La lettre juridique n°803 du 21 novembre 2019 : Avocats

[Focus] L’avocat en entreprise : boîte de Pandore ou cheval de Troie ?

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par Rodolphe Bigot, Maître de conférences en droit privé, Université de Picardie Jules Verne, UFR de Droit et Science politique, CEPRISCA - EA 391 et Yves Avril, Docteur en droit, Avocat honoraire, ancien Bâtonnier

le 21 Novembre 2019


Mots-clefs : Rapport "Gauvain" • Avocats en entreprise • Réforme


 

D’aucuns aimeraient ouvrir une nouvelle boîte de Pandore, celle de l’avocat en entreprise, en lui interdisant, dans un premier temps du moins, de pouvoir plaider. Cette stratégie de réforme en plusieurs coups est bien connue, elle ne serait alors qu’un cheval de Troie. Du moins se rendrait-on compte trop tardivement que ces réformateurs jouaient aux apprentis sorciers. A n’en pas douter, d’importants lobbyings sont à l’œuvre. Parmi les grands spécialistes du procès, de grandes entreprises, des sociétés d’assurances et des établissements bancaires entendent de longue date pénétrer le marché du droit, le capter et se dispenser corrélativement du recours aux avocats pour la rédaction d’actes et la représentation de leurs intérêts en justice. Les dangers d’un tel projet sont enfouis dans le discours dominant. Les avantages sublimés. Et ces acteurs n’ont aucune difficulté à se trouver des serviteurs.

A la demande du Premier ministre, un rapport a été établi par Raphaël Gauvain, député de Saône-et-Loire, Claire d’Urso, inspectrice de la Justice et Alain Damais, inspecteur des Finances. Intitulé de manière prometteuse et ambitieuse «Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale», le rapport a été remis le 26 juin 2019. Pareil titre ne peut mettre que tout le monde d’accord.

On pourra observer que le sujet fait actuellement beaucoup de bruit. Les revues juridiques l’évoquent à l’envi, des colloques y sont consacrés au point que l’on se demande s’il n’est pas utile de rappeler cet aphorisme de Saint François de Sales, «le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit».

Les arguments parfois déployés vont jusqu’à laisser poindre, pour ceux qui ne seraient pas convaincus par l’avocat en entreprise, une perte de clientèle, c’est-à-dire à terme des difficultés financières pour les cabinets [1].

Au titre des offensives destinées à faire passer un projet de loi sur l’avocat en entreprise, d’aucuns déclarent, comme Madame Lavorel, directrice juridique internationale de Broadcom, présidente du Cercle Montesquieu, que «Les grandes directions juridiques internationales sont réticentes à venir s’installer en France puisque le directeur juridique ne peut pas donner des avis de manière confidentielle. Pour le marché du droit, il serait plus profitable que les juristes d’entreprise puissent se prévaloir du legal privilege. Dans le contexte du Brexit, cela favoriserait l’implantation d’entreprises. Le statut d’avocat en entreprise ne sert pas le combat des directeurs juridiques, c’est un combat de Place, un sujet d’intérêt général» [2]. Or, on ne voit pas en quoi le legal privilege implique nécessairement la création du statut d’avocat en entreprise.

D’autres n’hésitent pas à affirmer que «le droit est un outil, et non une fin. Il vient au service d’une stratégie de croissance» [3], avant de conclure, sous un titre digne d’une réclame pour lessive -«Demain, plus forts encore»- : «Faisons un pari sur l’avenir. Dans moins de 5 ans, les avocats exerceront librement en entreprise. D’ici 10 ans ils auront fusionné avec les notaires et cinq ans plus tard avec les experts-comptables. Une grande profession de conseil et de la défense sera née» [4]. Encore une fois, rien n’est dit ici du passage obligé du legal privilege au statut d’avocat en entreprise. Dans la foulée, pourquoi ne pas tout faire d’un seul coup ? L’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation en entreprise, le notaire en entreprise, l’huissier de justice en entreprise, l’expert-comptable en entreprise, le commissaire aux comptes en entreprise, l’administrateur judiciaire en entreprise, etc. ?

Les arguments contenus dans le rapport «Gauvain» sont également des raccourcis qui auraient mérité d’être approfondis. Il est exact que ces dernières années des banques françaises ont été lourdement condamnées aux Etats-Unis. La première qui ait dû payer une amende de plusieurs milliards de dollars s’est exécutée en 2014. Il lui était reproché de ne pas avoir respecté les exigences d’un embargo, notamment à l’égard de l’Iran. En 2018, cette même entreprise devait payer plusieurs dizaines de millions de dollars pour avoir tenté de manipuler un indice de référence sur le marché des taux d’intérêt. Toutefois, il n’est pas besoin d’aller Outre-Atlantique pour que cette même banque soit condamnée en 2017 à une lourde amende à la suite d’une entente sur le traitement des chèques. On notera du reste qu’elle n’était pas seule dans le prétoire [5]. Il s’agissait d’une entente entre banques sur le traitement des chèques. On aimerait savoir en quoi la création de l’avocat de l’entreprise en France aurait permis d’échapper à ces condamnations, effectivement pénalisantes dans le bilan.

Dès lors, il convient de s’immerger dans le contenu du projet pour en apprécier la portée, en trompe-l’œil (I). Par suite de son examen, on s’interroge quant au cheval de Troie qu’élaborent les recommandations d’un tel rapport (II).

I - Un projet en trompe-l’œil

Le projet de création du statut d’avocat en entreprise est en trompe-l’œil, il détourne le regard en se focalisant sur des craintes et en attisant la peur, par l’instrumentalisation de la vulnérabilité des avis juridiques des juristes d’entreprises (A) puis par celle du risque de délocalisation des directions juridiques (B). Mais il faut bien appréhender qu’en réalité, si un tel projet se déployait, c’est le statut de la profession d’avocat qui deviendrait vulnérable, au point de pouvoir être majoritairement capté, à moyen terme, par les grandes sociétés. Cela ressemble donc fortement aux maux libérés qui étaient enfermés dans la boîte de Pandore.

A - L’instrumentalisation de la vulnérabilité des avis juridiques des juristes d’entreprises

Pleins phares sur la mesure phare. La mesure phare du rapport «Gauvain» consiste à admettre l’avocat en entreprise et permettre la confidentialité des avis de ces juristes [6].

Dans une synthèse «introductive», signe précurseur d’une méthode tronquée, il est affirmé que «Les Etats-Unis d’Amérique ont entraîné le monde dans l’ère du protectionnisme judiciaire. Alors que la règle de droit a, de tout temps, servi d’instrument de régulation, elle est devenue aujourd’hui une arme de destruction dans la guerre économique que mènent les Etats-Unis contre le reste du monde, y compris contre leurs alliés traditionnels en Europe. Les six mois d’investigations et d’auditions réalisées par la mission ont permis de dresser un constat largement partagé par les interlocuteurs rencontrés : les entreprises françaises ne disposent pas aujourd’hui des outils juridiques efficaces pour se défendre contre les actions judiciaires extraterritoriales engagées à leur encontre, que ce soit par des concurrents ou par des autorités étrangères. Elles sont dans une situation de très grande vulnérabilité, les autorités françaises donnant depuis de longues années le sentiment de la passivité et l’impression d’avoir renoncé. Depuis la fin des années 90, on a assisté à une prolifération de lois à portée extraterritoriale, essentiellement d’origine américaine, permettant aux autorités de la première puissance mondiale d’enquêter, de poursuivre et de condamner, sur des fondements divers (corruption, blanchiment d’argent, sanctions internationales, etc.), les pratiques commerciales d’entreprises ou d’individus du monde entier. Ces lois se sont ajoutées à des procédures civiles et pénales internes très intrusives («discovery») ou exerçant une forte pression sur les personnes mises en cause (transactions pénales) qui permettaient déjà d’obtenir hors de tout mécanisme d’entraide, et donc hors de tout contrôle des autorités françaises, une quantité importante de données relatives à nos entreprises» [7].

