La lettre juridique n°455 du 29 septembre 2011 : Procédures fiscales

[Jurisprudence] Qu'est-ce qu'une comptabilité tenue au moyen d'un système informatisé emportant un traitement automatisé de l'information au sens des dispositions combinées des articles L. 13, alinéa 2, et L. 47 A du LPF ?

Réf. : CE 10° et 9° s-s-r., 24 août 2011, n° 318144, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3491HXL)

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[Jurisprudence] Qu'est-ce qu'une comptabilité tenue au moyen d'un système informatisé emportant un traitement automatisé de l'information au sens des dispositions combinées des articles L. 13, alinéa 2, et L. 47 A du LPF ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/4787838-jurisprudence-questce-quune-comptabilite-tenue-au-moyen-dun-systeme-informatise-emportant-un-traitem
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par Guy Quillévéré, Président-assesseur à la cour administrative d'appel de Nantes

le 27 Septembre 2011

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 24 août 2011, vient préciser la qualification juridique qu'il convient de donner à l'ensemble constitué par un logiciel de caisse et une comptabilité effectuée au moyen d'une autre application informatique, alors même qu'aucun logiciel ne réalise l'interface entre ces deux applications informatiques : même en l'absence d'interface, le vérificateur réalise un traitement informatique sur les données des logiciels qu'il exploite au sens des dispositions de l'article L. 47 A du LPF (N° Lexbase : L5479H9S).
L'arrêt commenté apporte d'utiles précisions sur ce qu'est un système informatisé de comptabilité, tout en précisant la notion de traitement informatique des données. Le Conseil d'Etat juge, en effet, que le constat de discordances résultant de la consultation de données exploitées au moyen des fonctionnalités des logiciels entre, d'une part, un progiciel de caisse et, d'autre part, la comptabilité d'une société tenue au moyen d'une autre application informatique, alors même qu'il n'existe pas entre les deux d'interfaces informatiques, constitue un traitement informatisé des données au sens des dispositions de l'article L. 47 A du LPF. Les faits dans cette affaire sont les suivants : la société requérante, qui exerce une activité de bar-restaurant, ainsi que, depuis le 1er janvier 2002, d'hôtel, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2000, 2001 et 2002. A l'issue de cette vérification, l'administration a écarté comme non probante la comptabilité de la société, reconstitué son chiffre d'affaires et ses résultats d'exploitation et établi des compléments d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt, assortis des pénalités correspondantes. Des rappels de TVA ont également été mis à la charge de la société pour la période de janvier 2000 à décembre 2002. Par un jugement du 12 février 2007, le tribunal administratif d'Orléans avait rejeté la demande de la société requérante tendant à la décharge de ces impositions. Dans un arrêt du 23 avril 2008, la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 1ère ch., 23 avril 2008, n° 07NT00866, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4263EHD), après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions relatives aux rappels de TVA, en raison du dégrèvement obtenu en cours d'instance, avait confirmé le jugement sur les autres impositions. La société requérante s'était alors pourvue en cassation contre cet arrêt, en tant qu'il rejetait ses conclusions relatives aux suppléments d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt.

I - L'ensemble constitué d'un progiciel de comptabilité rapportant les recettes journalières et d'un logiciel informatique de caisse non reliés par une interface ne fait pas obstacle à ce que la comptabilité soit regardée comme étant tenu au moyen d'un système informatisé

Aux termes de l'article L. 13 du LPF (N° Lexbase : L6794HWK) : "lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux".

A - Même en l'absence d'interface entre les logiciels d'application informatique permettant d'enregistrer les recettes et de les comptabiliser, le vérificateur est en présence d'une comptabilité informatique

Une comptabilité est parfois, et de plus en plus souvent, tenue au moyen de systèmes informatisés. En pareil cas, afin que le défaut de support papier exploitable n'empêche pas l'administration d'oeuvrer, l'article L. 13 du LPF prévoit que le contrôle peut porter sur l'ensemble des informations, données et traitements qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le CGI, ainsi que sur la documentation informatique.

Dans cette affaire, le vérificateur avait demandé que lui soient communiqués les justificatifs journaliers de recettes et la liste détaillée des produits figurant dans les inventaires de l'entreprise. En réponse, la société requérante avait mis à la disposition de l'administration les copies de quatre fichiers informatiques : le montant journalier des recettes générées par les ventes à emporter pour les exercices 2000 à 2002, le montant journalier des recettes générées par l'activité de bar-brasserie pour les mêmes exercices, le cahier d'inventaire comportant l'état des stocks à fin 2000, 2001 et 2002, et les relevés des notes émises à destination de deux clients. La société avait également informé le service qu'elle disposait d'une caisse informatisée affectée à l'activité restaurant et avait remis au service une copie des fichiers informatiques de cette application.

Le vérificateur avait alors consulté et analysé, au moyen des fonctionnalités des applications, les données contenues dans les fichiers des logiciels au moyen desquels la société tenait sa comptabilité.

B - L'utilisation de logiciels pour mettre en évidence des discordances dans la comptabilité révèle un traitement sur une comptabilité informatisée au sens des dispositions de l'article L. 47 A du LPF

Le point le plus délicat à trancher était celui de savoir si, en l'espèce, le vérificateur avait procédé à un traitement informatisé de l'information. Les garanties prévues par les dispositions de l'article L. 47 A du LPF ne sont, en effet, mises en oeuvre que lorsque l'on est présence de traitements informatiques au sens du LPF. L'article L. 47 A du LPF précise que les opérations de vérification de comptabilité informatisée peuvent être effectuées, au choix du contribuable, soit sur le matériel de l'entreprise, par les agents des impôts ou par le contribuable lui-même suivant les indications de ceux-ci, soit au moyen de copies fournies par l'entreprise sur un support informatique répondant à certaines normes prévues par l'article A. 47 A-1 du LPF (N° Lexbase : L7561IPQ).

