Le Quotidien du 7 décembre 2018 : Régimes matrimoniaux

[Brèves] Emprunts souscrits par un époux seul et contribution à la dette en régime de communauté : nouvelle piqûre de rappel de la Cour de cassation !

Réf. : Cass. civ. 1, 5 décembre 2018, n° 16-13.323, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2745YPD)

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[Brèves] Emprunts souscrits par un époux seul et contribution à la dette en régime de communauté : nouvelle piqûre de rappel de la Cour de cassation !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/48930950-breves-emprunts-souscrits-par-un-epoux-seul-et-contribution-a-la-dette-en-regime-de-communaute-nouve
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 06 Décembre 2018

► Dès lors qu’il n’est pas démontré que la dette a été contractée dans l’intérêt exclusif de l’époux prédécédé, l’époux survivant attributaire de l’intégralité de la communauté universelle, est tenu du paiement de la dette entrée en communauté du chef de son conjoint.

 

Telle est la solution d’un arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la première chambre civile de la Cour de cassation (dans le cadre d’un régime de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au survivant), qui s’inscrit dans la lignée d’une autre décision tout récemment rendue le 17 octobre 2018 (dans le cadre du régime de la communauté légale), et qui invite à rappeler l’importance de ne pas confondre obligation et contribution à la dette dans un régime de communauté pour la détermination de la consistance du passif de communauté (Cass. civ. 1, 5 décembre 2018, n° 16-13.323, FS-P+B+I N° Lexbase : A2745YPD ; cf. Cass. civ. 1, 17 octobre 2018, n° 17-26.713, F-P+B N° Lexbase : A9891YGG, rappelant que les dettes nées pendant la communauté et celles résultant des emprunts contractés par un époux sans le consentement de l'autre sont présumées communes et doivent être assumées à titre définitif par la communauté, sauf à démontrer que l'époux souscripteur avait agi dans son intérêt personnel ; cf. le commentaire de Jérôme Casey, Lexbase, éd. priv., n° 762, 2018 N° Lexbase : N6457BXG).

 

En l’espèce, les époux s’étaient mariés le 5 avril 1974 sous le régime légal allemand ; par acte notarié du 5 mai 2006, ils avaient, au visa de l’article 15, II, n° 3, de la loi d’introduction au Code civil allemand et de l’article 6 de la Convention de la Haye du 14 mars 1978, adopté le régime de la communauté à titre universel conformément à l’article 1526 du Code civil français, pour tous leurs biens immeubles en France, présents et à venir ; par un second acte du même jour, les époux avaient fait donation à leur fille d’une fraction indivise en nue-propriété d’un immeuble acquis par eux en 1994 ; suivant acte sous signature privée de reconnaissance de dette établi à Stuttgart le 22 juillet 2011, un tiers avait prêté à l’époux la somme de 80 000 euros ; aucun remboursement n’étant intervenu, un jugement du tribunal de Stuttgart, le 22 février 2013, avait condamné l’époux au paiement de cette somme avec intérêts ; ce dernier était décédé par la suite en laissant pour lui succéder son épouse et sa fille ; ces dernières avaient renoncé à la succession tant en France qu’en Allemagne ; le jugement allemand ayant été rendu exécutoire en France, le créancier avait fait inscrire sur la propriété de l’immeuble précité une hypothèque provisoire ; il avait assigné les héritières en inopposabilité pour fraude de leur renonciation à la succession, en liquidation partage de l’indivision successorale et de la communauté, en licitation de la propriété et, à titre subsidiaire, en condamnation de l’épouse survivante à lui payer les dettes communes ou reconnaître la faute des défenderesses et les condamner in solidum au paiement de sa créance.

 

L’épouse faisait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de la condamner à payer au créancier une certaine somme, faisant valoir que «chacun des époux ne peut engager que ses biens propres par un cautionnement ou un emprunt, sauf consentement exprès de son conjoint, ce principe s’appliquant aux époux mariés sous un régime de communauté universelle» ; selon la requérante, le mari ayant emprunté sans l’accord exprès de sa conjointe une somme d’argent à un moment où il était marié sous le régime de la communauté universelle, le créancier ayant consenti un tel emprunt ne pouvait pas saisir les biens communs et, par conséquent, réclamer le paiement de sa créance auprès de la femme ; aussi, selon elle, en affirmant que seule une dette née avant le changement de régime matrimonial des époux aurait pu n’engager que les biens propres et les revenus du mari et non ses biens communs, condamnant ainsi la femme au paiement du montant de l’emprunt, la cour d’appel avait violé l’article 1415 du Code civil (N° Lexbase : L1546ABU).

Mais les arguments ainsi avancés, qui semblent confondre obligation et contribution à la dette, sont balayés par la Haute juridiction qui rappelle, d’abord, que, selon l’article 1409 du Code civil (N° Lexbase : L1540ABN), la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense, des dettes nées pendant la communauté et de celles résultant d’un emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l’autre qui doivent figurer au passif définitif de la communauté dès lors qu’il n’est pas établi que l’époux a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel ; et ensuite, qu’il résulte de l’article 1524 du même code (N° Lexbase : L1645ABK) que l’attribution de la communauté entière en cas de survie oblige l’époux qui en retient la totalité d’en acquitter toutes les dettes.

 

La Cour suprême approuve alors les juges d’appel qui, après avoir estimé qu’il n’était pas démontré que la dette avait été contractée dans l’intérêt exclusif de l’époux prédécédé, et relevé que la clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant avait été mise en oeuvre du fait du décès du conjoint, en avaient exactement déduit que l’épouse survivante, à laquelle était attribuée la totalité de la communauté en pleine propriété, était tenue de la dette entrée en communauté du chef de son conjoint (on rappellera qu'un emprunt contracté sans l'accord du conjoint est un cas rare d'une dette personnelle de l'époux du point de vue de l'obligation, en vertu de l'article 1415 du Code civil, mais commune du point de vue de la contribution ; cf. l’Ouvrage «Droit des régimes matrimoniaux» N° Lexbase : E8961ET3 et N° Lexbase : E9065ETW).

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