Le Quotidien du 25 mars 2019 : Procédure pénale

[Brèves] Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : les dispositions pénales partiellement censurées par le Conseil constitutionnel

Réf. : Cons. const., décisions du 21 mars 2019, n° 2019-778 DC (N° Lexbase : A5079Y4U) et n° 2019-779 DC (N° Lexbase : A5080Y4W)

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[Brèves] Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : les dispositions pénales partiellement censurées par le Conseil constitutionnel. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/50384945-br--A8ves-loi-de-programmation-2018-2022-et-de-r--A9forme-pour-la-justice-les-dispositions-p--A9nales-par
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par June Perot

le 27 Mars 2019

► Aux termes d’une décision qui restera probablement historique par sa longueur (395 paragraphes), le Conseil constitutionnel a censuré partiellement, avec réserves, certaines dispositions pénales de la loi de programmation 2018-2022 pour la justice (Cons. const., décisions du 21 mars 2019, n° 2019-778 DC N° Lexbase : A5080Y4W et n° 2019-779 DC N° Lexbase : A5080Y4W ; sur le volet «procédure civile», lire N° Lexbase : N8191BXN ; et sur le volet «famille», lire N° Lexbase : N8200BXY).

 

Après des mois de discussions, mobilisations, grèves et manifestations, et plusieurs navettes parlementaires, le contenu de la loi de programmation de la justice 2018-2022 est enfin fixé. La loi dont était saisi le Conseil constitutionnel comptait dans sa version définitive 109 articles, alors que le projet de loi initial en comportait 56. Outre la procédure d'adoption de la loi, 57 des articles étaient contestés par les auteurs des quatre recours. Le Conseil a lui-même indiqué dans sa décision qu’il s’agissait de «la plus longue jamais rendue».

 

Le Conseil a validé diverses mesures de réforme de la procédure pénale, dont notamment celles figurant à l’article 69 créant un parquet national antiterroriste (PNAT ; à ce sujet lire, N. Catelan, Vers un Procureur (national) anti-terroriste, Lexbase Pénal, avril 2018 N° Lexbase : N3721BX4), l'article 74 modifiant les conditions du prononcé des peines d'emprisonnement ferme, l'article 93 habilitant le Gouvernement à réformer par voie d'ordonnance la justice pénale des mineurs, l’article 44 modifiant les conditions dans lesquelles il peut être recouru, dans le cadre d’une enquête ou d’une information judiciaire, à la géolocalisation, l’article 48 qui supprime le principe selon lequel le gardé à vue doit être présenté devant le procureur de la République avant que celui-ci autorise la prolongation de la garde à vue, l’article 53 qui permet, sur autorisation du procureur de la République, la poursuite de certains actes d’enquête postérieurement à l’ouverture d’une information judiciaire (avec réserve)… Le Conseil constitutionnel a également assorti d’une réserve d’interprétation la validation des dispositions de l’article 58 qui étend le champ d’application de l’amende forfaitaire délictuelle. Cette dernière ne devra pas s’appliquer à des délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure à 3 ans, pour un montant ne dépassant pas le plafond des amendes contraventionnelles.

 

Par ailleurs, sont notamment censurés :

 

  • L’article 44 : qui modifie les conditions dans lesquelles il peut être recouru, dans le cadre d'une enquête ou d'une information judiciaire, à des interceptions de correspondances émises par la voie de communications électroniques. Le Conseil constitutionnel relève que le législateur a autorisé le recours à des mesures d'interception de correspondances émises par voie de communications électroniques pour des infractions ne présentant pas nécessairement un caractère de particulière gravité et complexité, sans assortir ce recours des garanties permettant un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulé. Le législateur n'a donc pas opéré une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances.

 

  • L’article 46 : qui autorise le recours à des techniques spéciales d'enquête, dans le cadre d'une enquête de flagrance ou préliminaire, pour tout crime, et non pour les seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. S'agissant de techniques présentant un caractère particulièrement intrusif, le Conseil constitutionnel relève que, si le juge des libertés et de la détention peut ordonner à tout moment leur interruption, les dispositions contestées ne prévoyaient pas qu'il puisse accéder à l'ensemble des éléments de la procédure. Ainsi, alors que son autorisation est donnée pour une durée d'un mois, le juge n'a pas accès aux procès-verbaux réalisés dans le cadre de l'enquête en cours autres que ceux dressés en exécution de sa décision et il n'est pas informé du déroulé de l'enquête en ce qui concerne les investigations autres que les actes accomplis en exécution de sa décision. Par ce motif notamment, le Conseil juge que le législateur n'a pas opéré une conciliation équilibrée entre, d'un côté, l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et, de l'autre, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et l'inviolabilité du domicile.

 

  • L’article 54 : qui supprime l’obligation de l'accord de l'intéressé pour le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle s'agissant des débats relatifs à la prolongation d'une mesure de détention provisoire. Tout en relevant que le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics, en évitant les difficultés et les coûts occasionnés par l'extraction de la personne placée en détention provisoire, le Conseil constitutionnel relève que le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle peut ainsi être imposé à l'intéressé lorsqu'il doit être entendu en vue de la prolongation de sa détention, y compris lorsque ce recours n'est pas justifié par des risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion. Dès lors, eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant le magistrat ou la juridiction dans le cadre d'une procédure de détention provisoire et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce un tel recours à ces moyens de télécommunication, le Conseil juge que les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense.

 

  • L’article 49 : qui porte le délai initial de l’enquête de flagrance à 16 jours. Le Conseil a relevé que compte tenu des pouvoirs attribués aux enquêteurs en flagrance, lesquels ne sont justifiés que par la proximité avec la commission de l'infraction, le législateur n'a, en adoptant les dispositions contestées, pas prévu des garanties légales de nature à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile.

 

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