Réf. : CE réf.., 24 janvier 2020, n° 437328 (N° Lexbase : A83163CY)
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N2066BY8
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par Laïla Bedja
le 29 Janvier 2020
► En principe, la conservation d’embryons ne peut être autorisée en France qu’en vue de la réalisation d’une assistance médicale à la procréation entrant dans les prévisions légales du Code de la santé publique et qu’il n’est pas possible de recourir à l’assistance médicale à la procréation à l’aide des embryons conservés par un couple dont l’homme est décédé ; de plus, les déplacements d’embryons sont exclusivement destinés à permettre la poursuite du projet parental du couple et sont soumis à l’autorisation de l’Agence de la biomédecine ; ainsi, l’interdiction posée par l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7144IQN) de procéder, en cas de décès du mari, à un transfert d’embryon au profit de sa veuve, relève de la marge d’appréciation dont chaque Etat dispose pour l’application de la CESDH et elle ne porte pas, par elle-même, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu’il est garanti par les stipulations de l’article 8 de cette convention (N° Lexbase : L4798AQR), ni au droit de propriété en l’absence de droit patrimonial sur le corps humain, ses éléments et ses produits ; il en est de même concernant l’interdiction de déplacement vers l’étranger d’embryons conservés en France pour un usage qui méconnaîtrait les principes bioéthiques de la loi française (CSP, art. L. 2141-9 N° Lexbase : L9036GTT).
Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans son ordonnance de référé datée du 24 janvier 2020 (CE réf., 24 janvier 2020, n° 437328 N° Lexbase : A83163CY)
Les faits. Des époux ont fait procéder, en 2018, à la conservation d’embryons conçus à partir de leurs gamètes. A la suite du décès du mari, son épouse a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, d’une part, d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision du 22 août 2019, par laquelle le centre hospitalier universitaire de Brest a refusé de prendre les mesures permettant un transfert d’embryons post-mortem et, d’autre part, d’enjoindre au directeur du centre hospitalier universitaire de Brest de prendre, dans un délai de sept jours à compter de la notification de la présente ordonnance, toutes mesures utiles pour permettre le déplacement de ses embryons vers le centre de reproduction assistée de l’hôpital de Barcelone en Espagne. Ce juge ayant rejeté sa requête, la veuve décida alors de porter sa requête devant le Conseil d’Etat.
Solution. Enonçant la solution précitée, le Conseil d’Etat rejette la requête.
Remarque. La prohibition de l’insémination post-mortem n’est pas surprenante et la jurisprudence était déjà venue confirmer cette prohibition. En effet, la finalité de l’assistance médicale à la procréation étant de donner naissance à un enfant au sein d’une famille constituée, le recours à celle-ci ne peut être autorisé en cas de décès brutal du mari avant implantation des embryons (Cass. civ. 1, 9 janvier 1996, n° 94-15.998 N° Lexbase : A9900ABB).
La présente décision entre, en revanche, en contraste avec celle du Conseil d’Etat prise en assemblée le 31 mai 2016 qui avait autorisé l’exportation de gamètes en vue d’une insémination post-mortem en Espagne (CE Ass., 31 mai 2016, n° 396848 N° Lexbase : A2628RRR et le comm. de P. Tifine N° Lexbase : N3293BWU)
Enfin, il convient d’ajouter que le projet de loi « Bioétique », actuellement en cours de discussion, rappelle que la dissolution du couple fait obstacle au transfert de l'embryon ainsi qu'à l'insémination. La porte du transfert post-mortem d'embryons n'est donc pas ouverte (cf. l’Ouvrage « Droit médical », Les règles générales encadrant le recours à une AMP N° Lexbase : E9883EQ4).
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