A ce titre, selon le rapport, le bilan des vingt dernières années serait édifiant : «plusieurs dizaines de milliards de dollars d’amendes ont été réclamées à des entreprises françaises, européennes, sud-américaines et asiatiques, au motif que leurs pratiques commerciales, leurs clients ou certains de leurs paiements ne respectaient pas le droit américain, alors même qu’aucune de ces pratiques n’avait de lien direct avec le territoire des Etats-Unis et/ou que ces entreprises se conformaient au droit de leur pays (s’agissant des sanctions internationales). Les exemples sont légions et ont fait les titres de la presse internationale : «BNP Paribas», «HSBC», «Commerzbank, Crédit Agricole», «Standard Chartered», «ING», «Bank of Tokyo», «Royal Bank of Scotland», «Siemens», «Alstom», «Télia», «BAE», «Total», «Crédit Suisse» et demain, peut-être, «Airbus», «Areva», etc. […]. Les sanctions prononcées sont disproportionnées et menacent la pérennité des sociétés étrangères visées, et semblent avoir pour but premier de les fragiliser dans la compétition internationale» [8].

Il existerait une vulnérabilité en matière civile et pénale, «fortement aggravée, en France, par l’absence de protection de la confidentialité des avis juridiques des juristes d’entreprises. Les entreprises évoluent dans un monde économique globalisé, dans lequel elles ont un besoin croissant d’avis juridiques pour les opérations qu’elles réalisent quotidiennement […]. Ce besoin croissant d’avis juridiques pose la question de leur confidentialité et de leur protection vis-à-vis des tiers, des concurrents comme des autorités. A cet égard, la France connaît une situation singulière en Europe et au sein des pays membres de l’OCDE en général : elle est un des rares pays à ne pas protéger du tout la confidentialité des avis juridiques émis par des juristes en entreprise, que ces juristes soient d’anciens avocats devenus salariés et qui se sont omis du barreau, ou des juristes en entreprise, diplômés en droit n’ayant jamais accéder au barreau ni exercé la profession d’avocat. C’est ainsi que : les juristes d’entreprise français sont soumis au secret professionnel, mais leurs avis juridiques ne sont pas protégés ; au sein des grandes puissances économiques, la France est aujourd’hui un des seuls pays où les avis juridiques des juristes en entreprise ne sont pas protégés ; en outre, en France, le secret professionnel des avocats n’est plus général et absolu, ce qui y affaiblit d’autant plus la protection des avis juridiques ; au total, les entreprises françaises se retrouvent dans une situation de grande vulnérabilité à l’égard des procédures administratives et judiciaires extraterritoriales» [9].  

Selon le rapport, «actuellement, les juristes d’entreprise sont dans une situation de grande vulnérabilité face aux demandes d’informations ou de pièces provenant de parties étrangères (au civil) ou d’autorités étrangères (enquêtes administratives/pénales) qui mettraient en œuvre des lois à portée extraterritoriale. Les avis juridiques qu’ils produisent ne bénéficient d’aucune protection en France et ne se voient donc accorder aucune protection par les autorités étrangères dans les procédures américaines» [10].

En définitive, les juristes d’entreprise français se retrouveraient «dans une situation paradoxale, dans laquelle ils sont contraints de respecter le secret professionnel au même titre que les avocats alors même que les avis juridiques qu’ils rédigent ne bénéficient pas de la protection du secret professionnel, contrairement à ceux des avocats» [11]. Mais ne convient-il pas de comparer des choses comparables ?  

Comparaison n’est pas raison. Le rapprochement avec les autres six autres membres du G7 est fait, sans prise en compte, naturellement, de l’équilibre propre à chaque système juridique. De la sorte, il est avancé qu’ « au sein des grandes puissances économiques, la France est aujourd’hui un des seuls et rares pays où les avis juridiques des juristes en entreprise ne sont pas protégés. L’absence de protection de la confidentialité des avis juridiques contraste fortement avec le droit qui prévaut chez la quasi-totalité de nos principaux partenaires économiques. La mission s’est focalisée sur les principales puissances économiques, partenaires les plus importants de la France : les six autres pays membres du G7, auxquels on a ajouté l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique et l’Afrique du Sud. Dans la plupart de ces pays, les avis juridiques en entreprise sont protégés par une forme de confidentialité opposable à l’ensemble des autorités administratives et judiciaires, à commencer par les Etats-Unis et le Royaume-Uni ainsi que tous les autres pays anglo-saxons de «Common Law» ou de culture juridique proche (notamment l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada, Hong Kong, la Nouvelle-Zélande, Singapour et beaucoup d’autres encore dans les Caraïbes, dans l’Océan indien et dans le Pacifique). Dans les pays de «Common Law», il n’existe aucune distinction entre avocats en cabinet et avocats en entreprise, tous étant protégés de la même façon par le «legal privilege» dans ces deux dimensions («attorney-client privilege» et «work-product privilege») pour l’ensemble de leurs avis et consultations juridiques communiqués à leurs clients (clients externes pour un avocat en cabinet, clients internes à l’entreprise pour les «in-house lawyer») : les avis juridiques des «in-house lawyers» sont protégés de toute saisie et diffusion dans des procédures pénales, administratives et civiles, comme ceux des avocats externes» [12].

De même, au-delà des pays de «Common Law», de nombreux autres pays développés, de culture et traditions juridiques différentes, y compris des pays européens de culture juridique de droit civil, auraient «progressivement adapté ou modifié leur droit de façon à assurer à leurs juristes d’entreprise des conditions de travail leur permettant d’exercer leurs compétences dans un environnement sécurisé, en protégeant la confidentialité des avis juridiques en entreprise. Ce faisant, ils leur ont également permis de bénéficier de conditions équivalentes à celles de leurs concurrents dans le monde anglo-saxon, ou, à tout le moins s’en rapprochant» [13].

Il est encore dit qu’ «En Europe, ce fut notamment le cas de l’Espagne, de l’Italie, des Pays-Bas, où un statut d’avocat en entreprise a été aménagé et où la confidentialité des avis juridiques des avocats en entreprise a été protégée. En Belgique, une profession spécifique de juriste d’entreprise a été créée : les juristes d’entreprise belges disposent d’une protection totale de la confidentialité de leurs avis juridiques, au civil, dans les procédures administratives et dans les enquêtes pénales. Seule l’Allemagne n’a pas conféré une protection complète à la confidentialité des avis juridiques des avocats en entreprise, en dépit d’une loi récente (2015) qui n’a pas traité le problème dans son entièreté. Dans l’Union européenne, seul le domaine du droit de la concurrence échappe à la protection des avis juridiques des juristes ou avocats en entreprise : par son arrêt du 14 septembre 2010, n° C- 550/07, ‘Akzo Nobel Chemicals Ltd c/ Commission européenne[14], la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a décidé que dans le domaine du droit européen de la concurrence les échanges au sein d’une entreprise avec un avocat interne ne bénéficient pas de la confidentialité des communications entre un avocat et son client. Hors d’Europe également, de nombreux pays se sont mis au niveau des Etats-Unis en conférant une protection à la confidentialité des avis juridiques des avocats en entreprise : c’est le cas, notamment, au Japon où les règles de confidentialité applicables aux avocats exerçant en cabinet sont également applicables aux avocats exerçant en entreprise» [15].

