Réf. : Cons. const., décision n° 2019-786 QPC, du 24 mai 2019 (N° Lexbase : A1993ZCS)
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par June Perot
le 04 Juin 2019
► La prise en compte, par l'instauration d'un délai spécifique, de la distance séparant le lieu de résidence de la personne poursuivie du lieu où elle est citée à comparaître n'est, par elle-même, pas contraire au principe d'égalité devant la justice ;
► toutefois, en raison de l'étendue du territoire de la République, les modalités de détermination de ce délai définies par les dispositions contestées sont susceptibles de conduire à des délais de distance très différents ; compte tenu des moyens actuels de transport, ces différences dépassent manifestement ce qui serait nécessaire pour prendre en compte les contraintes de déplacement, et ce quelle que soit la distance séparant le lieu de résidence du prévenu de celui de sa comparution ;
► il en résulte que les dispositions de l’article 54 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW) procèdent à une distinction injustifiée entre les justiciables et doivent être déclarées contraires à la Constitution.
Telle est la position adoptée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 24 mai 2019 (Cons. constit., décision du 24 mai 2019, n° 2019-786 QPC N° Lexbase : A1993ZCS).
Le Conseil constitutionnel avait été saisi par la Cour de cassation d’une QPC posée pour l’association Sea Shepherd (Cass. crim., 5 mars 2019, n° 18-85.074, F-D N° Lexbase : A0043Y3Y). La requérante soutenait tout d'abord que ces dispositions seraient contraires au droit à un recours juridictionnel effectif de la victime d'une infraction de presse dès lors que, en raison du délai de distance d'un jour par cinq myriamètres qui doit être respecté entre la citation et la comparution, elles pourraient conduire, en fonction du lieu de résidence de la personne citée à comparaître, à retarder excessivement la date de comparution. Elle soutient ensuite que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la justice au motif qu'elles introduiraient une distinction injustifiée entre les victimes d'infractions de presse selon le lieu de résidence de la personne poursuivie. Elle soutenait enfin que ces dispositions méconnaîtraient le droit à la protection de la réputation qui découlerait du droit au respect de la vie privée.
Le myriamètre est une ancienne unité de mesure adoptée sous la Révolution et encore utilisée dans le cadre des délais de comparution de prévenus. D'une valeur de dix mille mètres (10 km), elle correspondait approximativement à trois lieues. Elle était d'un usage assez courant au XIXème siècle, par exemple dans les guides de voyage ou les descriptions géographiques. Liée aux délais de communications de l’époque, elle a été utilisée dans le Code d’instruction criminelle pour fixer certains délais de procédure.
Enonçant la solution susvisée, le Conseil conclut à la non-conformité des dispositions contestées. S’agissant des effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, le Conseil relève que l'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de supprimer tout délai de distance pour les citations directes délivrées en application de la loi du 29 juillet 1881. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 31 mars 2020 la date de l'abrogation des dispositions contestées.
Le Conseil prévoit également un régime transitoire : afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que les citations délivrées en application de la loi du 29 juillet 1881 après cette date sont soumises aux délais de distance déterminés aux deux derniers alinéas de l'article 552 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3667IUD). La déclaration d'inconstitutionnalité ne peut être invoquée dans les instances engagées par une citation délivrée avant la publication de la présente décision (cf. l’Ouvrage «Responsabilité civile», Le contenu et le champ d'application de la citation à comparaître en matière d'infractions de presse N° Lexbase : E4097EYE).
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