En l'espèce, l'administration avait indiqué dans la notification de redressements avoir "exercé son contrôle sur ces données et traitements informatiques, dans la mesure où ils concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables et fiscaux" ; elle avait cité les dispositions de l'article L. 13 du LPF. Mais elle avait estimé ne pas avoir effectué de traitements informatiques de données. La société dénonçait trois violations des garanties de procédure, elle soutenait ne pas avoir été préalablement informée des options procédurales prévue par la loi, elle affirmait ne pas avoir été informée par écrit (au stade de la notification de redressements) du choix de la procédure retenue par le contribuable et prétendait que les copies de fichiers remis au vérificateur ne lui avaient été restituées qu'après la mise en recouvrement.

II - En présence d'un traitement informatisé de l'information le contribuable bénéficie des garanties de procédure prévues par les dispositions des articles L. 13 et L. 47 A du LPF relatives aux sociétés tenant une comptabilité informatisée

En consultant et analysant à l'aide des fonctionnalités informatiques des applications les données contenues dans les fichiers des logiciels au moyen desquels la société tenait sa comptabilité, le vérificateur a procédé à des traitements sur une comptabilité informatisée.

A - La notion de traitement automatisé de l'information précisée

La notion de traitement informatique n'est pas définie par la loi, et pas plus d'ailleurs par la jurisprudence. Toutefois, le tribunal administratif de Strasbourg a regardé les informations enregistrées sur un CD-ROM concernant les appels téléphoniques passés par une société vérifiée pour le compte d'une autre société et servant à établir les factures adressées à cette dernière comme constituant des données brutes et non un ensemble d'informations décrivant le mode de fonctionnement du système informatique de la société vérifiée. Le tribunal en a déduit que ce CD-ROM ne constituait pas un traitement informatique d'informations concourant directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux de la société vérifiée au sens de l'article L. 13 du LPF (TA Strasbourg, 2 juin 2005, n° 020264).

En l'espèce, pour qualifier les opérations effectuées de traitement automatisé de l'information, le Conseil d'Etat retient que le vérificateur consulte et analyse les données comptables à partir des logiciels au moyen desquels la société tient sa comptabilité et s'appuie pour ce faire sur les seules fonctionnalités de ces mêmes logiciels. Surtout, en l'espèce, il n'était pas contesté que les données contrôlées concourraient directement ou indirectement à la formation des résultats comptables et fiscaux. Lorsque le vérificateur procède à la lecture et à l'édition des fichiers contenus dans les disquettes qui lui ont été remises et utilise un progiciel de caisse pour éditer des états dénommés "édition financière" et "édition des ventes", qui lui ont permis de constater des discordances entre les recettes constatées sur ces états et celles comptabilisées par la société, le Conseil d'Etat juge que l'on est en présence de "traitements informatiques" au sens de l'article L. 47 A précité du LPF.

En présence de traitement de données d'une comptabilité informatisée, le contribuable bénéficie de garanties renforcées. En l'espèce, la société avait remis au vérificateur des fichiers contenant des informations qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux au sens de l'article L. 13 du LPF.

B - En présence d'un traitement de données sur une comptabilité informatisée le contribuable bénéficie de garanties de procédures renforcées

Les dispositions de l'article L. 47 A du LPF prévoient que le vérificateur ne peut procéder à des traitements sur la comptabilité informatisée du contribuable sans l'avoir informé préalablement des différentes options offertes quant aux modalités de traitement informatique prévues par cet article (CE 3° et 8° s-s-r., 16 juin 2003, n° 236503, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8682C83).

Ces informations sont les suivantes : si le contribuable demande à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification, le vérificateur lui précise par écrit les travaux à réaliser, ainsi que le délai accordé pour les effectuer ; mais le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise, et met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, les copies étant produites sur un support informatique fourni par l'entreprise répondant à des normes fixées par arrêté. Le texte prévoit aussi que le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées, et interdit à l'administration de reproduire des copies des documents qui lui ont été transmis.

L'administration n'a toutefois l'obligation de respecter cette garantie que si elle procède à des traitements sur la comptabilité informatisée du contribuable. Selon la décision précitée, le moment auquel le vérificateur est tenu d'informer le contribuable des différentes options offertes quant aux modalités de traitement informatique est, au plus tard, celui où il décide de procéder au traitement informatique de la comptabilité informatisée. Tel est le cas dans cette affaire, et le vérificateur ne pouvait procéder au contrôle sans informer préalablement la société des différentes options offertes par les dispositions de l'article L. 47 A du LPF et sans lui indiquer, dans la notion de redressements, conformément aux dispositions de l'article L. 57 du même livre (N° Lexbase : L0638IH4), la nature des traitements effectués.

En effet, l'alinéa 2 de l'article L. 57 du LPF impose à l'administration, lorsqu'elle a effectué les traitements informatiques prévus à l'article L.47 A du même livre, de préciser dans la notification de redressement la nature de ces traitements. Ces dispositions s'appliquent pour les redressements qui trouvent leur origine dans ces investigations (CAA Lyon, 2ème ch., 29 septembre 2005, n° 99LY02537, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1350DLL, confirmé par CE, 7 mars 2007, n° 287580, inédit au recueil Lebon, ou encore CAA Nantes, 1ère ch., 19 juin 2006, n° 03NT00539, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3710DRT).

Enfin, l'article L. 47 A du LPF impose au vérificateur de restituer les supports informatiques au contribuable avant la mise en recouvrement. Selon la jurisprudence, cette règle n'est pas applicable lorsque le contribuable n'a pas remis au vérificateur la copie des traitements informatiques demandés par celui-ci (CE 16 juin 2003, précité).

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