Le Quotidien du 17 septembre 2019 : Bancaire

[Brèves] Rupture de crédit à durée indéterminée : portée de la faute du banquier sur le régime de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier

Réf. : Cass. com., 11 septembre 2019, n° 17-26.594, FS-P+B (N° Lexbase : A4683ZNR)

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[Brèves] Rupture de crédit à durée indéterminée : portée de la faute du banquier sur le régime de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/53646426-breves-rupture-de-credit-a-duree-indeterminee-portee-de-la-faute-du-banquier-sur-le-regime-de-lartic
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par Jérôme Lasserre Capdeville

le 18 Septembre 2019

► L’éventuel manquement de l’établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques ne le prive pas de la faculté, qu’il tient de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2507IX7), de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.

Tel est l’enseignement d’un arrêt de la Cour de cassation du 11 septembre 2019 (Cass. com., 11 septembre 2019, n° 17-26.594, FS-P+B N° Lexbase : A4683ZNR).

La banque A avait consenti plusieurs prêts à M. X et à son épouse, ainsi que des ouvertures de crédit. Par acte notarié du 7 juin 2010, ces derniers avaient apporté à la SCI D. un immeuble sur lequel ils avaient consenti à la banque une promesse d’hypothèque en garantie du remboursement de certains prêts. Par une lettre du 24 avril 2012, la banque leur avait notifié l’interruption de tous ses concours en invoquant le comportement gravement répréhensible de M. X, puis les avait assignés en paiement. Elle avait également demandé que l’apport immobilier lui soit déclaré inopposable pour fraude paulienne. M. et Mme X avaient, quant à eux, recherché la responsabilité de la banque.

Or, la cour d’appel de Colmar ne leur ayant pas donné raison, les époux avaient formé un pourvoi en cassation. Leur premier moyen présente un intérêt pour le droit bancaire.

Ils rappelaient qu’en vertu de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier tout concours à durée indéterminée autre qu’occasionnel qu’un établissement de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite à l’expiration d’un délai de préavis qui ne peut sous peine de nullité de la rupture du concours être inférieur à soixante jours. Ils estimaient, en outre, que si, pour le même article, la banque est dispensée de respecter ce délai de préavis en cas de comportement gravement répréhensible imputable au bénéficiaire du crédit, «un tel comportement doit s’apprécier au regard du propre comportement de la banque». Or, la banque présentatrice chargée d’encaisser un chèque doit s’assurer de l’identité du déposant et vérifier qu’il en est bien le bénéficiaire. Dès lors, en imputant, en l’occurrence, à M. X un comportement gravement répréhensible pour avoir encaissé sur ses comptes des chèques dont les bénéficiaires étaient ses clients, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n’avait pas elle-même manquée à ses obligations en s’abstenant de vérifier que le déposant était bien le bénéficiaire des chèques litigieux, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 313-12 précité.

Ce moyen n’est cependant pas partagé par la Haute juridiction. Selon cette dernière, en effet, l’éventuel manquement de l’établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques «ne le prive pas de la faculté, qu’il tient de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier, de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise».

Cette solution emporte notre conviction. La faute du banquier teneur de compte ne saurait «neutraliser» la rupture de crédit permise par l’article L. 313-12 du code, du moment que le formalisme envisagé par ce dernier (notification de la rupture et respect d’un délai de préavis d’au moins 60 jours) a bien été respecté.

Or, tel était le cas en l’espèce : la présence d’un comportement gravement répréhensible de M. X permettait effectivement à la banque, en vertu de l’article précité, de se passer de la formalité relative au préavis (v. par ex., Cass. com., 13 décembre 2016, n° 14-17.410, F-D N° Lexbase : A2156SX7).

Pour autant, la décision des juges du fond n’échappait pas à la cassation.

D’une part, pour condamner M. et Mme X à payer à la banque une certaine somme au titre du solde débiteur d’un compte, les juges du fond avaient estimé que le couple n’avait pas soulevé de moyen de nature à remettre en cause les sommes réclamées par la banque à la suite de l’interruption de ses concours. Or, pour la Cour de cassation, en statuant de la sorte, sans répondre aux conclusions des époux X qui faisaient valoir que la banque ne produisait aucun document contractuel justifiant de l'existence de ce compte, la cour d'appel n’avait pas satisfait aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B).

D’autre part, pour déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de M. et Mme X tendant à la déchéance du droit aux intérêts des crédits aux consommateurs accordés, la cour d’appel avait retenu que les intéressés n’avaient jamais contesté la créance de la banque. Toutefois, pour la Haute juridiction, en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande ne tendait pas à faire écarter, en les restreignant, les prétentions adverses, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale (cf. l’Ouvrage «Droit bancaire» N° Lexbase : E2489AHN).

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