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N4343BSN
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le 16 Juin 2011
Faire condamner un dirigeant à combler l'insuffisance d'actif n'est pas, pour un liquidateur, chose facile. La solution ne doit pas surprendre, compte tenu de l'atteinte importante portée à la personnalité juridique, qui impose de rattacher un patrimoine à une personne et, en conséquence, de ne pas faire supporter à un autre que le débiteur le poids de la dette.
Mais, si le liquidateur obtient la condamnation d'un dirigeant à combler l'insuffisance d'actif, que sa faute de gestion a contribué à créer, il apparaît légitime qu'il puisse compter sur l'effectivité de cette condamnation. C'est pourquoi, il apparaît logique d'empêcher le dirigeant d'organiser son insolvabilité entre le jour de la demande en paiement formulée contre lui et la décision de condamnation.
C'est à cette juste préoccupation que répond l'article L. 651-4, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L8959IN7), introduit par la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT). Selon cette disposition, "le président du tribunal peut, dans les mêmes conditions, ordonner toutes mesures conservatoires utiles à l'égard des biens des dirigeants ou de leurs représentants visés à l'alinéa qui précède". Dans les mêmes conditions, cela signifie que le président du tribunal peut, d'office ou à la demande de l'une des personnes mentionnées à l'article L. 651-3 (N° Lexbase : L8960IN8), à savoir le liquidateur ou le ministère public, ordonner les mesures conservatoires sur les biens d'un dirigeant recherché en comblement de l'insuffisance d'actif.
Cette disposition, pour la première fois à notre connaissance, est au coeur de l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 mai 2011.
En l'espèce, une société est placée en liquidation judiciaire en 2009. Son liquidateur engage contre le dirigeant une action en responsabilité pour insuffisance d'actif. Simultanément, il présente une requête aux fins de saisir à titre conservatoire certains biens du dirigeant, saisie autorisée par le président, puis dénoncée au dirigeant. Ce dernier engage alors une action tendant à l'annulation et subsidiairement à la rétractation de la mesure conservatoire, en développant un moyen mélangeant la violation de l'article 1er du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L1625A29) et les règles régissant les mesures conservatoires. Il reproche en effet au juge du fond d'avoir autorisé la saisie conservatoire au mépris du principe selon lequel toute personne a droit au respect de ses biens et du principe selon lequel une mesure conservatoire ne peut être ordonnée sur un bien du débiteur que si le créancier dispose d'une créance paraissant fondée dans son principe et justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en ces termes : "c'est à bon droit que l'arrêt, sans violer les dispositions de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, retient que l'article L. 651-4, alinéa 2, du Code de commerce, dérogeant à l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 (N° Lexbase : L9124AGZ), permet au président du tribunal, pour l'application des dispositions de l'article L. 651-2 du même code (N° Lexbase : L8961IN9), d'ordonner toutes mesures conservatoires utiles à l'égard des biens des dirigeants et des représentants permanents des dirigeants personne morale mentionnés à l'article L. 651-1 (N° Lexbase : L8962INA)".
La double violation reprochée au juge du fond mérite examen. Il est reproché d'abord une violation des règles régissant les mesures conservatoires (I) et, ensuite, une violation du principe conventionnel de respect des biens d'une personne (II).
I - Violation des règles régissant les mesures conservatoires
Les mesures conservatoires ont pour objet de sauvegarder le contenu du patrimoine d'un débiteur afin que, le moment venu, le créancier trouve un gage suffisant pour obtenir l'exécution de ce qui lui est dû (1). La mesure conservatoire n'entraîne pas l'attribution définitive d'un droit, mais a seulement pour effet la constitution d'une garantie. S'agissant d'une saisie conservatoire, elle rend le bien indisponible. Elle est exclusive de toute expropriation dans le moment présent (2).
