Réf. : Cons. const., décision n° 2019-807 QPC, du 4 octobre 2019 (N° Lexbase : A5064ZQM)
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par Marie Le Guerroué
le 09 Octobre 2019
► Les dispositions de l'article L. 556-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L9277K4D) concernant les demandes d'asile en rétention, qui prévoient que toute contestation portant sur l'existence, la date ou le contenu de l'arrêté de maintien en rétention faisant suite à une demande d'asile formalisée en cours de rétention relève de la compétence du juge administratif ne portent pas atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au principe de liberté individuelle, et au droit à un recours juridictionnel effectif.
Telle est la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 4 octobre 2019 (Cons. const., décision n° 2019-807 QPC, du 4 octobre 2019 N° Lexbase : A5064ZQM).
Renvoi. Le Conseil constitutionnel avait été saisi par la Cour de cassation le 11 juillet 2019 (Cass. civ. 1, 11 juillet 2019, n° 18-26.232, FS-D N° Lexbase : A3416ZKQ) d’une question prioritaire de constitutionnalité interrogeant sur la constitutionnalité des dispositions de l’article L. 556-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
QPC. La question posée par le requérant était la suivante : «Les dispositions de l'article L. 556-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant les demandes d'asile en rétention -lesquelles, selon l'interprétation de la Cour de cassation, prévoient que toute contestation portant sur l'existence, la date ou le contenu de l'arrêté de maintien en rétention faisant suite à une demande d'asile formalisée en cours de rétention échappe au contrôle du juge judiciaire pour relever de la compétence du juge administratif- portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au principe de liberté individuelle, et au droit à un recours juridictionnel effectif ?».
Article 66. Les Sages rappelle l’incompétence du juge judiciaire pour connaître des contestations portant sur la légalité de l’arrêté de maintien en rétention et la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point (V., Cass. civ. 1, 27 septembre 2017, deux arrêts FS-P+B+R+I, n° 17-10.207 N° Lexbase : A1403WT7 et n° 17-10.206 N° Lexbase : A1405WT9 ; v., S. Slama, Rétention administrative : la Cour de cassation ne franchit pas le rubicond du contrôle de la légalité de la mesure d'éloignement par voie d'exception, in Hebdo, éd. pub., n° 477 N° Lexbase : N0731BXD ; Cass. civ. 1, 6 mars 2019, n° 18-13.908, FS-P+B N° Lexbase : A0223Y3N).
Le Conseil constitutionnel ajoute, ensuite, que le dépôt de la demande d'asile qui donne droit à la délivrance d'une attestation de demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour est de nature à mettre fin à la procédure d'éloignement et donc à la rétention. Ainsi, alors même qu'elle a pour effet de laisser perdurer une mesure privative de liberté, la décision par laquelle l'autorité administrative décide de maintenir en rétention un étranger au motif que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à la mesure d'éloignement constitue une décision relative au séjour des étrangers. Or, l'annulation ou la réformation d'une décision relative à une telle matière, prise dans l'exercice de prérogative de puissance publique par une autorité administrative, relève, en application du principe fondamental de séparation des pouvoirs, de la compétence de la juridiction administrative.
Il ajoute, que le premier alinéa de l'article L. 556-1 précité prévoit que la décision de maintien en rétention n'affecte ni le contrôle du juge des libertés et de la détention exercé sur la décision de placement en rétention ni sa compétence pour examiner la prolongation de la rétention et que, d'autre part, les dispositions contestées ne privent pas le juge judiciaire de la faculté d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient et pour tout autre motif que celui tiré de l'illégalité des décisions relatives au séjour et à l'éloignement de l'étranger qui relèvent de la compétence du juge administratif. Enfin, pour les juges constitutionnels, si le législateur peut, dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé, il n'est pas tenu de le faire. Le législateur n’a donc pas méconnu l’article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L0895AHM).
Effectivité du recours juridictionnel. Le Conseil constitutionnel énonce, d’une part, que l'étranger qui a demandé l'asile postérieurement à son placement en rétention peut déférer au juge administratif la décision de maintien en rétention. Lorsqu'aucune décision de maintien n'a été prise et qu'il n'a pourtant pas été procédé à sa libération, il peut saisir le juge administratif d'un référé-liberté afin qu'il soit enjoint à l'administration de se prononcer sur sa situation. D'autre part, il ne saurait résulter de la seule répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif. Dès lors, le grief tiré d'une méconnaissance de ce droit doit être écarté. La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 556-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel rend donc la décision susvisée.
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