Les auteurs du rapport concluent qu’« Au total, les juristes d’entreprise français ne disposent pas des mêmes armes que leurs homologues dans d’autres pays. Ils se retrouvent dans une situation très défavorable dans laquelle leurs avis juridiques ne bénéficient d’aucune protection, alors que les avis émis par la quasi-totalité de leurs homologues à l’étranger (qu’ils soient avocats en entreprise ou juristes d’entreprise) sont protégés par des règles de confidentialité strictes, applicables tant dans les procédures civiles, qu’administratives et pénales »[16].

L’approche scientifique et objectivée. Cependant, la doctrine la plus autorisée, représentée par le professeur G’Sell, a pu remarquablement démontrer toute la relativité à apporter à ces comparaisons, qui s’avèrent décevantes en réalité. A ce titre, Madame G’Sell a achevé son étude portant sur les difficultés d’application de l’attorney client privilege américain aux juristes internes en France en affirmant que «la protection conférée aux communications avec l’avocat in-house est fréquemment relativisée au regard du privilège dont jouit l’avocat externe, pour qui la confidentialité est toujours présumée. De quoi faire réfléchir les juristes français à l’heure de s’interroger sur une nouvelle législation» [17].

Un haut dignitaire de la profession d’avocat temporise également le projet «Gauvain», affirmant que «l’avocat en entreprise n’est pas inéluctable» car «si on crée des avocats salariés d’un tiers, on va créer une sous-catégorie d’avocats et une sous-catégorie de secret professionnel dans la mesure où certains juges estiment que le secret professionnel est étendu dans le cadre de la défense des droits fondamentaux mais pas pour la défense des droits patrimoniaux et de droits privés comme ceux des entreprises» [18].

B - L’instrumentalisation du risque de délocalisation

Un chantage à demi-mot de délocalisation lié à la vulnérabilité des avis juridiques. Le rapport «Gauvain» affirme qu’«en France, le secret professionnel des avocats n’est plus ‘général et absolu’, ce qui y affaiblit d’autant plus la protection des avis juridiques Dernier aspect de la vulnérabilité des entreprises françaises sur ce sujet, la protection offerte par le secret professionnel, supposé à tort être «générale et absolue», est en réalité assez limitée en ce qui concerne les avis juridiques des avocats. Si les avis juridiques des avocats en cabinet demeurent protégés à ce jour dans le cadre des procédures civiles, cette protection, en revanche, a été à plusieurs reprises entamée par la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. […] Ces jurisprudences contra legem de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (en contradiction avec la jurisprudence de la chambre civile de la même Cour) ont de fait considérablement affaibli le secret professionnel des avocats en France. On peut d’ailleurs s’interroger sur la compatibilité de ces jurisprudences avec l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH) (N° Lexbase : L4798AQR), et le dernier arrêt de Cour condamnant la France pour violation du secret professionnel de l’avocat: «le contenu des documents interceptés par le policier importe peu dès lors que, quelle qu’en soit la finalité, les correspondances entre un avocat et son client portent sur des sujets de nature confidentielle et privée» [19].

En définitive, les rédacteurs du rapport «Gauvain» concluent, dans un point 1.4.4, que «- l’absence de protection des avis juridiques émis par les juristes en entreprise en France a pour effet de dissuader les entreprises françaises de solliciter des avis écrits de leurs propres services juridiques ; - l’absence de protection des avis juridiques fait de la France une cible privilégiée des autorités administratives et judiciaires étrangères, qui y voient une facilité supplémentaire à poursuivre les entreprises françaises plutôt que leurs concurrentes étrangères : cette faiblesse importante peut expliquer en partie l’appétit des autorités judiciaires américaines à poursuivre des entreprises françaises pour différents motifs (sanctions internationales, corruption, etc.) et pourrait avoir des conséquences économiques importantes et négatives pour la France si l’arsenal de sanctions unilatérales américaines devait se développer plus avant à l’avenir ; - les directeurs juridiques français de grands groupes français sont fragilisés en interne par le fait que leurs propres écrits sont moins bien protégés que ceux de leurs subordonnés américains, Britanniques ou autres bénéficiant du «legal privilege» ou d’une forme similaire de protection, ce qui les amènent à être exclus de certaines chaines de discussion entre leurs subordonnés ; - les grandes entreprises françaises sont de ce fait fortement incitées à : soit recruter des directeurs juridiques non français au profit d’avocats américains ou britanniques, ou autres bénéficiant de la protection du «legal privilege» ; soit à délocaliser à l’étranger tout ou une partie de leurs directions juridiques «Groupe», afin de faire bénéficier leurs services juridiques de la protection des avis juridiques qui n’existe pas en France. A cet égard, la mission ne peut que mettre en garde devant les risques de délocalisation massive des directions juridiques des grands groupes français qui pourraient résulter de l’inaction : la mission a été informée qu’une grande entreprise française du secteur de l’énergie a déjà, récemment, délocalisé à Bruxelles sa direction juridique «Groupe», d’autres décisions similaires pourraient suivre mettant potentiellement en cause plusieurs dizaines de milliers d’emplois à haute valeur ajoutée en France dans les prochaines années» [20].

Le secret professionnel aujourd’hui. Affirmer que le secret professionnel, en France, n’est plus «général et absolu», paraît excessif tant les dispositions qui le réglementent sont récentes [21]. Le Règlement intérieur national ajoute qu’il est d’ordre public et illimité dans le temps [22]. A partir de la condamnation pénale d’un avocat, ancien Bâtonnier, qui avait produit en justice une lettre confidentielle, une chronique, non-démentie aujourd’hui, a pu souligner la force du secret professionnel [23].

Le secret professionnel peut être battu en brèche. Certes la jurisprudence a cherché de façon régulière à en rétrécir l’application. Toutefois, on ne doit pas perdre de vue que les juridictions nationales doivent s’effacer devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Cela peut contraindre, dans une même affaire, des juridictions nationales à réviser un arrêt rendu au plus haut niveau [24]. En tout cas, la Cour européenne des droits de l’Homme reste ferme sur les principes. Elle a décidé récemment en faveur de l’avocat que l’interception et la lecture par un officier de police d’un papier remis par son client à l’avocat constituait une atteinte au secret des correspondances [25].

Le problème est ailleurs en réalité, et le chantage ainsi réalisé à demi-mot paraît ainsi détourner le regard de l’objectif masqué -capter ce «marché du droit»- afin de servir le souverain bien de ces grandes firmes nommé croissance.

Dès lors, pourrait seulement suffire l’octroi d’un legal privilege pour le juriste d’entreprise car «sur ce point, le rapport «Gauvain» n’est pas sérieux parce qu’il se contredit constamment. Il cite le cas de 26 entreprises ayant signé une transaction avec le procureur américain ; or ces dernières ont des avocats en entreprise en leur sein. Si elles acceptent de coopérer et de négocier, c’est parce que si elles ne le font pas, la sanction est l’exclusion du marché américain. L’avocat en entreprise ne changerait rien donc rien pour les entreprises françaises : elles accepteraient quand même de payer car le vrai problème, c’est le rapport de force» [26].

Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne, dans l’arrêt «Akzo» en date du 14 septembre 2010, a livré une réponse claire en ne reconnaissant pas le secret des correspondances à l’avocat en entreprise [27]. La commission «Gauvain» entend-elle braver le droit de l’Union européenne ?

Enfin, le législateur ne s’est-il pas prononcé, dernièrement, sur la question du secret des affaires, avec la loi du 30 juillet 2018 [28], prise dans le cadre de la transposition de la Directive européenne n° 2016/943 du 8 juin 2016, qui définit pour la première fois le secret des affaires et affiche déjà l’ambition d’en assurer la protection [29].

Le risque de la délocalisation est donc agité exagérément, si ce n’est pour faire pression pour adopter le projet. Mais le risque réel est plus profond encore, et s’inscrit davantage dans les suites que les recommandations de la commission «Gauvain» permettront de réaliser à l’encontre de la profession d’avocat, avec une stratégie digne d’un cheval de Troie.

II - Le cheval de Troie des recommandations

Certaines solutions ont été explicitement écartées par la mission «Gauvain» (A). Les recommandations retenues sont les seules armes à même de déployer, dans une seconde étape, un cheval de Troie (B).

A - Les solutions écartées par la mission «Gauvain»

Loin d’une démarche scientifique d’exhaustivité, la mission indique avoir écarté «plusieurs types de réponses qui auraient été possibles, mais peu efficaces voire contre-productives. En termes d’organisation globale de la réforme, quatre solutions, inadaptées, excessives ou inappropriées, nous paraissent devoir être écartées :

- L’importation pure et simple du statut d’avocat libéral dans l’entreprise, avec toutes ses caractéristiques actuelles, soit en autorisant l’avocat libéral à exercer en entreprise, soit en créant un nouveau statut spécifique de salarié protégé, ce qui, dans les deux cas, provoquerait un rejet très fort de la réforme par les employeurs potentiels et donc à son échec.

- L’organisation d’une nouvelle profession réglementée de juriste d’entreprise, dotée d’une confidentialité spécifique, solution adoptée en Belgique il y a une dizaine d’années, dont le bilan est mitigé, qui déboucherait sur une nouvelle fragmentation des professions juridiques et qui risquerait en outre de ne pas conférer aux avis juridiques la protection recherchée. En effet, la valeur de la confidentialité accordée aux avis juridiques des juristes d’entreprise belges n’a encore jamais été testée, à la connaissance des auteurs de ce rapport, devant les autorités américaines : compte tenu du fait que les juristes d’entreprise ne sont pas des avocats inscrits au barreau (comme les ‘lawyer’), il existe un risque important que les autorités américaines ne les reconnaissent pas ‘dignes’ de bénéficier du ‘legal privilege’ qui existe aux Etats-Unis et est reconnu par les juridictions et autorités américaines lorsqu’il existe ailleurs.

- La couverture partielle des avis juridiques des avocats en entreprise par un droit à la protection qui ne serait opposable en France que dans une procédure civile. Une telle réforme serait totalement inefficace pour contrer les procédures extraterritoriales pénales américaines. Les autorités américaines n’appliquent en effet pas le droit du for dans l’appréciation de la confidentialité. Dès lors, elles considéreraient qu’aucune confidentialité ne leur est opposable. On peut même s’interroger sur le fait qu’un tel droit à la protection, limité dans son champ, serait pris en considération par le juge américain y compris au civil.

- L’institution d’un filtre, au niveau de la Chancellerie, qui sélectionnerait les documents et informations qui peuvent être communiqués aux autorités étrangères dans le cadre des demandes d’entraide, alors même que ces documents resteraient accessibles sans restriction aucune aux enquêteurs français. Une telle mesure serait sans aucun doute fort mal reçue, à juste titre, par nos principaux partenaires […] ; en outre, un tel filtre risquerait de placer l’entreprise française poursuivie aux Etats-Unis en risque juridique dans la mesure où elle s’exposerait à des sanctions pour ‘Contempt of Court’. Par ailleurs, en termes de mise en œuvre de la réforme, la mission écarte également la solution préconisée par l’Association Française des Juristes d'Entreprise (AFJE), de conférer automatiquement le statut d’avocat en entreprise à tous les juristes y exerçant depuis au moins deux ans qui reviendrait à priver l’entreprise de sa liberté de décision de recruter, ou non, des collaborateurs ayant un statut d’avocat» [30].

B - Les recommandations insérées dans un cheval de Troie

Généralités martelées. Il est martelé, dans le rapport «Gauvain», que «L’abus de lois et mesures à portée extraterritoriale est une menace pour l’ordre économique mondial et un élément de concurrence déloyale, dont il convient de protéger efficacement les entreprises françaises et européennes» [31]. A cet effet, l’immense forêt est cachée par l’arbre du projet, qui concentre le regard sur son unique feuillage de la prétendue exception française.

Il est ainsi répété qu’ «A ce jour, les entreprises françaises sont seules et isolées face aux autorités étrangères, notamment américaines. Idéalement, l’Union européenne constituerait le niveau le plus pertinent pour ériger des mesures de protection efficaces contre les manœuvres potentiellement abusives d’autorités étrangères. Néanmoins, par souci de réalisme et afin de répondre à l’urgence de protéger les entreprises françaises, la mission formule des propositions relevant de la compétence nationale, considérant qu’il revient à la France de prendre l’initiative et de porter ensuite le message au niveau de l’Union. A cette fin, la mission propose un ensemble cohérent de trois mesures systémiques indissociables, accompagné de six recommandations complémentaires, afin de : doter la France des instruments juridiques qui lui manquent ; assurer le bon fonctionnement des outils existants ; et, promouvoir l’adoption de mesures efficaces au niveau européen. La première recommandation, la plus importante sur le fond et la plus efficace d’un point de vue technique, car elle utilise le droit américain pour s’en protéger, est à prendre de toute urgence : la protection de la confidentialité des avis juridiques en entreprise, opposable en toutes matières (civil, pénal, administratif), par la création d’un statut d’avocat en entreprise doté de la déontologie de l’avocat et d’un droit à la protection de ses avis juridiques» [32].

Le fantasme de l’urgence. L’urgence est encore sollicitée. A ce titre, la mission «Gauvain» affirme qu’ «Il est devenu urgent d’agir et d’installer en France l’avocat en entreprise : il en va de la compétitivité de l’économie française comme de la défense des entreprises françaises face aux mesures à portée extraterritoriale […] la situation actuelle n’est plus tenable, ni pour les professionnels concernés, qui ne peuvent plus travailler sereinement, ni pour les entreprises françaises, dont la compétitivité est grandement affectée, ni pour la France, qui est devenue une cible de choix pour les actions et mesures à portée extraterritoriale de ses concurrents et/ou adversaires sur la scène internationale» [33].

Un projet insufflé par le MEDEF. En définitive, la mission préconise la solution de l’avocat salarié en entreprise, doté d’un statut et d’un secret professionnel «adaptés» -osons dire «dévoyés»- , au prétexte que ces règles existeraient d’ores et déjà «chez nos principaux partenaires économiques et qui n’ont jamais suscité de problème pour ces pays au regard de leurs engagements internationaux ni dans la conduite de leurs enquêtes pénales […]. Les consultations menées par la mission lui ont permis de rencontrer l’ensemble des instances représentatives de la profession, ainsi qu’un panel très large d’avocats en activité, exerçant tant à Paris qu’en province. Elles lui ont également permis de rencontrer les instances représentatives des juristes en entreprise, ainsi que des magistrats instructeurs et des enquêteurs. En outre, la mission a rencontré plusieurs associations professionnelles représentant les entreprises, à commencer par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Au terme de ses consultations, et dans le prolongement des précédents rapports et tentatives législatives, les contours de la réforme proposée par la mission sont les suivants : l’avocat en entreprise sera inscrit au barreau sur une liste ad hoc et soumis aux obligations déontologiques garantes de son indépendance et de son intégrité ; salarié de l’entreprise, il en sera un collaborateur normal, sans statut dérogatoire au droit du travail ; il réservera l’exclusivité de ses prestations à son entreprise ; il n’aura pas la capacité de plaider devant les tribunaux ; il bénéficiera d’un droit à la protection de ses avis juridiques, opposable aux tiers et aux autorités administratives et judiciaires, dans la production de ses avis juridiques et la préparation des procédures judiciaires» [34].

