Réf. : CE 10° et 9° s-s-r., 24 août 2011, n° 318144, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3491HXL)
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par Guy Quillévéré, Président-assesseur à la cour administrative d'appel de Nantes
le 27 Septembre 2011
I - L'ensemble constitué d'un progiciel de comptabilité rapportant les recettes journalières et d'un logiciel informatique de caisse non reliés par une interface ne fait pas obstacle à ce que la comptabilité soit regardée comme étant tenu au moyen d'un système informatisé
Aux termes de l'article L. 13 du LPF (N° Lexbase : L6794HWK) : "lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux".
A - Même en l'absence d'interface entre les logiciels d'application informatique permettant d'enregistrer les recettes et de les comptabiliser, le vérificateur est en présence d'une comptabilité informatique
Une comptabilité est parfois, et de plus en plus souvent, tenue au moyen de systèmes informatisés. En pareil cas, afin que le défaut de support papier exploitable n'empêche pas l'administration d'oeuvrer, l'article L. 13 du LPF prévoit que le contrôle peut porter sur l'ensemble des informations, données et traitements qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le CGI, ainsi que sur la documentation informatique.
Dans cette affaire, le vérificateur avait demandé que lui soient communiqués les justificatifs journaliers de recettes et la liste détaillée des produits figurant dans les inventaires de l'entreprise. En réponse, la société requérante avait mis à la disposition de l'administration les copies de quatre fichiers informatiques : le montant journalier des recettes générées par les ventes à emporter pour les exercices 2000 à 2002, le montant journalier des recettes générées par l'activité de bar-brasserie pour les mêmes exercices, le cahier d'inventaire comportant l'état des stocks à fin 2000, 2001 et 2002, et les relevés des notes émises à destination de deux clients. La société avait également informé le service qu'elle disposait d'une caisse informatisée affectée à l'activité restaurant et avait remis au service une copie des fichiers informatiques de cette application.
Le vérificateur avait alors consulté et analysé, au moyen des fonctionnalités des applications, les données contenues dans les fichiers des logiciels au moyen desquels la société tenait sa comptabilité.
B - L'utilisation de logiciels pour mettre en évidence des discordances dans la comptabilité révèle un traitement sur une comptabilité informatisée au sens des dispositions de l'article L. 47 A du LPF
Le point le plus délicat à trancher était celui de savoir si, en l'espèce, le vérificateur avait procédé à un traitement informatisé de l'information. Les garanties prévues par les dispositions de l'article L. 47 A du LPF ne sont, en effet, mises en oeuvre que lorsque l'on est présence de traitements informatiques au sens du LPF. L'article L. 47 A du LPF précise que les opérations de vérification de comptabilité informatisée peuvent être effectuées, au choix du contribuable, soit sur le matériel de l'entreprise, par les agents des impôts ou par le contribuable lui-même suivant les indications de ceux-ci, soit au moyen de copies fournies par l'entreprise sur un support informatique répondant à certaines normes prévues par l'article A. 47 A-1 du LPF (N° Lexbase : L7561IPQ).
En l'espèce, l'administration avait indiqué dans la notification de redressements avoir "exercé son contrôle sur ces données et traitements informatiques, dans la mesure où ils concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables et fiscaux" ; elle avait cité les dispositions de l'article L. 13 du LPF. Mais elle avait estimé ne pas avoir effectué de traitements informatiques de données. La société dénonçait trois violations des garanties de procédure, elle soutenait ne pas avoir été préalablement informée des options procédurales prévue par la loi, elle affirmait ne pas avoir été informée par écrit (au stade de la notification de redressements) du choix de la procédure retenue par le contribuable et prétendait que les copies de fichiers remis au vérificateur ne lui avaient été restituées qu'après la mise en recouvrement.
II - En présence d'un traitement informatisé de l'information le contribuable bénéficie des garanties de procédure prévues par les dispositions des articles L. 13 et L. 47 A du LPF relatives aux sociétés tenant une comptabilité informatisée
En consultant et analysant à l'aide des fonctionnalités informatiques des applications les données contenues dans les fichiers des logiciels au moyen desquels la société tenait sa comptabilité, le vérificateur a procédé à des traitements sur une comptabilité informatisée.
