La lettre juridique n°819 du 2 avril 2020 : Avocats/Honoraires

[Brèves] La voie de la tierce opposition est-elle ouverte contre la décision du Bâtonnier saisi d’une contestation d’honoraires ?

Réf. : Cass. civ. 2, 5 mars 2020, n° 18-24.430, FS-P+B+I (N° Lexbase : A04253H9)

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par Marie Le Guerroué

le 02 Avril 2020

► Il résulte des articles 174 et 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), qui réservent l’action en contestation d’honoraires d’avocats à ces derniers et à leurs clients, et de l’article 66-5, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), qui prévoit que les relations entre l’avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel, que, conformément aux prévisions des articles 582 (N° Lexbase : L6739H7Q) et 583 (N° Lexbase : L6740H7R) du Code de procédure civile, la voie de la tierce opposition, qui tend non seulement à faire rétracter le jugement attaqué, mais également à le réformer, n’est pas ouverte contre la décision du Bâtonnier saisi d’une contestation d’honoraires.

Telle est la précision apportée par la Haute juridiction dans un arrêt du 5 mars 2020 (Cass. civ. 2, 5 mars 2020, n° 18-24.430, FS-P+B+I N° Lexbase : A04253H9).

Procédure. Deux banques avaient consenti à diverses sociétés de promotion immobilière des prêts destinés à financer l’achat de biens immobiliers. A la suite de l’annulation des contrats de vente, les notaires instrumentaires avaient été condamnés à indemniser les sociétés de promotion immobilière, lesquelles avaient été condamnées à reverser aux banques les sommes que les notaires étaient tenus de leur régler, à concurrence du capital prêté restant dû. L’avocat des sociétés de promotion immobilière avait fait pratiquer diverses saisies-attributions entre les mains des notaires, débiteurs de dommages-intérêts envers ses clientes, pour paiement des honoraires que lui devaient celles-ci, notamment en vertu de reconnaissances de dette notariées. Le tribunal de grande instance, statuant sur l’action paulienne, notamment d’une des banques, lui avait déclaré inopposables les reconnaissances de dettes émises par les sociétés de promotion immobilière au profit de l’avocat. Entre-temps, le Bâtonnier de l’Ordre, saisi par l’avocat, avait, entre autres dispositions, fixé à la somme de 1 731 310,20 euros HT le montant total des honoraires dus à l’avocat par les sociétés de promotion immobilière. Les deux banques et les notaires avaient formé tierce opposition à la décision du Bâtonnier. Ce dernier les avait déclarés irrecevables. Une des banques et les notaires avaient formé un recours contre cette décision.

Ordonnance (oui). Pour déclarer recevable la tierce opposition formée par l’une des banques, l’ordonnance retenait que le décret du 27 novembre 1991 ne prévoit pas que la décision du Bâtonnier est susceptible de tierce opposition. Elle ne l’interdit pas non plus. En particulier, le fait que l’article 176 du décret ne prévoit qu’un recours devant le premier président de la cour d’appel ne saurait suffire à démontrer que la tierce opposition est exclue, dès lors que l’article 277 dispose qu’il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret. Le Bâtonnier tranche un litige entre l’avocat et son client en faisant application de règles de droit, après que chacun d’eux a pu faire valoir ses arguments dans le cadre d’une procédure organisée et contradictoire, et ce en rendant une décision susceptible d’un recours devant un magistrat de l’ordre judiciaire. Certes, il n’a pas le pouvoir d’ordonner l’exécution provisoire de sa décision, néanmoins la loi prévoit qu’elle peut être rendue exécutoire par le président du tribunal de grande instance si elle n’est pas frappée de recours. Il se déduit de ces divers éléments que le Bâtonnier rend un jugement au sens de l’article 585 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6742H7T). Les termes de « juridiction », « juge » ou « magistrat » utilisés par les textes relatifs à la tierce opposition ne démontrent pas que la tierce opposition est impossible en la matière.

Réponse de la Cour (non). Les dispositions du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 réservent l’action en contestation en matière d’honoraires d’avocats à ces derniers et à leurs clients. Selon l’article 66-5, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les relations entre l’avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel. Pour la Cour, il s’ensuit qu’en cette matière, la voie de la tierce opposition, qui tend non seulement à faire rétracter le jugement attaqué, mais également à le réformer, n’est pas ouverte contre la décision du Bâtonnier saisi de la contestation. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés. La Cour censure donc l’ordonnance précédemment rendue par le premier président de la cour d’appel de Paris et déclare irrecevable la tierce opposition formée par l’une des banques contre la décision du Bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Paris (cf. l’Ouvrage « La profession d’avocat » N° Lexbase : E2704E4W).

 

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