Le Quotidien du 2 mars 2020 : Peines

[Brèves] Conditions de la réhabilitation judiciaire : conformité à la Constitution de l’impossible réhabilitation d’un condamné à mort

Réf. : Cons. const., décision n° 2019-827 QPC, du 28 février 2020 (N° Lexbase : A63653GT)

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[Brèves] Conditions de la réhabilitation judiciaire : conformité à la Constitution de l’impossible réhabilitation d’un condamné à mort. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/56917510-0
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par June Perot

le 18 Mars 2020

► Le Conseil constitutionnel a déclaré les mots « de cinq ans pour les condamnés à une peine criminelle » figurant au premier alinéa de l'article 786 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3407IQA), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (N° Lexbase : L2893IQ9), conformes à la Constitution ;

Il retient notamment qu’en imposant le respect d'un délai d'épreuve de cinq ans après l'exécution de la peine, le législateur a entendu subordonner le bénéfice de la réhabilitation à la conduite adoptée par le condamné une fois qu'il n'était plus soumis aux rigueurs de la peine prononcée à son encontre.

Telle est la position adoptée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 février 2020 (Cons. const., décision n° 2019-827 QPC, du 28 février 2020 N° Lexbase : A63653GT).

La question prioritaire de constitutionnalité portait sur le premier alinéa de l'article 785 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4247AZC) dans sa rédaction résultant de la loi du 16 décembre 1992 (N° Lexbase : L9786IE8) et du premier alinéa de l'article 786 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 17 mai 2011. Le requérant faisait valoir que, en conditionnant la recevabilité d'une demande en réhabilitation judiciaire au respect d'un délai d'épreuve de cinq ans à compter de l'expiration de la sanction subie, ces dispositions priveraient les proches d'une personne condamnée à la peine de mort, dont la peine a été exécutée, de la possibilité de former en son nom une telle demande dans l'année de son décès. Il soutenait que cette différence de traitement entre les personnes condamnées à mort, dont la peine a été exécutée, et celles condamnées à d'autres peines criminelles, ou qui ont été graciées par le président de la République, méconnaîtrait les principes d'égalité devant la loi et devant la justice. Il en résulterait également, selon le requérant, une méconnaissance du principe de proportionnalité des peines.

Sur le principe d’égalité devant la loi et la justice

Le Conseil retient qu’en imposant le respect d'un délai d'épreuve de cinq ans après l'exécution de la peine, le législateur a entendu subordonner le bénéfice de la réhabilitation à la conduite adoptée par le condamné une fois qu'il n'était plus soumis aux rigueurs de la peine prononcée à son encontre. À cet égard, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que la réhabilitation judiciaire ne peut être accordée qu'aux personnes qui, après avoir été condamnées et avoir subi leur peine, se sont rendues dignes, par les gages d'amendement qu'elles ont donnés pendant le délai d'épreuve, d'être replacées dans l'intégrité de leur état ancien. Dès lors, les personnes condamnées à la peine de mort et exécutées se trouvaient dans l'impossibilité de remplir les conditions prévues par la loi. Ainsi, la différence de traitement qui résulte des dispositions contestées repose sur une différence de situation et est en rapport direct avec l'objet de la loi.

Fait original, le Conseil énonce que le législateur serait fondé à instituer une procédure judiciaire, ouverte aux ayants droit d'une personne condamnée à la peine de mort dont la peine a été exécutée, tendant au rétablissement de son honneur à raison des gages d'amendement qu'elle a pu fournir. Il rappelle en effet qu’après l'abolition de la peine de mort par la loi du 9 octobre 1981 (N° Lexbase : L7253IED), le constituant a, par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 (N° Lexbase : L4655HUX), introduit dans la Constitution l'article 66-1 (N° Lexbase : L5161IBR) aux termes duquel « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ».

Notons que par un arrêt du 7 janvier 2020, la Chambre criminelle a retenu qu’il se déduit des articles 785 (N° Lexbase : L4247AZC) à 793 du Code de procédure pénale qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'une demande en réhabilitation judiciaire qui répond aux conditions requises par les articles 786 (N° Lexbase : L3407IQA) à 789, d'apprécier, au regard de la nature et de la gravité de l'ensemble des condamnations concernées par la demande, si le comportement du requérant pendant le délai d'épreuve doit conduire au prononcé de la mesure sollicitée afin de permettre l'effacement de condamnations dont le maintien ne serait plus nécessaire et proportionné (Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-80.839, F-P+B+I N° Lexbase : A5583Z9N).

L’exigence d’une bonne conduite. Lorsqu’il souhaite obtenir une réhabilitation, le requérant doit faire montre d’une bonne conduite depuis sa condamnation et, notamment, n’avoir subi aucune condamnation de nature criminelle ou correctionnelle dans le délai d’épreuve. Cette exigence de bonne conduite justifie la réduction de ce délai par rapport à celui imposé dans le cadre de la réhabilitation légale pour l’obtention de laquelle l’écoulement du délai suffit pour qu’elle soit acquise. Dans l’appréciation de cette conduite, la chambre de l’instruction est tenue d’apprécier le comportement du demandeur. Cette appréciation, dès lors qu'elle n'est ni sans contradiction ni insuffisante, échappe au contrôle de la Cour de cassation (Cass. crim., 6 novembre 1947, Bull. crim. 1947, n° 217). Selon la Cour de cassation, les juges doivent s'attacher aux gages d'amendement donnés par le condamné, et ne sauraient se borner à rejeter la demande en se fondant sur la gravité des faits ayant entraîné la condamnation (Cass. crim., 11 décembre 1952, Bull. crim. 1952, n° 302 ; Cass. crim., 12 février 1963, n° 62-90.725, publié au bulletin N° Lexbase : A1194CHP ; Cass. crim., 16 octobre 1974, n° 73-91.238, publié au bulletin N° Lexbase : A7600CHX ; Cass. crim., 10 décembre 1975, n° 74-91.203, publié au bulletin N° Lexbase : A9741CGU).

Sur le principe de proportionnalité des peines

Sur ce point, le Conseil retient que le fait que les ayants droit d'un condamné à mort dont la peine a été exécutée ne puissent engager une action en réhabilitation en son nom ne méconnaît pas le principe de proportionnalité des peines.

Pour aller plus loin :

cf. l’Ouvrage « Droit pénal général » (dir. J.-B. Perrier), ETUDE : L'extinction des peines et l'effacement des condamnations, La réhabilitation, C. Tzutzuiano (N° Lexbase : E1787GAG).

 

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