La lettre juridique n°454 du 22 septembre 2011 : Procédure civile

[Evénement] La saisine de la cour d'appel

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N7750BST

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par Nicolas Cayrol, Agrégé des facultés de Droit, Professeur à l'Université Paris VIII, Vincennes - Saint-Denis, Directeur de l'IEJ François-Grua de Tours

le 22 Septembre 2011

Les réformes récentes de la procédure d'appel tendent à faire de celle-ci un processus objectif, réglé de manière quasi mécanique. D'où l'idée en contrepoint de mesurer la part de la volonté des plaideurs dans la détermination de la saisine de la cour d'appel. Les réformes récentes de la procédure d'appel tendent à faire de celle-ci un processus objectif, réglé de manière quasi mécanique. D'où l'idée en contrepoint de mesurer la part de la volonté des plaideurs dans la détermination de la saisine de la cour d'appel.

1. Dans le langage de la marine, les saisines désignent des attaches ou des cordages : les cordages servant à "saisir", à fixer du matériel sur le pont (les saisines des canons, par exemple). Le risque des tempêtes, c'est que les saisines se brisent. Il y a aussi les saisines de remorque, par lesquelles une embarcation est liée à une autre. "Rompre sa saisine", pour un navire, c'est se libérer de cette entrave (1).

D'une certaine manière, la saisine d'une juridiction est bien aussi une entrave, un ensemble de contraintes qui lient le juge. Le juge saisi d'un litige est lié : il doit examiner le litige dont il est saisi ; et il doit l'examiner d'une certaine manière. La saisine du juge comporte donc deux aspects complémentaires, l'un positif, l'autre négatif : le juge ne peut ignorer ce dont il est saisi et il ne peut en connaître que dans les conditions de sa saisine. La saisine du juge définit donc ce que celui-ci doit connaître et ce qu'il doit ignorer. Elle est, en d'autres termes, l'intelligence du litige par le juge ; elle est la manière dont le droit veut que le juge comprenne le litige qui lui est soumis (2). A noter que cette "intelligence" est une donnée parfaitement objective : elle est le produit des règles de droit qui façonnent la saisine de la cour.

2. Quelles sont ces règles ? A l'analyse, on peut en distinguer plusieurs couches.

Il y a d'abord des règles générales, qui sont communes à toutes les juridictions sans exception et auxquelles la cour d'appel doit se plier comme les autres. Ainsi l'intelligence du litige par la cour d'appel est-elle toujours circonscrite in personam, c'est-à-dire circonscrite aux personnes dont elle est saisie. La cour doit faire abstraction des tiers. Par exemple, saisie d'un litige relatif au paiement d'une prime promise par un employeur à l'ensemble de ses salariés, elle ne doit condamner l'employeur à payer cette prime qu'à ceux des salariés qui l'ont saisie et non pas à l'encontre de l'ensemble du personnel. Sans quoi elle rendrait un arrêt de règlement.

Il y a ensuite des règles spéciales, propres aux différents contentieux dont la cour peut être saisie. Ainsi, saisie d'un appel d'une ordonnance de référé, la cour doit-elle comprendre le litige du point de vue du référé, c'est-à-dire qu'elle n'est pas saisie du principal. Même raisonnement si la cour est saisie d'un appel d'un jugement rendu au possessoire : dans ce cas elle doit limiter sa compréhension du litige au possessoire et ignorer le pétitoire. Ainsi encore si la cour est saisie d'un appel d'une requête en matière gracieuse (3), etc. (4).

Il y a enfin les règles spécifiques à la cour d'appel, celles qui font que l'intelligence du litige par la cour d'appel diffère de la saisine des autres juridictions. Sans surprise, ces règles spécifiques tiennent au fait que la cour est saisie d'une voie de recours contre un jugement de première instance. C'est là que se situe la véritable originalité de la saisine de la cour d'appel ; voilà aussi l'origine d'un contentieux procédural spécifique, contentieux sinon important, du moins régulier et délicat, et qui était certainement l'une des justifications de l'office des avoués. Les subtilités de la saisine de la cour d'appel ne sont pas en effet toujours aisément perceptibles.

3. La notion clé à cet égard est celle d'effet dévolutif de l'appel. L'effet dévolutif de l'appel désigne de manière synthétique l'ensemble de ces règles spécifiques qui gouvernent la saisine de la cour. C'est une notion traditionnelle, à laquelle sont d'ailleurs attachés différents adages tout aussi traditionnels (5). Dire que l'appel a un effet dévolutif, c'est dire que la connaissance du litige qui vient d'être jugé en première instance est dévolue au juge d'appel. Prise à la lettre, l'expression a quelque chose de mécanique. L'effet dévolutif serait une sorte de rouage, un engrenage qui entraîne, qui hisse le litige au degré supérieur, et c'est bien l'impression que laisse l'article 561 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6714H7S) :

"L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit".

A la réflexion cependant, cette image est trompeuse. L'effet dévolutif n'est pas une "effet" comme les autres. Un effet, au sens commun, c'est ce qui est produit par une cause. Mais l'effet dévolutif n'est pas un effet au sens commun ; ce n'est pas une simple conséquence mécanique. L'effet dévolutif, c'est une notion, une notion juridique, dont le contenu a d'ailleurs considérablement évolué (6).

4. Il faut avoir bien conscience des transformations profondes qu'a subi la notion d'effet dévolutif de l'appel au cours de ces dernières décennies. C'est la structure même de la notion qui a changé : les éléments permanents qui la composent ont été déplacés et apparaissent ainsi sous un jour nouveau. C'est ainsi que l'on perçoit mieux aujourd'hui que l'effet dévolutif est composé à la fois d'éléments objectifs, liés à l'administration de la justice, et d'éléments subjectifs, liés à la volonté des plaideurs. La saisine de la cour d'appel est à la croisée de ces considérations. La part subjective de la saisine apparaît nettement à l'article 562, alinéa 1er, du Code de procédure (N° Lexbase : L6715H7T).