A - La notion de traitement automatisé de l'information précisée
La notion de traitement informatique n'est pas définie par la loi, et pas plus d'ailleurs par la jurisprudence. Toutefois, le tribunal administratif de Strasbourg a regardé les informations enregistrées sur un CD-ROM concernant les appels téléphoniques passés par une société vérifiée pour le compte d'une autre société et servant à établir les factures adressées à cette dernière comme constituant des données brutes et non un ensemble d'informations décrivant le mode de fonctionnement du système informatique de la société vérifiée. Le tribunal en a déduit que ce CD-ROM ne constituait pas un traitement informatique d'informations concourant directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux de la société vérifiée au sens de l'article L. 13 du LPF (TA Strasbourg, 2 juin 2005, n° 020264).
En l'espèce, pour qualifier les opérations effectuées de traitement automatisé de l'information, le Conseil d'Etat retient que le vérificateur consulte et analyse les données comptables à partir des logiciels au moyen desquels la société tient sa comptabilité et s'appuie pour ce faire sur les seules fonctionnalités de ces mêmes logiciels. Surtout, en l'espèce, il n'était pas contesté que les données contrôlées concourraient directement ou indirectement à la formation des résultats comptables et fiscaux. Lorsque le vérificateur procède à la lecture et à l'édition des fichiers contenus dans les disquettes qui lui ont été remises et utilise un progiciel de caisse pour éditer des états dénommés "édition financière" et "édition des ventes", qui lui ont permis de constater des discordances entre les recettes constatées sur ces états et celles comptabilisées par la société, le Conseil d'Etat juge que l'on est en présence de "traitements informatiques" au sens de l'article L. 47 A précité du LPF.
En présence de traitement de données d'une comptabilité informatisée, le contribuable bénéficie de garanties renforcées. En l'espèce, la société avait remis au vérificateur des fichiers contenant des informations qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux au sens de l'article L. 13 du LPF.
B - En présence d'un traitement de données sur une comptabilité informatisée le contribuable bénéficie de garanties de procédures renforcées
Les dispositions de l'article L. 47 A du LPF prévoient que le vérificateur ne peut procéder à des traitements sur la comptabilité informatisée du contribuable sans l'avoir informé préalablement des différentes options offertes quant aux modalités de traitement informatique prévues par cet article (CE 3° et 8° s-s-r., 16 juin 2003, n° 236503, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8682C83).
Ces informations sont les suivantes : si le contribuable demande à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification, le vérificateur lui précise par écrit les travaux à réaliser, ainsi que le délai accordé pour les effectuer ; mais le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise, et met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, les copies étant produites sur un support informatique fourni par l'entreprise répondant à des normes fixées par arrêté. Le texte prévoit aussi que le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées, et interdit à l'administration de reproduire des copies des documents qui lui ont été transmis.
L'administration n'a toutefois l'obligation de respecter cette garantie que si elle procède à des traitements sur la comptabilité informatisée du contribuable. Selon la décision précitée, le moment auquel le vérificateur est tenu d'informer le contribuable des différentes options offertes quant aux modalités de traitement informatique est, au plus tard, celui où il décide de procéder au traitement informatique de la comptabilité informatisée. Tel est le cas dans cette affaire, et le vérificateur ne pouvait procéder au contrôle sans informer préalablement la société des différentes options offertes par les dispositions de l'article L. 47 A du LPF et sans lui indiquer, dans la notion de redressements, conformément aux dispositions de l'article L. 57 du même livre (N° Lexbase : L0638IH4), la nature des traitements effectués.
En effet, l'alinéa 2 de l'article L. 57 du LPF impose à l'administration, lorsqu'elle a effectué les traitements informatiques prévus à l'article L.47 A du même livre, de préciser dans la notification de redressement la nature de ces traitements. Ces dispositions s'appliquent pour les redressements qui trouvent leur origine dans ces investigations (CAA Lyon, 2ème ch., 29 septembre 2005, n° 99LY02537, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1350DLL, confirmé par CE, 7 mars 2007, n° 287580, inédit au recueil Lebon, ou encore CAA Nantes, 1ère ch., 19 juin 2006, n° 03NT00539, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3710DRT).
Enfin, l'article L. 47 A du LPF impose au vérificateur de restituer les supports informatiques au contribuable avant la mise en recouvrement. Selon la jurisprudence, cette règle n'est pas applicable lorsque le contribuable n'a pas remis au vérificateur la copie des traitements informatiques demandés par celui-ci (CE 16 juin 2003, précité).
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