La création d’un dualisme d’avocats (en contrariété avec le mouvement d’unification depuis 1971 [35]). «L’avocat en entreprise devra être inscrit au barreau, sur une liste ad hoc du lieu du siège social de l’entreprise ou de l’exécution du contrat du travail. Son inscription au barreau sera le gage de son intégrité et de son indépendance. L’avocat en entreprise sera tenu de respecter les principes déontologiques et éthiques de la profession d’avocat, dont la mission fondamentale est de servir la justice et son client, c’est-à-dire l’entreprise/personne morale (et non pas ses dirigeants). Il sera tenu au respect d’un secret professionnel adapté, appelé «droit à la protection». Le fait que l’avocat en entreprise soit inscrit au barreau et soit donc pleinement considéré comme un avocat permettra de garantir la reconnaissance de la réforme et notamment du droit à la protection des avis juridiques par les cours étrangères, notamment américaines» [36].

Mais un avocat salarié de l’entreprise, sans statut dérogatoire au droit du travail. Il est annoncé que «L’avocat en entreprise sera un salarié de droit commun de l’entreprise, un collaborateur sans autre spécificité que son appartenance au barreau. Son contrat de travail sera soumis aux dispositions du droit du travail comme tout autre salarié. Il n’aura pas de statut particulier ni ne pourra être considéré en aucune manière comme un salarié protégé : il sera soumis aux mêmes modalités de recrutement, de discipline et de licenciement que les autres salariés de droit commun de l’entreprise. Ce statut de droit commun permettra une bonne appropriation de la réforme par les entreprises. Pour les questions relatives aux règles déontologiques, l’avocat en entreprise relèvera de la compétence du Bâtonnier auquel il est rattaché dans le respect des principes essentiels de la profession, et notamment du principe d’indépendance» [37].

Un service exclusif à son entreprise.  Tout en devant rester indépendant, il est voulu, en même temps, qu’«Afin d’assurer le service loyal et efficace de son entreprise, l’avocat en entreprise devra réserver l’exclusivité de ses prestations d’avocat à son entreprise» [38]. C’est méconnaître grandement -ou taire- les relations de hiérarchie forte existant dans les grandes entreprises, spécialement de grande distribution, les banques et les compagnies assurance, pour présumer que son indépendance ne sera aucunement entachée.

L’avocat salarié en entreprise n’aurait pas, selon le projet «Gauvain», de statut dérogatoire au droit du travail. Ne serait-il donc pas soumis aux dispositions spécifiques, et contrôlées dans leur application, du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat, notamment salarié, dans sa version consolidée au 12 septembre 2019 ?

Les deux barreaux ; un second barreau sans déontologie effective. La création d’un nouveau statut pour l’avocat fera d’un barreau parfaitement homogène aujourd’hui un barreau à deux «tableaux», le tableau n’étant que la concrétisation juridique et matérielle de deux barreaux.

Il devrait être soumis à une déontologie identique dont les sources, peu nombreuses, sont connues [39]. Comment les nouveaux avocats vont-ils, dans la pratique, acquérir une connaissance suffisante de la déontologie ?

Citant Madame Frison-Roche [40] un auteur écrit : «Lorsque la morale se transforme en déontologie, le sentiment d’appartenance culturelle s’en mêle. L’apprentissage de cette morale commune se fait en même temps que l’insertion dans le groupe professionnel…». Et, s’exprimant cette fois en son nom, le chroniqueur [41], avocat, de poursuivre. «C’est pourquoi, les juristes d’entreprises, en rejoignant le "groupe professionnel" des avocats soumis à une déontologie forte, n’auront aucune difficulté à adapter leur pratique à l’égard de leurs clients internes». Ainsi, la seule fréquentation de confrères donnerait connaissance et culture déontologiques, la formation déontologique par contagion, en quelque sorte.

Le praticien, pour préparer nombre de candidats au barreau, à un examen de déontologie, aimerait ici inciter à se montrer plus sérieux. Les juristes d’entreprise peuvent accéder au barreau, en utilisant une voie dérogatoire [42]. La jurisprudence sur les conditions d’accès, nombreuse, est à la mesure du nombre de candidatures dont on doit se réjouir. Cela permet en passant de tordre le coup au procès d’intention qui consiste à taxer de corporatiste tout avocat qui se montre réservé sur l’intégration au barreau de l’avocat en entreprise. Pour être admis les candidats doivent passer avec succès [43] un examen de déontologie portant sur des matières couvrant l’ensemble des connaissances en déontologie [44].

Il faut alors dire tout net que le rapport, par ses raccourcis et ses silences, a un parfum d’aventure. Si l’aventure a un tour exaltant, il existe d’autres contrées pour la vivre et d’autres plumes pour l’encourager. Dans les raccourcis on placera l’absence de distinction entre confidentialité et secret professionnel, distinction pourtant essentielle aux yeux de la doctrine la plus autorisée [45]. Dans les raccourcis ou les approximations on relèvera également l’expression d’un secret professionnel adapté [46] appelé «droit à la protection». Il y aurait une distinction entre le secret professionnel «in personam» et le secret professionnel «in rem» [47]. A l’heure où le latin a quitté le prétoire, les «Attendu » et les «Considérant» la motivation de la Cour de cassation, l’usage de la langue de Virgile ne remplace pas une explication.

Dans le silence du rapport on situera l’absence de toute articulation avec la responsabilité disciplinaire. Plus évidente encore dans un système d’autorégulation, applicable à une profession organisée, la responsabilité disciplinaire permet à la déontologie de ne pas rester lettre morte. Sans la sanction de la discipline, la déontologie n’exprime que des vœux pieux dont certains partisans de l’avocat en entreprise ne voient que des «règles pléthoriques qui ont entravé et entravent encore le développement des avocats et de leurs cabinets» [48].

Certes la loi renverrait, pour la discipline, au décret puisque l’on doit admettre que la matière relève du pouvoir règlementaire [49]. Or, le gouvernement montre parfois une indifférence étonnante à ce qui touche à la discipline de l’avocat. On en veut pour preuve l’absence d’un nouveau «décret discipline» appelé de ses vœux par la profession, qui, invitée à faire connaître ses propositions, les a formulées il y a plus de sept ans [50].

Enfin si le rapport s’étend, quoiqu’avec modération, sur l’indépendance et le secret professionnel, il ne dit pas un mot sur le conflit d’intérêts.

Largement évoqué en déontologie pour la profession d’avocat, la prévention des conflits d’intérêts a gagné plus récemment la profession de médecin, celle d’homme politique, de cadre ou dirigeant d’entreprise. Dans les institutions politiques on voit apparaître des codes de déontologie et même, en ce qui concerne l’Assemblée Nationale, un déontologue [51].