"L'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent".

Quelle est aujourd'hui la part de la volonté dans la compréhension du litige par la cour d'appel, telle qu'elle s'exprime dans l'acte d'appel et dans les conclusions ? Que reste-t-il des éléments subjectifs dans la détermination de la saisine de la cour ? La question mérite d'être reposée aujourd'hui, alors que les réformes récentes de la procédure d'appel tendent à en faire un processus quasi mécanique échappant largement à l'emprise de la volonté des plaideurs et de leurs conseils.

5. Pour répondre, il faut distinguer selon que cette volonté a pour objet de limiter la saisine ou de l'étendre, selon qu'il s'agit d'obliger la cour à connaître des points n'entrant pas objectivement a priori dans sa saisine, ou au contraire de l'obliger à ignorer des points entrant dans sa saisine a priori. La portée de la volonté, en effet, n'est pas la même dans les deux cas.

I - Volonté de restreindre la saisine

6. De manière générale, dans l'esprit de l'appelant, l'appel est toujours limité. Il est toujours limité à une amélioration de son sort. C'est du droit : l'appel ne peut aggraver le sort de l'appelant (7). Si un plaideur demande 100 et n'obtient que 50 en première instance, en cas d'appel, la cour ne pourra se prononcer qu'entre 50 et 100, même si elle est persuadée que ce plaideur aurait dû ne rien recevoir du tout ! Il faudrait un appel incident de l'intimé contestant le principe même du premier jugement pour qu'il en aille autrement (8). Il est certainement permis de voir dans cette règle une présomption de volonté.

7. Cela dit, plus particulièrement, l'appelant peut ne vouloir saisir la cour que d'un aspect du litige seulement. Cela correspond à trois hypothèses distinctes :

- l'appel limité à certains chefs du jugement entrepris ;
- l'appel limité à l'annulation du jugement ;
- l'appel limité à un jugement préparatoire.

A. L'appel limité à certains chefs du jugement entrepris

8. Il revient à l'appelant de déterminer l'étendue de l'appel qu'il entend former (9). Par exemple, il peut parfaitement ne vouloir faire appel que de la décision sur les dépens. Ou bien, dans un procès en responsabilité, après avoir contesté le principe de la responsabilité en première instance, il n'en conteste plus que l'étendue. Ou encore, après avoir plaidé contre Pierre et Paul, il abandonne ses prétentions contre Paul.

9. Pourquoi vouloir ne critiquer que certains chefs du jugement au lieu de le contester globalement ? Bien sûr, cela évite d'avoir à rediscuter de points que l'on accepte, soit parce qu'ils sont satisfaisants, soit parce que l'on estime qu'il est illusoire d'espérer obtenir mieux. Mais ce n'est pas tout.

Ne pas contester certains chefs du jugement de première instance a pour conséquence de les rendre définitifs, et par conséquent susceptibles d'exécution. Soit par exemple un litige portant sur plusieurs immeubles ; l'appel limité à la situation d'un des immeubles permettra de d'exécuter les décisions prises à l'égard des autres sur lesquelles les parties sont d'accord. Autre exemple : en matière de divorce, faire appel uniquement du montant de la prestation compensatoire a pour conséquence de rendre définitive la décision de divorce. Donc le divorce lui-même devient définitif ; donc l'appelant peut se remarier.

Il peut aussi y avoir des motifs plus retors : si le divorce est définitif, les devoirs entre époux cessent, donc la pension alimentaire que payait l'appelant jusqu'à présent n'est plus due ; et dans le même temps, du fait de l'effet suspensif de l'appel, il n'a pas non plus à verser la prestation compensatoire (10).

10. Il y a donc des intérêts concrets attachés à l'appel limité. Cela dit, la volonté de l'appelant butera sur celle de l'intimé si celui-ci forme un appel incident pour le tout (11) (à condition bien sûr que l'appel incident soit recevable, ce qui suppose que l'intimé ait partiellement succombé en première instance (12)). La saisine de la cour est une construction à deux.

11. Le choix d'intenter un appel limité n'est pas sans contrainte et doit être soigneusement pesé. L'appel limité, en effet, rend impossible la critique les chefs du jugement non compris dans l'acte d'appel. Des conclusions ultérieures n'y pourront rien changer : des conclusions ultérieures dépassant les limites de l'acte d'appel seront irrecevables. Il ne faut donc pas commettre de faux-pas (13). En cas d'erreur, l'appel limité se transforme en piège pour le plaideur (14). Dans ces conditions, la pratique des avoués consistant à procéder par principe à des appels généraux sauf instructions contraires expresses paraît sage.

12. Elle paraît d'autant plus sage que si l'appelant ne veut pas que certains chefs du jugement soient remis en cause, il peut parfaitement, après avoir interjeté un appel général, limiter ses conclusions. Car la saisine de la cour d'appel dépend non seulement de l'acte d'appel mais également des conclusions. De sorte que la cour, tenue de se prononcer sur les chefs non contestés du jugement, ne peut rien faire d'autre dans ce cas que de les confirmer (15).

Cette stratégie de prudence, malheureusement, présente un inconvénient. L'appel général ayant saisi la cour pour le tout, un moyen de défense (ou une demande reconventionnelle) de l'intimé formulé à l'encontre l'un des chefs du jugement que l'appelant souhaitait ne pas voir remis en cause sera recevable. La réformation n'est donc pas exclue nonobstant les conclusions limitées de l'appelant (16).

