Le refus des autorités françaises d'établir la véritable filiation d'un homme à l'égard de son père biologique constitue une violation de l'article 8 de la CESDH (
N° Lexbase : L4798AQR). Tel est l'enseignement délivré par la Cour européenne des droits de l'Homme dans un arrêt du 16 juin 2011 (CEDH, 16 juin 2011, n° 19535/08
N° Lexbase : A2971HUL). En l'espèce, malgré une preuve génétique établissant la probabilité de paternité de W. A. sur M. P. à 99,999 %, ce dernier n'a pu ni contester son lien de filiation avec C. P., ni établir sa filiation biologique à l'égard de W. A. Or, selon les juges strasbourgeois, cela constitue une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée. Pour déterminer si cette ingérence était conforme à l'article 8, la Cour a recherché si un juste équilibre a été ménagé entre, d'un côté, le droit de M. P. à connaître son ascendance et, de l'autre, le droit des tiers à ne pas être soumis à des tests ADN et l'intérêt général à la protection de la sécurité juridique. Elle constate que c'est en tenant compte des droits et intérêts personnels de W. A., en particulier l'absence de consentement exprès à l'expertise génétique - que la cour d'appel a refusé de reconnaître la véritable filiation biologique de M. P.. Elle n'a en revanche, à aucun moment, pris en considération le droit de M. P. à connaître son ascendance et à voir établie da véritable filiation -droit qui ne cesse nullement avec l'âge-. Or, la protection des intérêts du père présumé ne saurait constituer à elle seule un argument suffisant pour priver M. P. de ses droits au regard de l'article 8. Par ailleurs, la Cour constate que la mesure de sauvegarde de justice à laquelle avait été soumis W. A. ne le privait pas du droit de consentir à un prélèvement ADN, et que précisément, W. A. avait exprimé auprès des autorités la volonté de reconnaître M. P.. De plus, ni la réalisation ni la fiabilité de l'expertise génétique qui concluait à une probabilité de paternité de 99,999 % de W. A. sur M. P. n'ont jamais été contestées devant les juridictions internes. Enfin, la Cour relève qu'après avoir invalidé l'expertise génétique, la cour d'appel a jugé que la filiation naturelle de M. P. ne pouvait pas être établie. Le droit interne ne lui offrait pas non plus la possibilité de demander une nouvelle expertise ADN sur la dépouille du père présumé (le défunt n'ayant pas de son vivant expressément donné son consentement selon la cour d'appel, il lui aurait fallu recueillir l'accord de sa famille ; or, il n'en avait aucune). Dans ces conditions, un juste équilibre entre les intérêts en présence n'a pas été ménagé, et le requérant a subi une violation de l'article 8 de la Convention.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable