La lettre juridique n°819 du 2 avril 2020 : Responsabilité

[Brèves] Modalités d’évaluation des pertes de gains professionnels actuels et futurs résultant d’un accident de la circulation permettant la détermination de l’assiette du recours subrogatoire des tiers payeurs

Réf. : Cass. crim., 17 mars 2020, n° 19-81.332, F-P+B+I (N° Lexbase : A48633KC)

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[Brèves] Modalités d’évaluation des pertes de gains professionnels actuels et futurs résultant d’un accident de la circulation permettant la détermination de l’assiette du recours subrogatoire des tiers payeurs. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57569826-breves-modalites-devaluation-des-pertes-de-gains-professionnels-actuels-et-futurs-resultant-dun-acci
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par Manon Rouanne

le 01 Avril 2020

► Dans le cadre de la détermination de l’assiette du recours des tiers payeurs, subrogés dans le droit d’action de la victime d’un accident de la circulation et exerçant, dès lors, contre le responsable, une action subrogatoire pour obtenir remboursement des sommes versées à la victime en réparation des préjudices résultant de l’accident, l’évaluation du montant alloué en réparation des pertes de gains professionnels actuels (ci-après PGPA) et futurs (ci-après PGPF), d’une part, ne doit pas se fonder sur le salaire de la victime après impôts dans la mesure où les dispositions relatives aux impôts sur le revenu sont sans incidence sur les obligations du responsable d’un dommage corporel et sur le droit à réparation de la victime et, d’autre part, doit prendre en compte les intérêts au taux légal à compter de la demande en paiement et non à compter du prononcé de la décision car la créance du tiers payeur n’est pas indemnitaire mais porte sur le paiement d’une somme d’argent et produit, ainsi, intérêt au jour de la demande.

Telles sont les précisions apportées, dans le cadre de la détermination de l’assiette du recours subrogatoire des tiers payeurs ayant indemnisé la victime, quant aux modalités d’évaluation de la somme allouée en réparation des préjudices subis, par la Chambre criminelle de la Cour de cassation statuant sur les intérêts civils dans un arrêt en date du 17 mars 2020 (Cass. crim., 17 mars 2020, n° 19-81.332, F-P+B+I N° Lexbase : A48633KC).

Dans cette affaire, la caisse nationale suisse d’assurances en cas d’accident (ci-après CNA-Suva) ainsi que l’assureur de la victime d’un accident de la circulation ont indemnisé celle-ci des préjudices en résultant et, subrogés dans les droits de la victime, se sont, ensuite, pour obtenir remboursement des sommes ainsi versées, retournés contre le responsable de l’accident déclaré coupable de blessures involontaires aggravées ayant entraîné une incapacité temporaire de travail inférieure à trois mois.

Statuant sur les intérêts civils, la cour d’appel, pour déterminer l’assiette du recours subrogatoire de la CNA-Suva, s’est, dans l’évaluation du montant alloué au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs qui devra être remboursé, à cette dernière, par le responsable, fondée sur le salaire de la victime après impôts et a intégré, à ce montant, les intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision.

Contestant les modalités d’évaluation, par les juges du fond, des préjudices consistant dans les pertes de gains professionnels actuels et futurs résultant de l’accident de la circulation subi par la victime, permettant de déterminer le montant de la créance détenue par les tiers payeurs à l’encontre du responsable et dont ils demandent le recouvrement par subrogation dans le droit d'action de la victime, ces derniers ont formé un pourvoi en cassation.

Comme moyens au pourvoi, les demandeurs ont, dans un premier temps, allégué la violation, par la juridiction de second degré, du principe de la réparation intégrale du dommage sans perte ni profit pour la victime en se basant, pour déterminer le montant correspondant à l’indemnisation des PGPA et PGPF, sur le salaire net après impôt de la victime alors que les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l’indemnisation de la victime. Dans un second temps, les tiers payeurs ont contesté, devant la Cour de cassation, le fait, pour les juges du fond, d’avoir condamné le responsable de l’accident à leur rembourser une somme correspondant à l’indemnisation des PGPA et PGPF subies par la victime avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, alors que la créance du tiers payeur, qui est poursuivie par subrogation dans le droit d’action de la victime, ne présente pas un caractère indemnitaire et se borne au paiement d’une somme d’argent, de sorte qu’elle produit intérêts au jour de la demande en paiement et non au jour du jugement.

Apportant des précisions quant aux modalités d’évaluation des PGPA et PGPF résultant d’un dommage corporel, la Cour de cassation rejoint les demandeurs au pourvoi quant aux éléments à prendre en compte pour évaluer ces préjudices et, ainsi, définir l’assiette du recours subrogatoire des tiers payeurs et casse l’arrêt rendu par la cour d’appel.

A l’instar des demandeurs au pourvoi, la Haute juridiction affirme d’une part, que les dispositions relatives aux impôts sur le revenu sont sans incidence sur les obligations du responsable d'un dommage corporel et sur le droit à réparation de la victime et, d’autre part, que la créance du tiers payeur, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime, n'est pas indemnitaire, mais porte sur le paiement d'une somme d'argent et produit intérêts au jour de la demande pour en déduire que l’évaluation de la somme correspondant à la réparation des PGPA et PGPF qui devra être remboursée, par le responsable de l’accident, aux tiers payeurs subrogés dans les droits de la victime, ne doit pas se fonder sur les salaires de la victime après impôts et doit intégrer les intérêts au taux légal non pas à compter du jugement mais à compter de la demande en paiement formée par les tiers payeurs.

 

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