B. La volonté d'un appel limité à l'annulation du jugement

13. A priori, interjeter appel pour demander la réformation ou pour demander l'annulation du jugement, ce n'est pas la même chose. Demander l'annulation du jugement, c'est demander que l'on ne tienne pas compte du jugement rendu, c'est vouloir un retour au statu quo ante, donc un renvoi devant la juridiction du premier degré. On touche là l'une des pulcha questio de la théorie de l'appel, qui a donné lieu à l'une des querelles les plus longues et les plus nourries. Mais cette querelle a été tranchée "d'un trait de plume" (17) par le législateur en 1972. L'article 562, alinéa 2 du Code de procédure civile, issu du décret du 28 août 1972, dispose en effet que l'appel tendant à l'annulation du jugement emporte dévolution pour le tout, de sorte que la cour, saisie de l'ensemble du litige, devra l'examiner entièrement en fait et en droit sans pouvoir renvoyer à la juridiction du premier degré.

Cette règle, dans laquelle on reconnaît les idées d'Henri Motulsky (18), et que confortent des considérations d'efficacité et de célérité, fait prévaloir les éléments objectifs en négligeant le caractère spécifique de la volonté de l'appelant. Le législateur présume donc que demander l'annulation d'un jugement, c'est vouloir sa réformation.

14. Cependant, en dépit de la lettre du texte, la jurisprudence a limité la portée de cette présomption légale (19). Elle estime en effet que "si le premier juge n'a pas été valablement saisi" (i.e. si l'acte introductif d'instance est nul (20)), l'appel limité à l'annulation n'emporte pas saisine de la cour de l'ensemble du litige (21). Avec cette conséquence que si elle fait droit aux prétentions de l'appelant, si donc elle annule le jugement, elle ne statuera pas au fond (22). Le demandeur initial ne pourra donc que reprendre le procès depuis le début, à condition bien sûr que son action ne soit pas prescrite... On peut voir dans cette solution particulière un hommage rendu à la volonté.

15. Contre-épreuve de cette analyse : lorsque l'appelant, tout en demandant l'annulation du jugement pour cause de nullité de l'acte introductif d'instance, conclut en même temps au fond à titre principal (23), la Cour de cassation considère que, dans ce cas, l'appel emporte saisine de la cour pour le tout (24). Si la volonté de l'appelant est de plaider au fond, cette volonté doit être respectée, nonobstant la nullité de l'acte introductif d'instance.

C. La volonté d'un appel limité à un jugement préparatoire

16. Reste à évoquer l'appel de ces jugements qui ne vident pas le fond du litige : les jugements ordonnant une mesure d'instruction ou un sursis, les jugements statuant sur une exception de procédure. Dans toutes ces hypothèses, l'objet de l'appel est a priori objectivement limité de sorte que lorsque celui-ci aura été vidé, il faudra retourner devant les premiers juges. On peut du moins présumer que telle est la volonté de l'appelant.

17. Mais ici encore, la volonté précise et limitée de l'appelant peut être contrée : elle peut se heurter à la faculté d'évocation de la cour d'appel, c'est-à-dire à la faculté qui lui est reconnue de se saisir d'office de l'ensemble du litige, en dépit du caractère limité de l'appel interjeté.

On a discuté du fondement de l'évocation. Autrefois, lorsque l'on raisonnait encore en termes de justice déléguée ou de justice retenue, l'évocation était considérée comme une marque de souveraineté. On a aussi soutenu que l'évocation avait un caractère disciplinaire ; elle était une marque de défiance à l'égard du premier juge, voire une sorte de déchéance de celui-ci. Nous n'en sommes plus là aujourd'hui. La preuve est que l'évocation par la cour d'appel n'est plus comme autrefois subordonnée à l'infirmation du jugement entrepris.

Aujourd'hui, la faculté d'évoquer est considérée comme une simple mesure d'administration de la justice, un procédé commode pour accélérer le cours le cours de la justice (25). Dans le Code de procédure civile, la faculté d'évoquer appartient à la cour "si elle estime d'une bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive" (26). Les considérations objectives l'emportent donc ici sur la volonté exprimée par l'appelant. A noter que l'évocation est possible même si la cour n'est pas en mesure de trancher immédiatement le litige, et qu'il lui faut ordonner une mesure d'instruction.

18. Pour la Cour de cassation, l'évocation est une faculté discrétionnaire, c'est-à-dire qu'elle n'a pas à être spécialement motivée (27). Or, le caractère discrétionnaire de l'évocation a fait récemment l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité en procédure pénale, à propos de l'article 207 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1661H4B) relatif à la faculté d'évocation de la chambre de l'instruction. Dans sa décision en date du 17 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a censuré ce texte en considérant que le caractère discrétionnaire de la faculté d'évocation par la chambre de l'instruction emportait rupture d'égalité. S'interrogeant sur la portée de cette décision, et compte tenu du motif évoqué, la doctrine a émis des doutes sur la constitutionnalité du régime de l'évocation en procédure civile (28).

19. Quoi qu'il en soit, si l'exercice de la faculté d'évocation est discrétionnaire, en revanche, son domaine est soigneusement circonscrit. La Cour de cassation censure les cours d'appel qui évoquent en dehors des hypothèses admises.

Il y en a quatre, et seulement quatre : 1. appel d'un jugement statuant sur une exception de procédure et mettant fin à l'instance (29) ; 2. appel (autorisé par le premier président) d'un jugement ordonnant une expertise (30) ; 3. appel (autorisé par le premier président) d'un jugement ordonnant un sursis à statuer (31) ; 4. en cas de contredit à l'encontre d'une décision par laquelle le juge se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond et si la cour d'appel est la juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente (32).

Toute tentation d'évoquer en dehors de ces cas précis est censurée. Notamment, l'évocation n'est pas admise en cas d'appel immédiat d'un jugement mixte, c'est-à-dire d'un jugement tranchant une partie du principal et ordonnant une mesure d'instruction ou une mesure provisoire (33). Elle n'est pas admise non plus à l'encontre des jugements refusant le sursis ou, même lorsque le sursis a été ordonné, si le premier président n'a pas autorisé l'appel (34). En veillant aux limites de l'évocation, la Cour de cassation, peut-on dire, se fait la gardienne de la volonté des plaideurs de limiter la saisine de la cour d'appel.

