La lettre juridique n°798 du 10 octobre 2019 : Filiation

[Brèves] GPA : épilogue de l’Affaire «Mennesson» avec la transcription complète à l’état civil (à l’égard des deux parents d’intention), des actes de naissance des enfants nés de GPA à l’étranger

Réf. : Ass. Plén., 4 octobre 2019, n° 10-19.053, P+B+R+I (N° Lexbase : A4073ZQW)

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[Brèves] GPA : épilogue de l’Affaire «Mennesson» avec la transcription complète à l’état civil (à l’égard des deux parents d’intention), des actes de naissance des enfants nés de GPA à l’étranger. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/54025156-brevesgpaepiloguedelaffairemennessonaveclatranscriptioncompletealetatcivilalegarddes
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 09 Octobre 2019

► Une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention ;

► dans le cas d’espèce, seule la transcription des actes de naissance étrangers permet de reconnaître ce lien dans le respect du droit à la vie privée des enfants.

C’est en ce sens que s’est prononcée l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans son arrêt, très attendu, rendu le 4 octobre 2019, rappelons-le dans le cadre de la procédure de réexamen de l’affaire «Mennesson», après avoir recueilli l’avis consultatif de la Cour européenne des droits de l’Homme (Ass. Plén., 4 octobre 2019, n° 10-19.053, P+B+R+I N° Lexbase : A4073ZQW ; cf. l’Ouvrage «La filiation», La gestation ou maternité pour autrui N° Lexbase : E4415EY8).

  • L’affaire

En 2011, la Cour de cassation refuse à un couple ayant eu recours à la gestation pour autrui en Californie, la transcription en France des actes de naissance établis aux Etats-Unis, mentionnant les membres du couple comme étant le père biologique et la «mère légale», qui n’a pas accouché (Cass. civ. 1, 6 avril 2011, n° 10-19.053, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5707HMC).

En 2014, la Cour européenne des droits de l’Homme, saisie par le couple, condamne la France pour atteinte au droit au respect de la vie privée des enfants (CEDH, 26 juin 2014, Req. 65192/11 N° Lexbase : A8551MR7).

En 2018, la Cour de cassation procède au réexamen de l’affaire : elle saisit la CEDH pour avis consultatif quant aux possibilités offertes pour reconnaître l’existence du lien avec la mère d’intention, en dehors de toute réalité biologique (Ass. plén., 5 octobre 2018, 2 arrêts, n° 10-19.053 N° Lexbase : A8390X8A, P+B+R+I, et les obs. d’A. Gouttenoire, Lexbase, éd. priv., n° 760, 2018 N° Lexbase : N6211BXC).

En 2019, la CEDH est d’avis qu’un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention doit pouvoir être établi, mais laisse les Etats décider du mode le plus adapté (CEDH, Gde ch., 10 avril 2019, avis n° P16-2018-001 N° Lexbase : A7859Y8L, et les obs. d’A. Gouttenoire, Lexbase, éd. priv., n° 784, 2019 N° Lexbase : N9099BXB).

  • La décision d’Assemblée plénière : la recherche, au cas d’espèce, du moyen le plus adapté pour établir le lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention

Après avoir rappelé le principe d’interdiction, en droit français, des conventions de GPA, la Cour de cassation relève, toutefois, qu’au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant (Convention de New York sur les droits de l’enfant, art. 3 § 1) et pour ne pas porter une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée (CESDH, art. 8 N° Lexbase : L4798AQR), une GPA réalisée à l’étranger ne peut faire, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention. Cette reconnaissance doit avoir lieu au plus tard lorsque le lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé.

Concernant le lien avec le père biologique, il est déjà acquis, depuis 2015, qu’il peut être établi à certaines conditions par la transcription de l’acte de naissance établi dans un pays étranger (cf. Ass. plén., 3 juillet 2015, deux arrêts, n° 14-21.323 N° Lexbase : A4482NMX et n° 15-50.002 N° Lexbase : A4483NMY, P+B+R+I, note A. Gouttenoire, Lexbase, éd. priv., n° 620, 2015 N° Lexbase : N8350BUS).

Concernant le lien avec la mère d’intention, si, en droit français, la filiation peut être établie de différentes manières (acte de naissance, reconnaissance volontaire, adoption, possession d’état, jugement), dans le cas d’une GPA réalisée à l’étranger, le lien avec la mère d’intention doit être établi en privilégiant un mode de reconnaissance qui permette au juge français de contrôler la validité de l’acte ou du jugement étranger et d’examiner les circonstances particulières dans lesquelles se trouve l’enfant.

L’adoption répond le mieux à ces exigences. Toutefois, dans cette affaire spécifique qui dure depuis plus de quinze ans, une procédure d’adoption porterait une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants : celles-ci sont nées depuis plus de 18 ans, leurs actes de naissance ont été établis à l’étranger dans un cadre légal et elles ne peuvent prendre l’initiative d’une adoption, dont le choix revient aux parents.

La possession d'état, quant à elle, à supposer que les conditions légales en soient réunies, n'offrirait pas une sécurité juridique suffisante.

Dans ce cas particulier, en l’absence d’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des enfants, et alors que la demande en réexamen a pour objet de mettre fin aux atteintes portées à la CESDH, la transcription en France des actes de naissance désignant la mère d’intention, avec laquelle le lien est depuis longtemps largement concrétisé, ne doit pas être annulée.

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