En droit commun des mesures conservatoires, la créance fondant la saisie doit paraître fondée en son principe, c'est-à-dire avoir une existence au moins apparente. En droit commun, le juge excède ses pouvoirs à autoriser une mesure conservatoire en dépit des difficultés sérieuses, qui peuvent tenir à l'existence de la faute justifiant le principe de créance (3). La jurisprudence admet cependant que le juge puisse autoriser la mesure conservatoire pour garantir une condamnation à prononcer par une juridiction. En un tel cas, le juge doit apprécier le caractère apparemment sérieux de la prétention (4).
Il y a donc pas, dans l'absolu, d'obstacle, au regard du droit commun, à autoriser une mesure conservatoire pour venir garantir une condamnation à combler une insuffisance d'actif, dès lors que le demandeur à la mesure conservatoire justifie exactement les fautes qu'il reproche au dirigeant, démontre l'insuffisance d'actif constitutive d'un préjudice et rapporte la preuve de la contribution de cette faute à la création ou à l'augmentation de l'insuffisance active, afin que le juge appelé à statuer sur l'autorisation de pratiquer la saisie conservatoire apprécie le caractère apparemment sérieux de la prétention.
Ainsi, au regard de ce premier point tenant à une créance paraissant fondée en son principe, l'article L. 651-4, alinéa 2, du Code de commerce ne paraît pas véritablement dérogatoire.
En droit commun, les mesures conservatoires ne doivent être autorisées que si le créancier démontre que le recouvrement de sa créance est en péril. En l'espèce, le dirigeant reprochait au juge du fond de ne pas avoir caractérisé le péril menaçant le recouvrement de la créance de condamnation. La Cour de cassation rejette l'argument en énonçant que l'article L. 651-4, alinéa 2, du Code de commerce déroge à l'article 67 de la loi du 31 juillet 1992 réglementant les mesures conservatoires. Il n'est donc pas besoin de démontrer que la créance de condamnation à venir serait en péril pour que les mesures conservatoires puissent être pratiquées.
A la vérité, il importe d'abord d'observer que les modalités procédurales de l'article L. 651-4, alinéa 2, sont tout à fait dérogatoires par rapport au droit commun régissant les mesures conservatoires.
En droit commun, la mesure conservatoire doit être sollicitée auprès du juge de l'exécution ou, mais seulement si la créance est commerciale, auprès du président du tribunal de commerce. La mesure doit, en outre, être demandée par le créancier.
Sur ces deux points, la disposition étudiée est dérogatoire. Le président du tribunal de la faillite pourra d'abord ordonner la mesure conservatoire, sans se préoccuper de la nature civile ou commerciale de la créance. La dérogation tient ensuite à la saisine du tribunal. Elle peut d'abord être l'oeuvre du liquidateur. Il faut aussi admettre qu'elle puisse être à l'initiative d'un contrôleur en cas de carence du mandataire judiciaire ou du liquidateur (5). En outre, la saisine peut émaner du ministère public et le tribunal peut également se saisir d'office, ce qui est inconcevable en droit commun des mesures conservatoires.
L'affirmation de la Cour de cassation selon laquelle l'article L. 651-4, alinéa 2, du Code de commerce déroge au droit commun des règles régissant les mesures conservatoires ne doit donc pas surprendre. Il est ainsi acquis que la mesure conservatoire peut être ordonnée sans qu'il soit besoin de démontrer le péril dans le recouvrement de la créance. A la réflexion, le péril dans le recouvrement de la créance est presque intrinsèque au dispositif : le dirigeant recherché en responsabilité va-t-il attendre docilement, bêtement pourrait-on dire, sa condamnation sans se soucier de rendre celle-ci difficile à exécuter en pratique ? C'est précisément pour conjurer cette inclinaison bien naturelle que l'article L. 651-4, alinéa 2, a été inséré dans le Code de commerce. Il est donc délicat d'affirmer péremptoirement que la créance de condamnation à combler l'insuffisance d'actif n'est pas en péril, une fois l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif engagée. Dès lors, en opportunité, on ne peut que souscrire à l'idée que la preuve que le recouvrement de la créance de condamnation est en péril n'a pas besoin d'être rapportée. Elle l'est presque par la force des choses.
Il n'en demeure pas moins que cette observation relève plus du bon sens que de la rigueur juridique et que, sur ce dernier terrain, il reste que le liquidateur, le ministère public ou le tribunal d'office n'aura pas à rapporter la preuve d'un péril menaçant le recouvrement de la créance de condamnation pour que puisse être ordonnée une mesure conservatoire sur les biens d'un dirigeant recherché en responsabilité.
Aussi, faut-il encore vérifier que la possibilité de pratiquer une mesure conservatoire, sans démonstration que le recouvrement de la créance est en péril, ne contrarie pas le principe conventionnel de respect des biens de toute personne.
II - Violation du principe conventionnel de respect des biens d'une personne
Le dirigeant, sur les biens duquel la mesure conservatoire avait été ordonnée, reprochait encore au juge du fond la violation de l'article 1er du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Selon cette disposition, toute personne physique au a droit au respect de ses biens ; nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Le droit au respect des biens, au regard de la disposition étudiée, est envisagé non seulement dans les rapports entre l'individu et l'Etat, mais aussi de façon horizontale, c'est-à-dire dans les rapports entre particuliers (6). Il peut donc concerner la relation entre le liquidateur d'une société, représentant l'intérêt collectif des créanciers, et le dirigeant de cette société, recherché en responsabilité pour insuffisance d'actif.
La privation de propriété, pour être légitime, doit pouvoir s'appuyer sur le respect des conditions prévues soit par la loi nationale, soit par le droit international, et sur une cause d'utilité publique.
En l'espèce, la mesure conservatoire a pour fondement la loi nationale, à savoir l'article L. 651-4, alinéa 2, du Code de commerce.
L'exigence d'une cause d'utilité publique est le but légitime qui est imposé pour toute ingérence de l'Etat (7). La mesure étatique, c'est-à-dire la loi, doit être justifiée par l'intérêt général. Comme le relève un spécialiste des droits de l'Homme, le cas est assez fréquent en matière de sanction (8), à laquelle on peut, sur ce point, assimiler l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif.
La Cour européenne des droits de l'Homme opère un contrôle de proportionnalité, qui a d'abord été consacré pour les hypothèses de privation de propriété, puis étendu aux hypothèses de simples restrictions de propriété (9). Les mesures conservatoires peuvent être considérées, non comme des privations de propriété, mais comme des restrictions de propriété, par l'effet d'indisponibilité des biens qu'elles entraînent.
La réglementation de l'usage des biens, qui peut passer par une restriction du droit de propriété, doit être proportionnelle. Il nous apparaît guère discutable que la mesure conservatoire, restriction du droit de propriété, est proportionnelle à l'objectif recherché, à savoir assurer l'exécution d'une condamnation à combler l'insuffisance d'actif, en permettant l'effectivité du paiement de la condamnation prononcée. L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif s'inscrit dans la logique et dans la nature de toute action en responsabilité civile, en ce qu'elle a pour objet d'obtenir la réparation d'une faute. Or, il importe de préciser que le principe de responsabilité pour faute est, en France, un principe à valeur constitutionnelle. Ainsi, en garantissant l'effectivité d'une condamnation, qui permet d'assurer le respect du principe à valeur constitutionnelle selon lequel toute personne qui a commis une faute entraînant un préjudice doit réparer ce dernier, la mesure conservatoire, même ordonnée alors que la créance n'est pas en péril, apparaît proportionnée, dès lors qu'elle ne constitue qu'une simple restriction de propriété, non une privation de propriété, laquelle ne pourra être justifiée que par le jugement de condamnation.
Au final, la solution de la Cour de cassation mérite donc pleine approbation.
Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises
Cet arrêt, rendu le 31 mai 2011 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, a trait à une question inédite, à notre connaissance, devant la Cour de cassation : celle de la coordination des règles attachées à l'admission au passif d'une créance déclarée hors délai, pour laquelle le créancier avait obtenu une décision de relevé de forclusion non définitive au jour de l'admission au passif.