En doctrine, on trouve cependant des propositions dans le sens d'un assouplissement raisonnable de ces limites, donc d'une extension de la faculté d'évocation, considérant qu'il s'agit d'un intéressant facteur d'accélération des procédures (35). L'une d'elles mérite d'être citée ici parce qu'elle se rattache directement à notre questionnement. Elle consiste à laisser aux parties la liberté d'autoriser la cour à évoquer en dehors des cas autorisés : "autant on peut comprendre que les parties disposent de la liberté, précieuse, de limiter l'étendue de leur appel, autant un accroissement de leur liberté d'étendre le champ de l'appel initial serait bienvenue, puisque l'instance étant déjà pendante devant la cour, la question du délai dans lequel l'appel est interjeté ne présente plus la même acuité" (36).

Voilà qui conduit directement à la volonté d'étendre la saisine.

II - Volonté d'étendre la saisine

20. Comme toutes les juridictions, la cour d'appel est saisie in rem. Elle ne connaît que des prétentions et des allégations présentées par les parties en première instance. Hors les hypothèses d'évocation, elle doit donc normalement ignorer les faits qui ne sont pas dans le débat et les prétentions qui n'ont pas été soumises au premier juge. Cette solution traditionnelle s'exprime sous la forme d'un adage : Tantum devolutum, quantum judicatum ; il n'est dévolu qu'autant qu'il a déjà été jugé. Cela dit, pour comprendre la portée de cet adage, il convient de distinguer les allégations et les prétentions.

21. S'agissant des allégations des parties, c'est-à-dire des moyens de fait et de droit présentés par les parties au soutien de leurs prétentions, est-il permis de vouloir étendre la saisine de la cour, de lui faire connaître de nouveaux moyens ? Oui : les parties peuvent alléguer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. L'article 563 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6716H7U) est sans équivoque à cet égard. La saisine de la cour d'appel n'est pas limitée aux allégations et aux moyens de preuve présentés en première instance. La règle, qui date de 1935, est bienvenue (37) ; elle est évidemment très importante. Par là, la saisine de la cour d'appel se distingue de celle de la Cour de cassation : sur pourvoi en cassation, en effet, les moyens nouveaux ne peuvent plus être allégués (C. pr. civ., art. 619 N° Lexbase : L6778H78).

22. Si les allégations nouvelles sont librement recevables en appel, la solution est inverse en ce qui concerne les prétentions. A l'égard des prétentions, les parties ne sont plus libres de faire ce qu'elles veulent. L'article 564 (N° Lexbase : L0394IGP) pose, en effet, le principe de l'irrecevabilité des prétentions nouvelles en appel, au besoin d'office. L'idée qui préside à cette règle est que l'appel est voie de recours, voie de réformation de ce qui a déjà été jugé. Dans cette représentation, hors de question par conséquent de faire juger par la cour d'appel ce que ne l'a pas été en première instance. Les parties ne peuvent pas vouloir exprimer des prétentions nouvelles en appel. Voici du moins une conception de la saisine de la cour d'appel.

23. Cependant, la règle de l'irrecevabilité des prétentions nouvelles en appel a connu une évolution importante avec le nouveau Code de procédure civile, lequel a consacré une autre conception de la voie d'appel : l'appel comme voie d'achèvement du litige, et non plus comme simple réformation du jugement provoqué par ce litige. L'idée générale est la suivante : il est bon que l'arrêt de la cour d'appel apporte une réponse aussi complète que possible au litige opposant les parties, et tant pis si cela implique de faire juger des points qui n'auraient pas été soumis au premier juge. L'idée d'un appel "voie d'achèvement" implique d'admettre un certain renouvellement des liens processuels qui existaient lors de l'instance du premier degré.

24. Cette idée apparaît très clairement en matière prud'homale où, par exception, "les demandes nouvelles dérivant du contrat de travail sont recevables en appel" (C. trav., art. R. 1452-7 N° Lexbase : L0929IAN). On justifie généralement cette exception en raison du principe de l'unicité de l'instance propre au contentieux prud'homal (38).

25. Hors le contentieux prud'homal, si le principe est au contraire que la cour doit ignorer les prétentions nouvelles, l'apport essentiel du Code de procédure civile consista à limiter la portée de ce principe de manière à permettre aux plaideurs d'étendre la saisine de la cour. Une rapide revue des textes en la matière permet de vérifier cette analyse.

- Article 564. Ce texte, tout en posant le principe de l'interdiction des prétentions nouvelles en appel, admet par exception que les parties sont en droit de vouloir, pour la première fois en appel, opposer la compensation, demander le rejet des prétentions adverses, ou encore qu'il soit statué sur des questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la révélation d'un fait.

- Article 565 (N° Lexbase : L6718H7X). Suivant ce texte, sont également recevables les prétentions "tendant aux mêmes fins" que les prétentions originelles. Par là, il faut comprendre non seulement l'augmentation du montant de la demande en appel, mais également la transformation de l'objet de la demande, pourvu que le but poursuivi soit le même (39).

- Article 566 (N° Lexbase : L6719H7Y). Sont recevables aussi les demandes "virtuellement comprises" dans celles de première instance et celles "qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément".

- Article 567 (N° Lexbase : L6720H7Z). "Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel", pourvu bien sûr -comme n'importe quelle demande reconventionnelle- qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

- Pour compléter ce panorama, il convient impérativement de citer aussi l'article 555 du code (N° Lexbase : L6706H7I). Suivant ce texte, sont recevables les demandes nouvelles en intervention forcée d'un tiers, même aux fins de condamnation de ces derniers. Solution très remarquable, qui fut au demeurant âprement discutée, car elle revient nécessairement à priver le tiers mis en cause du double degré de juridiction (40). Seule condition posée par la loi, la demande à l'égard des tiers ne sera recevable que si "l'évolution du litige l'impose".