Mais «il n’aura pas la capacité de plaider devant les tribunaux», du moins dans un premier temps. Si cette première barrière cède, à l’évidence la seconde relative à la plaidoirie sautera à moyen terme. Pour endormir le lecteur, le rapport assure du contraire, ce dont on peut éminemment douter : «Afin de limiter les craintes d’une partie de la profession d’avocat et de parer les risques de concurrence dont pourraient, en théorie, souffrir certains cabinets d’avocats, notamment dans les villes moyennes de province, et afin de privilégier une solution d’équilibre permettant de faciliter l’acceptation de la réforme, la mission propose d’interdire explicitement à l’avocat en entreprise de plaider devant les tribunaux. Cette interdiction vaut devant toutes les juridictions de France sans aucune exception»  [52].

La plaidoirie (laissée à l’avocat). Le rapport cherche à séduire les avocats. Reste à savoir si le procédé va être apprécié. Il est indiqué que face à la paupérisation «croissante» des avocats, à l’absence des débouchés des plus jeunes, aux difficultés de mobilité professionnelle, une réforme permettrait «notamment d’élever la place du droit dans l’entreprise et par voie de conséquence d’irriguer l’ensemble des professions juridiques, au premier rang desquelles la profession d’avocat» qui serait soutenue par «une demande renouvelée et amplifiée» [53].

Dans un même esprit, amadouer les avocats, l’avocat en entreprise se verrait interdire de plaider. Le mot lui-même n’a pas de définition procédurale. Le Code procédure civile [54] connait les missions de représentation et d’assistance, qui ne se confondent pas nécessairement. En revanche la mission de «plaider» ne connait que l’acte matériel qui est lié à l’oralité des débats. Comme l’indiquent des auteurs de référence «la plaidoirie est l’expression orale et le développement verbal des prétentions des justiciables» [55]. Si la règle est destinée à préserver le pré-carré des avocats, il serait sage de ne pas se fonder sur un choix dont la finalité corporatiste figure au rapport [56].

Conduire à un éclatement des tâches du Barreau contrarie le mouvement des cinquante dernières années, dont on admettra qu’il a été bénéfique pour le justiciable : suppression des avoués d’instance, puis des avoués d’appel, intégration des conseils juridiques. Et que dire de l’effacement progressif de la plaidoirie ?

Enfin, l’avocat salarié bénéficiera d’un «droit à la protection de ses avis juridiques», opposable aux tiers et aux autorités administratives et judiciaires, dans la production de ses avis juridiques et la préparation des procédures judiciaires. A cet effet, «La mission propose de créer un « droit à la protection des avis juridiques de l’avocat en entreprise» qui bénéficiera à tous les avis juridiques des avocats salariés en entreprise. Il sera ainsi distinct de l’actuel secret professionnel des avocats libéraux» [57].

L’impact de la réforme serait même anticipé : «Le droit à la protection de l’avocat en entreprise protègera donc la confidentialité des avis juridiques qu’il produira, à l’instar du «legal privilege» des pays de «Common Law». Comme dans ces pays, la confidentialité sera opposable dans toute procédure civile, mais aussi aux autorités administratives ou judiciaires dans le cadre de leurs enquêtes, y compris pénales» [58]. Le clou est encore enfoncé à ce stade des recommandations et de leur impact : «La réforme de l’avocat en entreprise permettra de rétablir en totalité l’équilibre des forces dans un litige civil entre une entreprise française et une entreprise étrangère bénéficiant du «legal privilege» ou d’une autre forme de protection de la confidentialité de ses avis juridiques. A ce jour en effet, on l’a vu, les entreprises françaises se retrouvent dans une situation particulièrement désavantageuse dans laquelle elles sont contraintes de dévoiler l’ensemble de leurs pièces constitutives de preuve, y compris la totalité des avis juridiques écrits par leurs juristes d’entreprise, alors que leurs concurrentes, anglo-saxonnes notamment, peuvent se prévaloir de la confidentialité de ces avis juridiques pour ne pas les communiquer. La réforme rétablira donc l’équilibre des forces en présence, dans tous les litiges civils» [59].

La mission «Gauvain» prétend aussi connaître l’impact de son projet sur l’indépendance des avocats. Selon la mission «Gauvain», l’opposition de principe à l’introduction de l’avocat en entreprise au titre de l’atteinte à son indépendance «semble néanmoins relever de l’ordre du symbolique et devrait pouvoir être aisément surmontée. Il est en effet communément admis que la notion d’indépendance est divisible. Ce qui caractérise l’exercice de la profession, c’est l’indépendance intellectuelle ou technique. Il en découle que l’exercice de la profession d’avocat n’est pas incompatible avec le salariat, et la subordination juridique qui s’en suit, qui impacte uniquement les conditions de travail et non l’exercice de son art. Il y a lieu de ne pas confondre ces deux notions. D’ailleurs, le salariat de l’avocat, autrefois jugé impossible par la profession, est désormais bien installé depuis 1991, sans que la question de l’indépendance n’y fasse obstacle. Dans le cadre de la réforme proposée, la préservation de l’indépendance technique et de l’éthique professionnelle sera garantie par un encadrement contractuel d’ordre public, avec notamment un contrôle effectif du Bâtonnier sur les questions déontologiques. Enfin, l’application du principe de l’indépendance de l’avocat est d’ores et déjà toute relative. Il faut ainsi souligner qu’en pratique il existe déjà chez les avocats libéraux une vraie dépendance économique envers certains de leurs clients, notamment lorsqu’un client représente une part significative de l’activité ou lorsque la clientèle est principalement institutionnelle et que le montant des honoraires leur est imposé. Il en est de même pour les avocats collaborateurs libéraux, qui sont de fait dans une situation de subordination envers leurs «patrons» (l’avocat associé) et perçoivent une rémunération sous forme de rétrocessions d’honoraires, qui s’apparentent fortement à du salariat déguisé. Il en résulte que la réforme proposée n’est pas incompatible avec le respect du principe d’indépendance de l’avocat. Cette réforme, loin d’affaiblir une profession confrontée à de nombreux défis, offrira de nouvelles perspectives de mobilité professionnelle aux 70 000 avocats en exercice. En outre, le nouveau droit à la protection ne bénéficiera évidemment pas exclusivement aux entreprises, mais à l’ensemble des clients des avocats exerçant en cabinet. La réforme proposée conduira ainsi incontestablement à l’affermissement du rôle et de la place de l’avocat, et au renforcement de notre Etat de droit» [60].

C’est une fiction poussée à son paroxysme que de continuer à considérer que l’indépendance intellectuelle, et morale, soit divisible. Lorsqu’il y a salariat, actuellement, d’un avocat, elle est réalisée dans un environnement de commettants-avocats ayant également prêté serment. Il convient déjà d’améliorer les critiques évoquées au sein de la profession d’avocat (sur le statut salarié et celui en particulier du collaborateur libéral [61]) avant de dupliquer/transposer une partie de ces statuts critiqués dans un système totalement capitalistique/marchand, qui n’en aggravera que les effets. En outre, prendre le risque de généraliser le salariat compte tenu des missions de l’avocat peut conduire à une importante déresponsabilisation, du moins juridique, avec le déclin de la responsabilité personnelle de l’avocat.

