernant des propos homophobes tenus par un avocat à la radio. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57790559-breves-precisions-sur-le-champ-dapplication-de-la-directive-antidiscrimination-concernant-des-propos
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par Charlotte Moronval

le 29 Avril 2020

► Des déclarations homophobes constituent une discrimination en matière d’emploi et de travail lorsqu’elles sont prononcées par une personne qui a ou peut être perçue comme ayant une influence déterminante sur la politique de recrutement d’un employeur ;

Dans ce cas, le droit national peut prévoir qu’une association a le droit d’agir en justice pour obtenir réparation des dommages, même si aucune personne lésée n’est identifiable.

Telle est la solution apportée par la CJUE dans une décision du 23 avril 2020 (CJUE, 23 avril 2020, aff. C-507/18 N° Lexbase : A96063KY).

Dans les faits. Un avocat avait déclaré à la radio ne pas vouloir recruter ni faire travailler de personnes homosexuelles dans son cabinet. Une association de défense des droits des personnes LGBTI l’a attrait en justice en vue d’obtenir réparation. La Cour de cassation italienne a alors interrogé la CJUE à titre préjudiciel quant à, notamment, l’interprétation de la notion de « conditions d’accès à l’emploi […] ou au travail » au sens de la Directive 2000/78 (N° Lexbase : L3822AU4) dite « anti-discrimination ».

La motivation de la CJUE. Elle souligne d’abord que des déclarations suggérant l’existence d’une politique de recrutement homophobe relèvent bien de la notion de « conditions d’accès à l’emploi […] ou au travail », même si elles émanent d’une personne qui n’est pas juridiquement capable d’embaucher, pourvu qu’il existe un lien non hypothétique entre ces déclarations et la politique de recrutement de l’employeur.

Selon la Cour, l’existence d’un tel lien doit être appréciée par les juridictions nationales sur la base de l’ensemble des circonstances caractérisant lesdites déclarations.

Une limitation à l’exercice de la liberté d’expression ? La Cour estime que le fait que cette interprétation puisse entraîner une éventuelle limitation à l’exercice de la liberté d’expression ne la remet pas en cause. Elle rappelle que la liberté d’expression n’est pas un droit absolu et que son exercice peut comporter des limitations, à condition qu’elles :

  • soient prévues par la loi ;
  • respectent le contenu essentiel de ce droit ;
  • respectent le principe de proportionnalité.

En l’espèce, la Cour juge que les conditions sont remplies puisque :

  • les limitations résultent directement de la directive anti-discrimination ;
  • les limitations s’appliquent uniquement afin d’atteindre les objectifs de la directive;
  • l’ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les objectifs de la directive en interdisant uniquement les déclarations qui constituent une discrimination en matière d’emploi ou de travail ;
  • les limitations sont nécessaires pour garantir les droits en matière d’emploi et de travail dont disposent les personnes visées par cette Directive.

La qualité pour agir de l’association. La Cour a jugé que la Directive « anti-discrimination » ne s’oppose pas à la réglementation italienne qui reconnaît automatiquement la qualité pour agir en justice en vue de faire respecter les obligations découlant de la Directive et, le cas échéant, obtenir réparation, à une association d’avocats dont l’objet statutaire consiste à défendre en justice les personnes ayant une certaine orientation sexuelle et à promouvoir la culture et le respect des droits de cette catégorie de personnes, du fait de cet objet et indépendamment de son but lucratif éventuel, lorsque se produisent des faits susceptibles de constituer une discrimination, au sens de ladite Directive, à l’encontre de ladite catégorie de personnes et qu’une personne lésée n’est pas identifiable.

La Cour précise à cet égard que même si la directive n’impose pas la reconnaissance d’une telle qualité à une telle association lorsqu’aucune personne lésée n’est identifiable, elle prévoit la possibilité pour les Etats membres d’adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l’égalité de traitement que celles qu’elle contient. Il appartient aux Etats membres ayant opéré ce choix de décider à quelles conditions une association peut engager une procédure juridictionnelle visant à faire constater l’existence d’une discrimination et à la sanctionner. Il leur incombe notamment de :

  • déterminer si le but lucratif ou non de l’association doit exercer une influence sur l’appréciation de sa qualité pour agir en ce sens ;
  • préciser la portée d’une telle action, en particulier les sanctions susceptibles d’être prononcées à l’issue de cette dernière. Elle rappelle que de telles sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives, y compris lorsqu’aucune personne lésée n’est identifiable.

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