Le Quotidien du 7 septembre 2018 : Pénal

[Brèves] Troubles psychiques irréversibles du prévenu postérieurs aux faits : obligation pour le juge de surseoir à statuer…

Réf. : Cass. crim., 5 septembre 2018, n° 17-84.402, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A3708X3Q)

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par June Perot

le 12 Septembre 2018

► La cour d’appel qui constate que le prévenu, en raison d’une maladie qui s’est déclarée postérieurement aux faits, est dans l’impossibilité absolue et définitive d’assurer sa défense, est tenue de surseoir à statuer et non de relaxer l’intéressé pour un motif non prévu par la loi. Telle est la solution d’un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 5 septembre 2018 (Cass. crim., 5 septembre 2018, n° 17-84.402, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A3708X3Q ; v. aussi : Cass. crim., 11 juillet 2007, n° 07-83.056, F-P+F N° Lexbase : A4631DXS).

 

Dans cette affaire, un homme avait été poursuivi du chef de viols et agressions sexuelles commis sur plusieurs victimes. Une information judiciaire avait été ouverte. L’intéressé, après requalification partielle, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d’agressions sexuelles. Postérieurement, son état de santé s’est dégradé, le rendant totalement incapable de communiquer avec un tiers. Il a été placé sous tutelle puis, le tribunal correctionnel, après avoir ordonné une expertise médicale, a conclu qu’il présentait des atteintes irréversibles à ses capacités intellectuelles, ne lui permettant pas de comparaître devant une juridiction pénale. Le tribunal a alors déclaré se trouver dans l’incapacité de décider de la culpabilité éventuelle du mis en cause et des demandes présentées par les parties civiles et ne pouvoir surseoir à statuer. Le ministère public et certaines parties civiles ont relevé appel de cette décision.

 

En cause d’appel, pour annuler le jugement, évoquer et relaxer l’intéressé, l’arrêt, après avoir relevé que le juge ne pouvait refuser de trancher un litige qui lui était soumis au motif du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, a retenu qu’il résultait des dispositions combinées de l’article préliminaire du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6580IXY) et de l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR) que, lorsque l’altération des facultés mentales d’une personne mise en examen est telle que celle-ci se trouve dans l’impossibilité absolue d’assurer effectivement sa défense, il doit être sursis à statuer en attendant qu’elle retrouve ses capacités. En l’espèce et en l’état des données actuelles de la science, il apparaît que le prévenu est atteint d’une maladie le privant de façon irréversible et définitive de ses capacités intellectuelles, de sorte que dans une telle situation, la mise en suspens de l’action publique n’apparaissait pas justifiée et paralysait l’action des parties civiles.

 

Les juges ont ajouté qu’il était de principe que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’est pas établie et qu’en conséquence, il y avait lieu de renvoyer le prévenu des fins de la poursuite en raison de son impossibilité absolue, définitive et objectivement constatée d’assurer sa défense devant la juridiction de jugement.

 

Enonçant la solution susvisée, la Cour régulatrice censure l’arrêt. Elle énonce, dans son attendu de principe : «qu’il ne peut être statué sur la culpabilité d’une personne que l’altération de ses facultés physiques ou psychiques met dans l’impossibilité de se défendre personnellement contre l’accusation dont elle fait l’objet, fut-ce en présence de son tuteur et assistée d’un avocat ; qu’en l’absence de l’acquisition de la prescription de l’action publique ou de disposition légale lui permettant de statuer sur les intérêts civils, la juridiction pénale, qui ne peut interrompre le cours de la justice, est tenue de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure et ne peut la juger qu’après avoir constaté que l’accusé ou le prévenu a recouvré la capacité à se défendre» (cf. l’Ouvrage «Droit pénal général» N° Lexbase : E1551GAP).

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