Réf. : Cons. const., décision n° 2019-799/800 QPC, du 6 septembre 2019 (N° Lexbase : A5359ZMG)
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N0239BYI
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par June Perot
le 12 Septembre 2019
► Le cinquième alinéa de l’article 730-2-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4803K8E) est contraire à la Constitution et, spécialement, au principe de proportionnalité des peines, dès lors que ces dispositions ont pour conséquence de priver les étrangers condamnés pour des faits de terrorisme de toute possibilité d'aménagement de leur peine, en particulier dans le cas où elles ont été condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité.
Ainsi statue le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 septembre 2019 (Cons. const., décision n° 2019-799/800 QPC, du 6 septembre 2019 N° Lexbase : A5359ZMG).
Le Conseil avait été saisi par la Chambre criminelle par deux arrêts du 5 juin 2019 (Cass. crim., 5 juin 2019, deux arrêts, n° 19-90.016, FS-D N° Lexbase : A9220ZDT, n° 19-90.012, FS-D N° Lexbase : A9229ZD8). Les deux QPC portaient sur la conformité à la Constitution de l'article 730-2-1 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (N° Lexbase : L4202K87).
Selon les requérants, en imposant aux personnes condamnées pour certaines infractions terroristes d’accomplir, pour bénéficier d’une libération conditionnelle, certaines mesures probatoires, ces dispositions méconnaissaient les principes de nécessité et de proportionnalité des peines. En effet, les étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire ou d'une interdiction du territoire n'étant pas éligibles à de telles mesures probatoires, ils seraient, selon les requérants, privés de toute possibilité d'obtenir une libération conditionnelle, ce qui rendrait incompressible, même en cas de réclusion criminelle à perpétuité, la peine à laquelle ils ont été condamnés. Il en résulterait, également, selon eux, une atteinte à un principe de réinsertion qui découlerait de l'article 8 de la DDHC (N° Lexbase : L1372A9P) et une violation du principe d'individualisation des peines et du principe de sauvegarde de la dignité humaine.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel relève qu’en application de l'article 730-2-1 du Code de procédure pénale, l'octroi d'une libération conditionnelle à une personne condamnée à une peine privative de liberté pour des faits de terrorisme autres que la provocation, l'apologie ou l'entrave au blocage de sites internet terroristes est subordonné, lorsqu'elle n'est pas assortie d'un placement sous surveillance électronique mobile, à l'exécution préalable, à titre probatoire, d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique pendant une période d'un an à trois ans. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation (v. Cass. crim., 6 mars 2002, n° 01-85.914, FS-P+F N° Lexbase : A3825AYC, Cass. crim., 4 avril 2013, n° 13-80.447, FS-P+B N° Lexbase : A6382KBY et Cass. crim., 7 septembre 2016, n° 15-81.679, F-P+B N° Lexbase : A5168RZG) que ces dispositions font obstacle, pour les condamnés étrangers sous le coup d'une décision d'éloignement du territoire, telle qu'une expulsion ou une interdiction du territoire français, à toute mesure de libération conditionnelle, dès lors que l'exécution de mesures probatoires est incompatible avec la décision d'éloignement du territoire. En conséquence, ces dispositions sont déclarées contraires à la Constitution.
Le Conseil relève par ailleurs (§ 6) que l’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion.
Effet différé. Le Conseil juge, en l’espèce, que l'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de dispenser toutes les personnes condamnées pour certains faits de terrorisme de l'obligation, prévue par le législateur, d'accomplir des mesures probatoires avant de pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Il y a donc lieu de reporter au 1er juillet 2020 la date de l'abrogation des dispositions contestées (cf. l’Ouvrage «Droit pénal général», Y. Carpentier, Définition et champ d'application de la libération conditionnelle N° Lexbase : E2855GAY).
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