Monsieur Molfessis a d’ailleurs relevé la position de la Cour de justice de l’Union européenne : «Ce n’est d’ailleurs pas au seul droit français que l’on doit cette situation : la Cour de justice de l’Union européenne, dans le désormais fameux arrêt "Akzo Nobel" du 14 septembre 2010 (CJUE, 14 septembre 2010, aff. C-550/07 P), a jugé que l’avocat salarié ne jouit pas du même degré d’indépendance à l’égard de son employeur qu’un avocat exerçant ses activités en cabinet. Dès lors, seuls les avocats non liés au client par un lien de subordination peuvent se prévaloir de la confidentialité» [62].

L’indépendance. Le rapport se fait critique à l’égard de l’indépendance de l’avocat. Il s’agit pourtant d’un des premiers principes essentiels de la profession. Il figure dans le premier article d’une loi fondatrice [63] ainsi que dans les cinq valeurs qui fondent la formule du serment [64]. Le rapport indique que la profession d’avocat connaît depuis 1991 le salariat, ce qui est exact. Toutefois, les chiffres publiés chaque année par le ministère de la Justice montrent un effacement constant de la collaboration salariée au profit de la collaboration libérale. Le rapport se croit autorisé à écrire «les avocats collaborateurs libéraux sont de fait dans une situation de subordination envers leur «patron» et perçoivent une rémunération sous forme de rétrocessions d’honoraires qui s’apparentent fortement à un salariat déguisé». Cette affirmation mérite d’être tempérée car la jurisprudence est là, qui veille, soit pour requalifier en contrat de travail [65], soit pour vérifier l’existence de possibilités de développement de clientèle personnelle [66].

S’il existe des contrats de travail déguisés, il existe aussi des collaborateurs libéraux qui peuvent développer une clientèle personnelle et créer un cabinet comme il est souvent possible de les voir s’intégrer comme associés. Ils accèdent donc à une totale indépendance. La critique, faute d’être quantifiée, doit faire long feu.

Enfin le rapport ne s’étend pas sur des règles qui favorisent une indépendance réelle de l’avocat : l’impossibilité de faire figurer dans les contrats de collaboration salariés ou libéraux des clauses de non-rétablissement. Toute tentative, masquée par exemple dans un règlement intérieur, entraînerait une censure de la Cour de cassation [67].

Par ailleurs, d’autres mesures sont là pour donner à l’indépendance un caractère effectif. On peut citer l’obligation pour tout contrat de collaboration d’être passé par écrit et d’être soumis «pour contrôle au Conseil de l’Ordre» [68]. On peut aussi évoquer les mesures garantissant l’indépendance dans le choix de l’argumentation outre l’existence d’une clause de conscience [69].

Si l’on ajoute que l’avocat en entreprise devra consacrer tout son travail à son employeur [70], la question se pose de savoir si les nouveaux avocats ne seront pas des «sous-avocats»[71].

Sous le prisme de l’indépendance, la Cour de justice de l’Union européenne avait condamné le statut d’avocat en entreprise. La Cour du Luxembourg avait en effet retenu, dans un arrêt «Puke» rendu le 6 septembre 2012, que l’avocat salarié, puisque subordonné à l’entreprise et à ses intérêts, n’est pas indépendant de celle-ci. A cet effet, elle a affirmé que «la notion d’indépendance de l’avocat est définie non seulement de manière positive, à savoir par une référence à la discipline professionnelle, mais également de manière négative, c’est-à-dire par l’absence d’un rapport d’emploi» [72]. En l’espèce, il s’agissait de juger de la compétence d’un avocat polonais, ayant aussi la qualité d’employé de son client, à le représenter devant le tribunal. Pour la juridiction suprême de l’Union, «l’existence d’un lien de subordination […] implique un degré d’indépendance moindre que celui d’un conseil juridique ou d’un avocat exerçant ses activités dans un cabinet externe à l’égard de son client» [73]

En définitive, et après examen, il ne s’agit plus de s’interroger sur l’alternative boîte de Pandore ou cheval de Troie, mais sur la conjonction boîte de Pandore dans un cheval de Troie ou cheval de Troie dans une boîte de Pandore, l’union faisant la force des maux…

 

[1] LJA, n° 1375, du 3 décembre 2018, obs. E. Gardner de Bréville.

[2] F. Creux-Thomas (propos recueillis par), Le statut d’avocat en entreprise ne sert pas le combat des directeurs juridiques, c’est un combat de Place, un combat d’intérêt général, Trois questions à Laure Lavorel, directrice juridique internationale de Broadcom, présidente du Cercle Montesquieu, JCP éd. G,  n° 42, 14 octobre 2019, n° 1071.

[3] W. Feugère, président d’honneur des avocats conseils d’entreprise (ACE), Avocats : développer notre activité, aujourd’hui et demain, JCP, éd. G, n° 41, 7 octobre 2019, Etude 1034, p. 1820 et s., spéc. p. 1823, n° 21.

[4] W. Feugère, op. cit., JCP, éd. G n° 41, 7 octobre 2019, Etude 1034, p. 1822, n° 12, in fine.

[5] Cour d’appel de Paris, pôle 5, ch. 7, 21 décembre 2017, n° 2015/176.38 (N° Lexbase : A7279W84).

[6] R. Gauvain, C. d’Urso, A. Damais, Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale, Rapport à la demande du Premier Ministre, Assemblé nationale, 26 juin 2019.

[7] R. Gauvain, C. d’Urso, A. Damais, op. cit., p. 3.

[8] Rapport préc., p. 3-4.

[9] Rapport préc., p. 45.

[10] Ibid.

[11] Rapport préc., p. 46.

[12] Ibid.

[13] Rapport préc., p. 47.

[14] CJUE, 14 septembre 2010, aff. C-550/07 P, Akzo Nobel Chemicals Ltd c/ Commission européenne (N° Lexbase : A1978E97).

[15] Rapport préc., p. 48. – Dans le détail, cf. Rapport «Gauvain», p. 56 et s., n° 2.1., Proposition n° 1 : protéger les avis juridiques internes des entreprises.

[16] Rapport préc., p. 48.

[17] F. G’Sell, Remarques sur les difficultés d’application de l’attorney client privilege aux juristes internes en France, in La confidentialité des juristes d’entreprises, Juriste d’Entreprise Magazine, Numéro spécial, 19 sept. 2013, ([LXB=N145BUE]), p. 132-133, spéc. p. 133, in fine.

[18] M. Lartigue (propos recueillis par), Entretien avec Michel Bénichou, ancien président du Conseil national des barreaux (CNB), président d’honneur de la Conférence des Bâtonniers, L’avocat en entreprise n’est pas inéluctable, Gaz. Pal., 8 octobre 2019, n° 34,  p. 12.

[19] Rapport préc., p. 49.

[20] Rapport préc., p. 50-51.

[21] Loi du 31 décembre 1971 provenant de la loi n° 97-308 du 7 avril 1997, art. 66-5 (N° Lexbase : L4398IT3), de l’ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 et de la loi n° 2011-331 du 25 mars 2011 ; décret n° 2005/790 du 12 juillet 2005, art. 4.

[22] RIN., art. 2.

[23] Y. Avril, Lettres entre avocats, la fin d’une querelle, D., 2010, 1502.

[24] Ass. plén., 16 décembre 2016, n° 08-86.295 (N° Lexbase : A2362SXR).

[25] CEDH, 24 mai 2018, Req. 28798/13 (N° Lexbase : A7768XNZ).

[26] M. Lartigue (propos recueillis par), Entretien avec Michel Bénichou, ancien président du Conseil national des barreaux (CNB), président d’honneur de la Conférence des Bâtonniers, L’avocat en entreprise n’est pas inéluctable, Gaz. Pal., 8 octobre 2019, n° 34,  p. 12.