Quelle synthèse de tout cela ? Quels traits généraux tirer de cette revue ? Deux idées se dégagent.

26. Première idée, c'est l'évidence : nous avons dépassé la conception d'un appel "réformation" au sens le plus strict, c'est-à-dire d'un appel limité à ce qui a déjà été jugé ; nous sommes sous l'ère d'un appel voie d'achèvement, tendant à vider le litige davantage qu'à retoquer le travail des premiers juges. Tous les textes cités convergent en ce sens. Il faut y voir plus qu'une accumulation de cas particuliers, mais bien les différentes faces d'un plan d'ensemble. Tous ces textes tendent à conférer à la volonté des parties une emprise sur la saisine de la cour d'appel qu'elle n'avait pas auparavant.

27. Pourtant, en dépit de cette unité d'inspiration, on peine à mesurer exactement l'ampleur de cette évolution. Chacune des règles citées donne lieu à des interprétations d'un raffinement et d'une subtilité que l'on peut parfois juger excessifs. Que faut-il entendre au juste par demandes "tendant aux mêmes fins" (41) ? par demandes "virtuellement comprises" dans les premières (42) ? par "demande reconventionnelle" (43) ? par "évolution du litige" de nature à justifier l'intervention forcée d'un tiers (44) ? Autant d'interrogations qui jettent un voile sur le contenu exact de la maîtrise que les plaideurs peuvent avoir de la saisine de la cour. L'impression d'ensemble est que la volonté d'étendre la saisine de la cour est étroitement, rigoureusement enserrée ; que la Cour de cassation veille à ce que l'interdiction des demandes nouvelles reste un principe cardinal de l'appel.

28. Ce sentiment est encore conforté à la lecture du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 (N° Lexbase : L0292IGW). Ce texte modifie la rédaction de l'article 564 renforçant la sanction des prétentions nouvelles : désormais, l'irrecevabilité de celles-ci peut être "prononcée d'office". Ce qui signifie que les parties ne peuvent plus désormais s'entendre pour soumettre à la cour de nouvelles prétentions. Cette disposition nouvelle a été critiquée. Selon un auteur : "il y a là une modification notable de l'office des parties en cause d'appel que rien ne paraît justifier, et qui est d'autant plus préoccupante qu'elle est soumise à la seule appréciation du juge. Il y a là également matière à une "frustration procédurale" pour les parties dont le procès n'aurait pas été tranché dans toutes ses composantes. [...] Ainsi, après avoir opté pour l'appel voie d'achèvement, on en réduit sa portée en permettant au juge de relever d'office l'irrecevabilité d'une prétention nouvelle, alors même que les parties étaient d'accord pour les soumettre à la cour" (45).

29. Le nouvel article 564 s'inscrit assurément dans la conception de l'appel développée dans le rapport du président Magendie (46), tendant à faire de l'appel une voie d'achèvement certes, mais une voie d'achèvement "maîtrisée" (47. Voilà la deuxième idée : la "maîtrise", la limitation de l'appel voie d'achèvement. La volonté des parties d'étendre la saisine de la cour, corrigeant ainsi la conception objective traditionnelle de l'appel comme simple voie de réformation, se trouve donc à son tour contrebalancée par des considérations objectives de la loi et la jurisprudence.

30. Que conclure ? La volonté de restreindre ou d'étendre la saisine de la cour n'est pas ignorée ni sans effet, mais elle est toujours enserrée dans des conditions objectives strictes. On pourrait se contenter d'observer ce mouvement de balancier, d'admirer la finesse de la dialectique entre les éléments objectifs et subjectifs. Mais le contexte général en procédure civile ne porte pas à la contemplation, voire à la complaisance. Comme l'écrit le doyen Georges Wiederkehr, les notions de procédure "ne sont que les pièces d'un ensemble correspondant à un système de raisonnement, ordonné en vue d'une fin. Elles ne remplissent leur rôle que par leur assemblage et n'ont, en réalité, d'existence qu'en fonction du tout dont elles sont les éléments" (48). Ce qui implique que la saisine de la cour d'appel ne peut être considérée indépendamment du contexte général dans lequel elle se déploie, et spécialement, qu'elle ne peut être convenablement appréhendée si l'on ignore les secousses qui agitent depuis quelques années la compréhension des principes directeurs du procès. L'on sait que la Cour de cassation a, en modifiant les conditions de la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée, imposé de fait aux plaideurs l'obligation de présenter au cours du procès l'ensemble des moyens de droit de nature à justifier leurs prétentions (49) ; qu'elle a encore accru le poids de cette contrainte en refusant de sanctionner le juge qui ne relèverait pas d'office la règle de droit directement applicable au litige (50). Dans ces conditions, le double degré de juridiction apparaît comme une garantie plus précieuse que jamais pour les plaideurs, et les limites venant borner la saisine du litige par la cour d'appel comme des contraintes aux conséquences plus graves que jamais.


