La lettre juridique n°821 du 23 avril 2020 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] TVA sur marge : le Conseil d’Etat confirme l’exigence d'une condition d'identité entre le bien acquis et le bien vendu

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 27 mars 2020, n° 428234, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A42573KU)

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[Brèves] TVA sur marge : le Conseil d’Etat confirme l’exigence d'une condition d'identité entre le bien acquis et le bien vendu. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57658508-breves-tva-sur-marge-le-conseil-detat-confirme-lexigence-dune-condition-didentite-entre-le-bien-acqu
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par Marie-Claire Sgarra

le 22 Avril 2020

Il résulte des dispositions de l’article 268 du Code général des impôts (N° Lexbase : L4910IQW), lues à la lumière de celles de la Directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition (Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 N° Lexbase : L7664HTZ), que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur.

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 27 mars 2020 (CE 8° et 3° ch.-r., 27 mars 2020, n° 428234, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A42573KU).

 

Les faits :

  • une société, qui exerce une activité de marchand de biens et de lotisseur, a procédé à la cession de sept parcelles situées sur le territoire de la commune de Gières, dont six terrains à bâtir, résultant de la division d'une parcelle unique sur laquelle était édifiée, à la date de l'acquisition, un immeuble d'habitation que la société a fait démolir préalablement à la division et à la vente. Elle a, dans les déclarations qu'elle a souscrites au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, estimé pouvoir faire application à ces opérations du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;
  • par actes des 17 janvier 2011 et 24 avril 2012, la société a cédé deux terrains à bâtir situés sur le territoire de la commune de Claix issus de la division d'un unique terrain à bâtir qu'elle avait acquis en 2009 sans que cette acquisition ne soit soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Les actes de vente relatifs à ces opérations mentionnaient une taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la totalité du prix de vente. Estimant toutefois que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était applicable à ces opérations, la société n'a reversé au Trésor que la fraction de la taxe mentionnée dans les actes qui correspondait à l'application du régime de la marge ;
  • la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge, procédant notamment, d'une part, de la remise en cause du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliqué à la cession des terrains à bâtir situés à Gières et, d'autre part, de la mise en recouvrement de la différence entre la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée dans les actes de cession des terrains à bâtir situés à Claix et celle qui avait été reversée au Trésor par la société.

 

Procédure : le tribunal administratif de Grenoble a fait droit aux conclusions en décharge de la société relative au premier de ces deux chefs de rectification mais a rejeté ses conclusions relatives au second. La cour administrative d'appel de Lyon a rejeté, d'une part, l'appel formé par la société contre le jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives aux opérations de cession des terrains situés à Claix et, d'autre part, l'appel incident formé par le ministre contre ce même jugement, en tant qu'il a accordé à la société la décharge des impositions relatives à la cession des terrains situés à Gières (CAA de Lyon, 20 décembre 2018, n° 17LY03359 N° Lexbase : A4734YS7).

Sur l’arrêt de la CAA de Lyon (CAA de Lyon, 20 décembre 2018, n° 17LY03359) : Lire en ce sens, Sabrina Le Normand-Caillère, TVA sur marge et cessions de terrains à bâtir, Lexbase Fiscal, 2019, n° 774 (N° Lexbase : N7872BXT).

 

Pour rappel, aux termes de l’article 268 du code général des impôts, « s'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir [...], si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain [...] ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ». L’application de la TVA sur marge est subordonnée à une condition unique : l’absence de droit à déduction lors de l’acquisition du bien.

L’administration fiscale avait ajouté à cette condition de non-déduction de la TVA d’amont, une condition d’identité entre l’acquisition et la revente des caractéristiques physiques et juridiques (BOI-TVA-IMM-10-20-10 N° Lexbase : X5340ALD). Ce raisonnement avait été appuyé par quatre réponses ministrielles (Rép. min. n° 94061 : JOAN 30 août 2018, p. 7769 N° Lexbase : L0979LAI ; rép. min. n° 91143 : JOAN 30 août 2016, p. 7769 N° Lexbase : L2184LA7 ; rép. min. n° 96679 : JOAN 20 septembre 2016, p. 8522 N° Lexbase : L2650LAE ; rép. min. n° 94538 : JOAN 20 septembre 2016, p. 8514 N° Lexbase : L2410LAI). Cette position, qui suscitait des difficultés d’application, a été partiellement abandonnée. Dans une réponse ministérielle en date du 17 mai 2018, le Gouvernement a décidé de n’imposer que le respect de la condition tenant à  l’identité juridique entre le bien acquis et le bien vendu (Rép. min. n° 04171 : JO Sénat 29 mars 2018, p. 1439 N° Lexbase : L2363LL4). Cette solution a été réitérée récemment (Rép. min. n° 1835 : JOAN 24 septembre 2019, p. 8300 N° Lexbase : L7384LTN).

Cette doctrine a été de nombreuses fois depuis contestée par la juridiction administrative : voir par exemple : CAA de Lyon, 25 juin 2019, n° 18LY00671 (N° Lexbase : A9341ZG3). Lire sur cet arrêt, Franck Laffaille, Régime de TVA sur la marge, Lexbase Fiscal, 2019, n° 796 (N° Lexbase : N0456BYK). Pour les juges, « la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession est sans incidence sur l’application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au sens de l’article 268 du Code général des impôts, dès lors que les terrains cédés correspondent à des terrains à bâtir ».

 

Solution en l’espèce : pour le Conseil d’Etat, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit « en jugeant qu'il résultait des dispositions des articles 268 du Code général des impôts et 392 de la Directive du 28 novembre 2006 que le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était subordonné à la seule condition que l'acquisition du bien cédé n'ait pas ouvert droit à déduction de la taxe et en jugeant sans incidence sur sa mise en oeuvre la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente ».  La modification des caractéristiques physiques et juridiques du bien fait obstacle à l’application de la TVA sur marge. Le Conseil d’Etat valide donc la position adoptée par la réponse ministérielle du 17 mai 2018.

 

Il résulte de cet arrêt du Conseil d’Etat que l’application du régime de TVA sur marge requiert les deux conditions cumulatives suivantes :

- une acquisition qui n’a pas ouvert droit à déduction ;

- une absence de modification des caractéristiques physiques et de la qualification du bien en cause entre son acquisition et sa vente.

 

 

 

 

 

 

 

 

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