En l'espèce, une société (la société Sapam), qui avait ultérieurement fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, avait vendu un fonds de commerce à une autre société (société Balicco) ayant, elle aussi, été placée sous procédure collective sans avoir réglé l'intégralité du prix de vente du fonds. Le liquidateur judiciaire de la société venderesse du fonds de commerce avait, ès qualités, déclaré -mais hors délai- sa créance au passif de la société acquéreur du fonds près d'un an après l'ouverture de la procédure collective de celle-ci. Il avait en outre, concomitamment, présenté une requête en relevé de forclusion.
La créance déclarée avait été définitivement admise au passif avant même qu'il n'ait été statué sur la requête en relevé de forclusion. Le juge-commissaire puis le tribunal avaient ultérieurement relevé le créancier de sa forclusion cependant que la cour d'appel avait déclaré irrecevable la requête en relevé de forclusion dans la mesure où celle-ci n'avait pas été présentée dans le délai imparti par l'article L. 622-26 du Code de commerce (N° Lexbase : L2534IEL). Il résulte, en effet, des termes de cette disposition que l'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC, ce délai étant, par exception, porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leurs créances avant l'expiration de ce délai de six mois (exception qui ne concernait pas le créancier, en l'espèce).
Le liquidateur judiciaire du créancier avait alors formé pourvoi à l'encontre de cet arrêt de la cour d'appel au motif que le jugement portant admission d'une créance est revêtu de l'autorité de chose jugée à l'égard de ce qui fait l'objet de cette décision, de sorte que l'irrévocabilité ainsi acquise de l'admission de la créance ne pouvait plus être remise en cause, même pour violation d'une règle d'ordre public, telle que celle suivant laquelle interdiction est faite aux créanciers d'agir en relevé de forclusion après l'expiration du délai applicable. Ainsi, selon le créancier retardataire, puisque la créance avait été définitivement admise par ordonnance du juge-commissaire, elle ne pouvait, par la suite, être sanctionnée par la forclusion sans méconnaître l'autorité de chose jugée de l'ordonnance d'admission au passif.
Cette position n'est pas accueillie par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi au motif que "la décision d'admission d'une créance au passif d'un débiteur n'ayant autorité de la chose jugée qu'en ce qui concerne le montant de celle-ci, la cour d'appel, statuant sur la demande de relevé de forclusion de la société Sapam, a, à bon droit, écarté l'autorité de chose jugée aux ordonnances du juge-commissaire ayant admis la créance de la société Sapam au passif de la société Balicco".
Cet arrêt, dont la solution doit être parfaitement approuvée, donne l'occasion de rappeler l'ordre chronologique des opérations de vérification et d'admission des créances et la portée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'admission de la créance au passif.
En ce qui concerne le premier point, il est incontestable que le juge-commissaire avait "mis la charrue avant les boeufs". Comment pouvait-il admettre au passif un créancier qui n'avait pas déclaré sa créance dans les délais et n'avait pas été relevé de forclusion par décision définitive ? La solution était, au demeurant, extrêmement choquante, puisque le relevé de forclusion avait été accordé au prix d'un superbe excès de pouvoir, le juge-commissaire ayant accepté le relevé de forclusion pourtant présenté en dehors des délais impartis. Le liquidateur était pourtant radicalement irrecevable, du fait du dépassement des délais. Le juge-commissaire aurait dû, au contraire, d'office, s'agissant d'une irrecevabilité d'ordre public pour dépassement des délais d'action ou de recours, soulever le moyen.
Force est de constater qu'il est regrettable, qu'en l'espèce, l'ordonnance d'admission au passif ait été rendue alors même que le juge-commissaire avait été saisi d'une requête en relevé de forclusion présentée au regard de la tardiveté avec laquelle la créance avait été déclarée. Quelle aurait dû être l'attitude du juge dans de telles circonstances ?
Pour répondre à la question, il importe de rappeler que l'action en relevé de forclusion a pour objet de remettre dans le circuit de la vérification des créances un créancier qui en est sorti du fait des dépassements des délais de déclaration de créance. Le créancier relevé de forclusion n'est nullement admis au passif. Il est considéré comme à nouveau dans les délais pour déclarer sa créance. En somme, le relevé forclusion a pour objet d'autoriser le créancier à déclarer sa créance. On comprend, dans ce contexte, que le juge-commissaire ne peut statuer sur l'admission ou le rejet de la créance tant que la décision par laquelle il aura été statué sur le droit pour le créancier de déclarer sa créance n'est pas devenue définitive.