(1) Les marins utilisent également le verbe "saisiner", qui ne figure dans aucun dictionnaire courant : "saisiner un véhicule sur le pont d'un navire", par exemple.
(2) V. N. Cayrol, La saisine du juge, in De code en code, Mélanges Georges Wiederkehr, Dalloz, 2009, p. 99.
(3) En matière contentieuse, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas le débat (C. pr. civ., art. 7). Il doit donc faire abstraction de ses connaissances personnelles. En matière gracieuse, au contraire, "le juge peut fonder sa décision sur tous les faits relatifs au cas qui lui est soumis, y compris ceux qui l'auraient pas été allégués" (C. pr. civ., art. 26).
(4) V. encore l'article 1483 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6448H7X), relatif à l'arbitrage, qui précise que "le juge d'appel statue comme amiable compositeur lorsque l'arbitre avait cette mission", ce qui signifie que saisie en équité, la cour d'appel doit ignorer le règlement en droit du litige.
(5) Tantum devolutum, quatum appellatum (il n'est dévolu qu'autant qu'il est appelé) ; Tantum appellatum, quatum judicatum (il n'est dévolu qu'autant qu'il a été jugé). Adages cités par le doyen Cornu dans son ouvrage de Linguistique juridique pour illustrer la rime (Montchrestien, Précis Domat, 3ème éd. 2005, p. 393).
(6) Roger Perrot l'a souligné encore récemment : "On enseigne toujours dans nos facultés que l'appel produit un double effet suspensif et dévolutif. Et l'on a raison, car on retrouve les mêmes principes, les mêmes mots, les mêmes expressions que jadis. Ils ont tout simplement été vidés de leur substance. L'essentiel [écrit-il encore] est d'en prendre conscience" (R. Perrot, Les effets de l'appel en droit français, in J. van compernolle et A. Saletti, Le double degré de juridiction, Bruylant, 2010, p. 288).
(7) V. parmi de nombreux arrêts, Cass. civ. 2, 26 juin 1991, n° 90-13.398 (N° Lexbase : A4766ACI), Bull. civ. II, n° 192.
(8) Et encore, à condition que cet appel incident soit principal et non subsidiaire : jugé en effet que le sort de l'appelant ne peut être aggravé sur son seul appel ; l'appel incident subsidiaire d'un intimé est sans portée à cet égard lorsque la prétention principale de celui-ci tendant à la confirmation du jugement a été accueillie en ses dispositions le concernant (Cass. civ. 2, 12 juin 2008, n° 07-13.901 N° Lexbase : A0572D93, Bull. civ. II, n° 138).
(9) Il a été soutenu que cette possibilité était réservée à la procédure écrite avec représentation obligatoire. Lorsque la procédure est orale, la déclaration d'appel serait nécessairement faite pour le tout (v. J.-P. Duhamel, L'effet dévolutif de l'appel au regard de l'acte d'appel et des écritures des parties, BICC hors série n° 2, p. 49). C'est douteux. On ne voit pas pourquoi à l'oral la volonté ne pourrait pas s'exprimer dans un sens restrictif. Il suffit simplement qu'elle soit établie. A défaut, on présumera un appel général.
(10) Exemples cités par J.-P. Duhamel, art. cit..
(11) Dans les procès complexes, l'appel incident peut être dirigé contre une partie en première instance à l'encontre de laquelle l'appel principal n'est pas dirigé. On parle d'appel "provoqué" (C. pr. civ., art. 549 N° Lexbase : L6700H7B) : ex. action du maître de l'ouvrage contre l'entrepreneur, qui appelle en garantie le fabriquant. Débouté en première instance, le maître de l'ouvrage fait appel ; l'entrepreneur forme un appel provoqué contre le fabriquant.
(12) S'il a triomphé en tout, l'intimé ne peut que demander la confirmation du jugement entrepris. Bien distinguer d'autre part, l'appel incident de la demande incidente en appel. Le régime n'est pas le même : les appels incidents sont admis largement alors que les demandes incidentes sont en principes interdites (v. infra, n° 22).
(13) Seul espoir, alors, tirer parti de la règle selon laquelle la cour est saisie non seulement des chefs du jugement entrepris, mais également de ceux qui en dépendent. Mais cela ne fait pas tout.
(14) La seule parade consiste à la rigueur à interjeter un appel complémentaire si le délai n'est pas expiré. Aucun texte ne prévoit cette possibilité mais on ne voit pas ce qui l'empêcherait. En ce sens, J.-P. Duhamel, art. cit., p. 48.
(15) V. Cass. civ. 1, 14 décembre 2004, n° 02-14.937 (N° Lexbase : A4639DEK), Procédures, 2005, n° 26, obs. Perrot.
(16) V. Cass. civ. 2, 24 juin 2004, n° 02-11.160 (N° Lexbase : A7974DCC), Bull. civ. II, n° 309 ; RTDCiv, 2004, 558, obs. Perrot - en l'espèce, la demande reconventionnelle de l'intimé formulée en appel était liée à des points du litige que l'appelant ne critiquait pas.
(17) V. J. Vincent, Les dimensions nouvelles de l'appel en matière civile, D., 1973, chron. 179, n° 40.
(18) Celui-ci écrivait en 1958 : "L'appel n'a pas deux fonctions, mais une seule : la réformation... si [cette voie de recours] peut exceptionnellement tenir lieu d'une voie de nullité, elle n'en devient pas une pour autant. Elle ne devient surtout pas, à notre sens, voie de nullité de par la volonté des parties" (H. Motulsky, Nouvelles réflexions sur l'effet dévolutif de l'appel et l'évocation, JCP, 1958, 1, 1423, ou Ecrits, p. 15, n° 7).
(19) V. R. Perrot : "cette solution est tellement contraire à la logique que la jurisprudence a manifesté quelques réticences", in Les effets de l'appel en droit français, art. cit., n° 8, p. 283.
