Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 6 novembre 2019, n° 418463, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8855ZT7)
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par Vincent Téchené
le 13 Novembre 2019
► Si une sanction administrative reposant sur plusieurs manquements doit être conforme au principe de proportionnalité, le principe du non bis in idem découlant du principe de nécessité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P) ne fait pas obstacle à ce que, dans le cadre d'une même poursuite conduisant à une même décision de sanction, plusieurs manquements distincts puissent résulter de mêmes faits ;
► Dès lors, le salarié d’un PSI peut être sanctionné par la commission des sanctions de l’AMF pour manquement d’initié et pour exploitation abusive d'informations relatives à des ordres de clients.
Tel est le sens d'un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 6 novembre 2019 (CE 5° et 6° ch.-r., 6 novembre 2019, n° 418463, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8855ZT7).
L’affaire. Un fonds commun de placement met en oeuvre des stratégies d'arbitrage visant à tirer parti d'événements de nature à créer une discontinuité dans le prix d'un actif. La division de la surveillance des marchés de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a détecté qu'un grand nombre d'achats effectués par ce FCP entre les mois de novembre 2010 et de janvier 2013 l'avait été face à la même contrepartie, une banque agissant pour le compte du même client (le client) qui achetait des titres lors d'une ou plusieurs séances de bourse puis les cédait rapidement à des prix élevés, essentiellement en exécution d'ordres d'achat passés pour le compte du FCP. A l'époque de ces faits, le FCP recourait aux services de plusieurs courtiers. Par une lettre du 15 avril 2016, l'AMF a adressé au salarié de l’un de ces courtiers qui exerçait les fonctions de «vendeur actions», ainsi qu’au client, une notification de griefs. S'agissant du vendeur d’actions il lui était reproché, d'une part, d'avoir transmis des informations privilégiées relatives aux caractéristiques principales des ordres d'achat à venir et, d'autre part, d'avoir exploité abusivement des informations relatives aux ordres d'achat en attente d'exécution. L’AMF, après avoir estimé que ces deux manquements étaient caractérisés, a infligé au vendeur d’actions une sanction pécuniaire de 450 000 euros ainsi qu'une interdiction d'exercer une activité d'exécution des ordres pour compte de tiers pendant 10 ans et a ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l'AMF en fixant à cinq ans la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme. L’intéressé a donc formé un recours contre cette décision.
La décision. En premier lieu, en ce qui concerne la transmission d’une information privilégiée, le Conseil retient que la commission des sanctions, dont la décision est suffisamment motivée sur ce point, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le rapprochement de l'ensemble des indices retenus établissait de manière non équivoque la communication au client par le vendeur d’actions de sept informations relatives aux caractéristiques des ordres d'achat du FCP sur différents titres.
En second lieu, en ce qui concerne le manquement d'exploitation abusive d'informations relatives à des ordres en attente d'exécution, le Conseil d’Etat retient que le III de l'article 314-66 du RG AMF prohibe, notamment de la part du salarié d'un prestataire de services d'investissement, toute exploitation abusive d'informations relatives à des ordres de clients, y compris, en l'absence de tout texte restreignant le champ d'application de cet article, lorsqu'une telle exploitation est faite au seul profit d'un tiers. Ainsi interprétées, les dispositions du III de cet article 314-66 définissent de façon suffisamment claire et précise l'interdiction faite au prestataire de services d'investissement ou à ses salariés, dont la méconnaissance peut être sanctionnée par la commission des sanctions.
Puis, retenant que dans le cadre d'une même poursuite conduisant à une même décision de sanction, plusieurs manquements distincts peuvent résulter de mêmes faits, le juge administratif en conclut que le manquement d'initiés est caractérisé pour sept opérations et le manquement d'exploitation abusive pour 34 opérations et que, eu égard à la nature et à la gravité des manquements reprochés, la commission des sanctions n'a pas infligé des sanctions disproportionnées.
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