[27] CJUE, 14 septembre 2010, aff. C-550/07 P, Akzo Nobel Chemicals Ltd c/ Commission européenne.

[28] Loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires (N° Lexbase : L5631LL7).

[29] G. Zaidi, E. Manca, Secret des affaires : et si on se disait tout (ou presque) ?, Les Cahiers Lamy du DRH, n° 266, juill. 2019, p. 32 et s., spéc. p. 32 : «Pour entrer dans le champ d’application de la loi, l’information en question doit présenter les caractéristiques suivantes : elle ne doit pas être généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations ; elle doit revêtir une valeur commerciale effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; elle doit faire l’objet, de la part de son détenteur légitime, de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. Consacré par le Code de commerce, le secret des affaires est bousculé, voire maltraité, par l’exigence accrue de transparence à l’égard des salariés, lesquels ont, via leurs représentants du personnel, un droit de regard sur les projets économiques et stratégiques de leurs entreprises. Droit de regard qui, pour être efficient, s’accompagne d’un accès aux informations sensibles qui justifient et expliquent cette prise de décision. La loi du 30 juillet 2018 intègre d’ailleurs cette particularité liée à cet univers souvent parallèle qu’est celui du droit du travail, où les intérêts qui s’y trouvent promus, aussi vertueux soient-ils, ne prennent pas toujours pleinement en compte celui, légitime, de l’entreprise. L’association du salarié à la vie de l’entreprise, lorsqu’elle est voulue «jusqu’au boutiste», n’est pas chose facile. Ainsi, la loi pose immédiatement une réserve au secret : il ne peut pas faire obstacle au droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants. D’emblée donc, la loi sacrifie son objet. Comment en effet assurer la protection du secret des affaires tout en introduisant l’idée que celui-ci ne résiste pas au droit sans cesse élargi des salariés à l’information préalable à toute portée notamment par les membres du comité social et économique (CSE) ?».

[30] Rapport préc., p. 58-59.

[31] Rapport préc., p. 55.

[32] Rapport préc., p. 55-56, cf. également les autres recommandations. 

[33] Rapport préc., n° 2.1.1, p. 57 et s.

[34] Rapport préc., n° 2.1.3. p. 59-60.

[35] R. Bigot, Les avoués et les professions ayant des charges dans la cuisine indemnitaire du droit de présentation : le beurre, l’argent du beurre, mais pas le sourire de la crémière tout de même !, Les Petites Affiches, 2016, n° 231, pp. 3-13, spéc. p. 6.

[36] Rapport préc., n° 2.1.3.1., p. 60.

[37] Rapport préc., n° 2.1.3.2.

[38] Rapport préc., n° 2.1.3.2., p. 60, in fine.

[39] Loi n° 97-308 du 31 décembre 1971 ; Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; Décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ; Règlement intérieur national (RIN.) ; Décision du Conseil national des Barreaux à caractère normatif n° 2005-003 ; Règlement intérieur du Barreau de Paris (R.I.B.P., disponible dans F. G’Sell (dir.), Code de l’avocat, Dalloz, 8e éd., 2019, p. 736 et s.) ou le Règlement intérieur des barreaux dans la mesure où ils existent.

[40] M.-A. Frison-Roche, Secrets professionnels, 1999, Autrement, p. 61.

[41] L. Dusseau, De la nécessaire protection du secret professionnel du juriste d’entreprise grâce au statut d’avocat en entreprise, Gaz. Pal., 31 juillet 2018, p. 11.

[42] Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, art. 58, 3° (N° Lexbase : L8168AID).

[43] Le succès impliquant une note supérieure ou égale à 12/20 à l’examen.

[44] Arrêté du 30 avril 2012 fixant le programme et les modalités de l’examen de contrôle des connaissances en déontologie et règlementation professionnelle prévu à l’article 98.1 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

[45] S. Bortoluzzi, D. Piau, T. Wickers, Règles de la profession d’avocat, Dalloz, 2018, § 422.21.

[46] Rapport «Gauvain», p. 60.

[47] Rapport «Gauvain», p. 61.

[48] W. Feugère, op. cit., JCP G n° 41, 7 octobre 2019, Etude 1034, p. 1822, § 14.

[49] CE, 1° et 6° s-s-r, 15 novembre 2006, n° 283475, 284964, 285065  mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3585DSL), JCP éd. G, 2007, II 10001, note R. Martin.

[50] CNB, Assemblée générale des 6 et 7 juillet 2012.

[51] Pour l’Assemblée Nationale une décision de son bureau a créé le 6 avril 2011 un statut de déontologue.

[52] Rapport préc., n° 2.1.3.4., p. 61.

[53] Rapport «Gauvain», p. 58.

[54] Art. 411 et s.

[55] S. Bortoluzzi, D. Piau et Th. Wickers, Règles de la profession d’avocat, Dalloz, 2018, n° 622-21.

[56] Rapport «Gauvain», p. 61.

[57] Rapport préc., n° 2.1.3.5., p. 61-62 : «En effet, la mission considère qu’il ne serait pas concevable d’appliquer aux avocats salariés en entreprise l’actuel secret professionnel, car la nature de ce qui est protégé est différente : - s’agissant des avocats libéraux en cabinet, c’est l’avocat dans tout ce qu’il accomplit et dans ses échanges avec son client qui est protégé (protection in personam) ; - s’agissant des avocats en entreprise, c’est uniquement l’avis juridique et/ou les communications juridiques de l’avocat avec son client interne qui sont protégés (protection in rem). Le droit à la protection des avis juridiques de l’avocat en entreprise devra ainsi faire l’objet d’une définition strictement limitée à la réflexion juridique, afin d’éviter tout abus […]. En tout état de cause, la Loi devra s’assurer de la prééminence du droit spécial des avis juridiques, comme c’est d’ailleurs le cas dans tous les pays européens qui ont transposé la Directive «secret des affaires» et qui connaissent également le droit spécial du «legal privilege» sous diverses formes».

[58] Rapport préc., n° 2.1.4., p. 62.

[59] Ibid.

[60] Rapport préc., n° 2.1.4.5., p. 66-67.

[61] Par exemple, cf. Anaïs de la Pallière (entretien avec), Le modèle actuel de la collaboration libérale n’est pas adapté au jeune avocat, Dalloz actualité, 2 juillet 2019.

[62] N. Molfessis, Synthèse des travaux, in La confidentialité des juristes d’entreprises, Juriste d’Entreprise Magazine, Numéro spécial, 19 septembre 2013 ([LXB=N145BUE]), p. 151-152, spéc. p. 151.

[63] Loi du 31 décembre 1971, art. 1.

[64] Loi du 31 décembre 1971, art. 3 : «Je jure, comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité».

[65] Cass. civ. 1, 14 mai 2009, n° 08-12.966, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9766EGS), Bull. civ. I, n° 90.

[66] Cass. soc., 9 octobre 2013, n° 12-23.718, FS-P+B (N° Lexbase : A6830KMW), Bull. civ. V, n° 232.

[67] Cass. civ. 1, 14 octobre 1997, n° 95-13.532 (N° Lexbase : A0422ACM), Bull. civ. I, n° 274.

[68] RIN, art. 14-1.

[69] RIN, art. 14-3.

[70] Rapport «Gauvain», p. 60.

[71] Dalloz actualité, 11 octobre 2019.

[72] CJUE, 6 septembre 2012, aff. C-422/11 P (N° Lexbase : A3089IS9)

[73] Ibid.

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