(20) Si l'acte est nul pour vice de fond, par exemple inexistence légale du défendeur, défaut de capacité ou de pouvoir, etc., la nullité peut être demandée en tout état de cause et même pour la première fois en appel. La comparution du défendeur appelant en première instance n'emporte pas régularisation de l'acte. Si l'acte est nul pour vice de forme, la nullité ne peut être obtenue que si elle est demandée avant toute défense au fond. Dans ce cas, elle ne pourra être demandée en appel que si, et seulement si, le défendeur appelant n'a pas comparu en première instance.
(21) V. Cass. civ. 1, 17 octobre 2007, n° 06-20.232 (N° Lexbase : A8119DYD), Bull. civ. I, n° 319.
(22) Idem en droit des procédures collectives : l'appel en annulation du jugement d'ouverture pour défaut de saisine régulière du tribunal n'emporte pas saisine de la cour ; celle-ci n'est donc pas en droit de prononcer l'ouverture de la procédure (Cass. com., 4 janvier 2005, n° 03-11.465, FS-P+B N° Lexbase : A8714DEH, Bull. civ. IV, n° 2 ; JCP, 2005, II, 10080, note Cagnoli ; RTDCiv., 2005, 636). Solution remarquable parce qu'elle opère un revirement de jurisprudence et qu'elle aligne la procédure commerciale sur la procédure civile. Mais la portée du revirement est limitée : hors de ce problème de régularité de la saisine, l'appel-nullité emporte saisine de la cour d'appel pour le tout (v., par ex., Cass. com., 28 mai 1996, n° 94-14.232 N° Lexbase : A1400ABH, D., 1997, 538, note Bolard). V. P. Gerbay, Les effets de l'appel-nullité : un choix à pile ou face ? Mélanges Tricot, Dalloz, 2011, p. 365 ; P. Gerbay, Les effets de l'appel voie d'annulation, D., 1993, chron. 143 ; P. Gerbay, Nouvelles réflexions sur l'appel voie d'annulation, Gaz. Pal., 24 et 2 juin 2003.
(23) Autrefois, la Cour de cassation considérait que des conclusions subsidiaires emportaient renonciation à se prévaloir de la nullité du jugement (qui était pourtant expressément demandée !). Depuis un arrêt de revirement du 25 mai 2000, les conclusions subsidiaires ne comptent pas si le jugement est effectivement annulé (v. Cass. civ. 2, 25 mai 2000, n° 98-20.941 (N° Lexbase : A5540AW4), Bull. civ. II, n° 87 ; Procédures, 2000, n° 160, obs. Perrot).
(24) Ainsi jugé, par exemple, à l'occasion d'un appel d'une sentence arbitrale : Cass. civ. 2, 20 mars 2003, n° 01-12.398 (N° Lexbase : A5400A77), Bull. civ. II, n° 69 ; D., 2003, 943 ; RTDCom., 2003, 699, obs. Loquin ; Cass. civ. 1, 28 novembre 2007, n° 06-14.306 (N° Lexbase : A9402DZA), Bull. civ. I, n° 370.
(25) V. M. Caratini, L'article 568, une modalité essentielle de l'indemnisation rapide des victimes d'accidents de la circulation, Gaz. Pal., 1984, doct. 130.
(26) C. pr. civ., art. 568 (N° Lexbase : L6721H73) et 89 (N° Lexbase : L1333H47), en cas de contredit.
(27) Cass. civ. 1, 2 mai 1989, n° 87-17.705 (N° Lexbase : A3144AHW), Bull. civ. I, n° 174.
(28) V. Tellier, note sous Cons. const., 17 décembre 2010, décision n° 2010-81 QPC (N° Lexbase : A1873GNP), JCP 2011, 144. Cf. en l'état du droit antérieur, les réflexions de M. Loisel, Emploi optimal de la notion d'évocation en procédure civile, JCP, 1971, I, 2432, n° 38 et s..
(29) C. pr. civ., art. 568 : annulation de l'assignation, péremption d'instance. V. le commentaire de Héron et Le Bars, n° 729.
(30) C. pr. civ., art. 568. Le texte parle de jugement ordonnant une mesure d'instruction. Or, ces jugements ne sont pas en principe susceptibles d'appel indépendamment du jugement pour le fond. En réalité, pour l'essentiel sont concernés par une possible évocation, les jugements ordonnant une mesure d'instruction confiée à un technicien, c'est-à-dire une expertise, qui sont -par exception- susceptibles d'appel immédiat sur autorisation du premier président : C. pr. civ., art. 272 (N° Lexbase : L1833H4N).
(31) Ce cas n'est prévu par aucun texte. Il résulte d'une jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle raisonne par analogie avec l'hypothèse précédente : Cass. civ. 2, 25 mars 1985, n° 80-40.788 (N° Lexbase : A2235AAZ), Bull. civ. II, n° 73 ; D., 1985, IR, 467, obs. Julien ; Gaz. Pal., 1985, 1, pan. 197, obs. Croze et Morel ; Cass. civ. 2, 12 mars 1997, n° 95-11.441 (N° Lexbase : A0316ACP), Bull. civ. II, n° 69 ; Cass. civ. 2, 21 avril 2005, n° 03-16.466 (N° Lexbase : A9602DH4), Bull. civ. II, n° 110.
(32) C. pr. civ., art. 89 (N° Lexbase : L1333H47).
(33) Cass. civ. 2, 16 novembre 1983, n° 82-14.653 (N° Lexbase : A7797CHA), Bull. civ. II, n° 178.
(34) Cass. civ. 2, 30 janvier 2003, n° 00-15.914 (N° Lexbase : A8458A4Z), Bull. civ. II, n° 21 ; Droit et procédure, 2003, p. 246, obs. Hoonakker ; D., 2003, 1399, obs. Julien ; Cass. civ. 2, 8 avril 2004, n° 02-16.101 (N° Lexbase : A8314DBK), Bull. civ. II, n° 161. Violation des articles 380 et 568 du Code de procédure civile. Solution logique pour Héron et Le bars, op. cit., n° 728, en note.
(35) D. Cohen, Le domaine de l'évocation, Mélanges Jacques Héron, LGDJ, 2008, p. 173.
