Réf. : CEDH, 22 octobre 2018, Req. 35553/12 (N° Lexbase : A0238YHB)
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par Marie Le Guerroué
le 24 Octobre 2018
► Le second volet de l’alinéa c) de l’article 5 § 1 (N° Lexbase : L4786AQC), qui vise le cas où «il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité d[‘]empêcher [l’individu arrêté] de commettre une infraction», peut être considéré comme un motif de privation de liberté distinct, applicable hors du cadre d’une procédure pénale ;
► En l’espèce, la privation de liberté pendant plus de sept heures de supporters pour écarter des risques de violence hooligane n’était pas contraire à l’article 5 § 1 de la CESDH (droit à la liberté et à la sûreté).
Tels sont les apports de la décision de Grande Chambre rendue par la Cour européenne des droits de l’Homme le 22 octobre 2018 (CEDH, 22 octobre 2018, Req. 35553/12 N° Lexbase : A0238YHB ; comp., not., CEDH, 7 mars 2013, n° 15598/08 disponible en anglais).
Dans cette affaire, les requérants avaient été privés de liberté pendant plus de sept heures alors qu’ils se trouvaient à Copenhague pour assister à un match de football entre le Danemark et la Suède. Les autorités les avaient arrêtés pour écarter les risques de violence hooligane. Ils avaient, par la suite, engagé sans succès une action en indemnisation devant les tribunaux danois. Ils soutiennent devant la CEDH que leur privation de liberté avait été irrégulière car elle avait duré plus longtemps que la durée maximum de six heures prévue par le droit interne et était non justifiée au regard de l'article 5 précité.
La Cour estime, en premier lieu, que la privation de liberté litigieuse relevait du second volet de l’alinéa c) de l’article 5 § 1, qui permet d’arrêter et de détenir un individu «lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis un délit, ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction» et non, de l’alinéa b) de l’article 5 § 1, qui autorise la privation de liberté en vue de «garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi», car les requérants n’avaient pas reçu l’ordre précis de respecter une obligation.
Elle juge, toutefois, nécessaire de préciser et de faire évoluer sa jurisprudence relative à l’alinéa c) de l’article 5 § 1. En particulier, elle considère que le second volet de cette disposition, qui vise le cas où «il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité d[‘]empêcher [l’individu arrêté] de commettre une infraction», peut être considéré comme un motif de privation de liberté distinct, applicable hors du cadre d’une procédure pénale.
Elle estime également que l’exigence posée à cet alinéa, selon laquelle les autorités doivent avoir pour but, lorsqu’elles privent la personne de liberté, de la conduire devant l’autorité judiciaire compétente, ne devrait pas faire obstacle à une courte privation de liberté et devrait donc être appliquée avec une certaine souplesse. Aussi pour la Cour, si l’individu arrêté a été conduit aussitôt devant un juge ou qu’il a été libéré avant cela, l’exigence de but a été respectée.
La Cour précise encore que toute souplesse dans ce domaine est, néanmoins, limitée par certaines garanties également posées à l’article 5 § 3 et § 5 : l’exigence que la privation de liberté soit régulière, que l’infraction soit concrète et déterminée et que les autorités soient en mesure de démontrer que l’intéressé aurait selon toute probabilité participé à la commission de cette infraction. De plus, en cas de non-respect de cette obligation, la personne concernée devrait avoir un droit à réparation et, dans le cas d’une privation de liberté préventive, une libération intervenant «plus tôt qu’un contrôle juridictionnel à bref délai» doit intervenir au bout de quelques heures et non au bout de quelques jours.
La Cour estime, en second lieu, qu’il y a lieu d’appliquer, en l’espèce, une approche souple et, examine la question de savoir si la privation de liberté des requérants se justifiait. Elle relève, qu’en l’espèce, les juges danois ont ménagé un juste équilibre entre le droit des requérants à la liberté et l’importance de prévenir le hooliganisme. Elle conclut donc que la privation de liberté pendant plus de sept heures de supporters pour écarter des risques de violence hooligane n’était pas contraire à l’article 5 § 1 de la CESDH.
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