(36) D. Cohen, art. cit., p.180. V. d'ailleurs sur ce point H. Motulsky, Les rapports entre l'effet dévolutif de l'appel et l'évocation dans la jurisprudence récente de la cour suprême, JCP, 1953, 1, 1905 ; Ecrits de procédure civile, p. 3, n° 14, qui évoque une affaire où l'intimé avait accepté le cadre du débat tel que l'appelant l'avait tracé, et qui excédait les limites tracées par la dévolution normale, sans pour autant que la cour ait évoqué. D. Cohen suggère aussi d'admettre l'évocation en cas d'appel d'un jugement mixte au sens de l'article 544. Il approuve d'autre part la Cour de cassation d'entendre largement la notion de mesure d'instruction (v. Cass. civ. 2, 28 juin 2006, n° 05-19.156 (N° Lexbase : A1188DQ3), Bull. civ. II, n° 171 ; D, 2006, 2051 ; RTDCiv., 2006, 828, obs. Perrot.
(37) Elle date du décret-loi du 30 octobre 1935 (N° Lexbase : L2969AIS), réformant l'article 464 de l'ancien Code de procédure civile. Depuis cette réforme, les demandes nouvelles ne sont plus définies relativement à leur cause.
(38) v. J. Héron et T. Le Bars, Droit judiciaire privé, Précis Domat, 4ème éd. 2010, n° 738 ; K. Salhi, Les spécificités de l'appel en matière prud'homale, in M. Keller, dir., Procès du travail, travail du procès, LGDJ, 2008, p. 378.
(39) Sur cette base, il a été jugé par exemple qu'il était possible de demander la reconstruction d'un ouvrage mal construit après avoir sollicité sa destruction ; de demander le partage en nature après avoir demandé la licitation ; de demander la résolution d'une convention après avoir fait valoir l'exception d'inexécution. Comme dit la Cour de cassation "l'exception d'inexécution et l'action en résolution d'une convention constituent sous deux formes différentes l'exercice d'un même droit et tendent aux mêmes fins" (Cass. civ. 1, 2 février 1999, n° 96-21.291 N° Lexbase : A3311AU8 Bull. civ. I, n° 33, RG proc., 1999. 627, obs. G. Wiederkehr).
(40) V. R. Perrot, Les effets de l'appel en droit français, art. cit., p. 285.
(41) La notion de prétentions tendant aux mêmes fins soulève des difficultés d'interprétation, dont témoignent certaines hésitations jurisprudentielles. Pourtant nous disposons d'un critère. Selon M. Jérôme Passa, il faut mais il suffit pour qu'il y ait identité des fins que les deux demandes successives soient alternatives et non cumulatives. Si la prétention présentée pour la première fois en appel est nécessaire alternative à celle présentée en première instance, si donc les prétentions ne peuvent pas se cumuler, alors elles constituent deux formes différentes de l'exercice d'un même droit. Ce sont des prétentions tendant aux mêmes fins recevables par conséquent en appel. Au contraire, si les deux prétentions peuvent être présentées cumulativement, alors la seconde présentée pour la première fois en appel sera nouvelle et partant irrecevable (J. Passa, La recevabilité en appel des demandes tendant aux mêmes fins dans le procès civil, Justices, 1997/7, p. 105).
(42) V. L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, Litec, 6ème éd., n° 842.
(43) Par exemple, n'est pas reconventionnelle et partant irrecevable la demande formulée pour la première fois en appel à l'encontre d'un codéfendeur (Cass. civ. 3, 3 décembre 2008 ; D., 2009, 107 ; JCP éd. G, 2009, IV, 1048). Mais qu'est-ce au juste qu'une demande reconventionnelle ? On en discute et d'ailleurs cela a encore été discuté récemment de manière solennelle devant l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (v. Ass. plén., 22 avril 2011, n° 09-16.008 (N° Lexbase : A1066HP8), rapport J.-Y. Frouin ; avis G. Azibert).
(44) V. Ass. plén., 11 mars 2005, n° 03-20.484 (N° Lexbase : A2721DHA), Bull civ., n° 4 ; JCP éd. G, 2005, II, 10061, concl. Cédras ; RTDCiv., 2005, 455, obs. Perrot. Deux conditions doivent être réunies pour que l'évolution du litige soit caractérisée et justifie l'intervention forcée du tiers : il faut, d'une part, la survenance d'un événement nouveau (c'est-à-dire soit un événement résultant du jugement lui-même, soit postérieur au jugement : Cass. civ. 3, 8 mars 2006, n° 05-12.543 N° Lexbase : A5111DNM, Bull. civ. III, n° 60 ; Cass. civ. 2, 23 novembre 2006, n° 06-10.942 N° Lexbase : A5420DSK, Bull. civ. II, n° 327), et, d'autre part, une modification des données juridiques du litige. Une simple modification de données de fait est insuffisante, ce qui était le cas dans l'espèce soumise à la Cour de cassation : l'intervention du tiers (sous-traitant) en appel était seulement motivée par une évaluation beaucoup plus lourde du dommage en appel qu'en première instance. Précision, il a été jugé que "la notion d'évolution du litige est étrangère à la recevabilité des demandes formées en appel contre une personne qui était partie au procès devant le tribunal" (Cass. civ. 2, 1er juillet 2010, n° 09-15.594 N° Lexbase : A2299E4W, Bull. civ. II, n° 128).
(45) V. Drago, L'office du juge d'appel, in Justice et cassation, 2010, L'office du juge, Dalloz, p. 130.
(46) Rapprt de J.-C. Magendie (dir.), Qualité et célérité de la justice devant la cour d'appel.
(47) V. en ce sens, S. Guinchard, C. Chainais, F. Ferrand, Procédure civile, 30ème éd. 2010, n° 1269.
(48) G. Wiederkehr, La logique du procès, in Libertés, justice, tolérance, Mélanges en hommage au doyen Gérard Cohen-Jonathan, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 1752.
(49) Ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672 (N° Lexbase : A4261DQU), Bull. civ. n° 8.
(50) Ass. plén., 21 décembre 2007, n° 06-11.343 (N° Lexbase : A1175D3W), Bull. civ. n° 10.

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