On sait que le juge-commissaire qui est invité à statuer sur une créance se voit offrir un éventail de possibilités : il peut statuer soit par voie d'admission ou de rejet de la créance, soit se déclarer incompétent ou encore constater l'existence d'une instance en cours. Il est également possible, faute de texte contraire (10), et en application du droit commun de l'article 378 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2245H4W), de surseoir à statuer dès lors qu'il lui est interdit (sauf pour les créances fiscales et sociales) de prononcer une admission provisionnelle (11) ou encore conditionnelle (12).
En conséquence, dans le contexte factuel qui est celui de l'arrêt rapporté, le juge-commissaire aurait dû surseoir à statuer dans l'attente d'une décision ayant irrévocablement statué sur le relevé de forclusion (13). Il n'est pas cohérent que le juge-commissaire statue sur l'admission de la créance alors qu'une instance en relevé de forclusion est en cours.
L'admission de la créance au passif est une décision de justice à laquelle est, fort logiquement, attachée l'autorité de chose jugée. La procédure de vérification et d'admission des créances tend à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance (14). Cette décision de justice n'a donc autorité de chose jugée que par rapport à ces trois éléments. Ainsi, la créance définitivement admise ne peut plus, dans le cadre de la procédure collective, être remise en cause en son principe, en son montant, ou encore quant à la sa nature. En conséquence, la nature antérieure de la créance admise (15) ou encore la nature privilégiée chirographaire de la créance admise (16) ne peut plus être remise en cause ultérieurement.
L'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission de la créance au passif doit-elle nécessairement conduire à rendre irrecevable le recours sur la décision ayant admis la demande en relevé de forclusion ? La réponse à cette question est catégoriquement négative, comme en témoigne l'arrêt rapporté rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 mai 2011. En effet, l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission au passif ne concerne que trois aspects que sont l'existence de la créance, son montant, et la nature de la créance admise. Si le juge-commissaire, comme en l'espèce, admet une créance déclarée hors délai, l'autorité de chose jugée attachée à l'admission de la créance ne peut être opposée pour rendre irrecevable le recours tendant à la réformation de la décision ayant accepté le relevé de forclusion.
Quoi qu'il en soit, dans l'hypothèse où le juge-commissaire n'aura pas décidé de surseoir à statuer et où, comme en l'espèce, il aura admis la créance au passif, cette décision d'admission sera sans incidence sur l'action en relevé de forclusion. Si la demande de relevé de forclusion est rejetée, l'autorité de chose jugée attachée à l'admission de la créance, qui ne porte que sur l'existence, le montant et la nature de la créance, ne peut pas être opposée pour rendre irrecevable le recours tendant à la réformation de la décision ayant accepté le relevé de forclusion.
Ainsi, l'ordre chronologique naturel des choses est-il, au final, respecté.
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon
(1) R. Perrot et Ph. Théry, Procédures civiles d'exécution, 2ème éd., Dalloz, 2005, n° 765.
(2) R. Perrot et Ph. Théry, op. cit., n° 771.
(3) R. Perrot et Ph. Théry, op. cit., n° 774.
(4) Cass. civ. 2 , 19 décembre 2002, n° 01-03.719, FS-P+B (N° Lexbase : A5084A43), Bull. civ. II, n° 294 ; RTDCiv., 2003, p. 357, obs. R. Perrot.
(5) Th. Montéran, Les sanctions pécuniaires et personnelles dans la loi du 26 juillet 2005, Rev. proc. coll., 9-10 septembre 2005, n° sp., p. 37 et s., sp. p. 41 ; A.-F. Zattara-Gros, Des responsabilités et des sanctions, LPA n° sp., 9 février 2006, n° 29, p. 52 et s., sp. p. 64.
(6) J.-F. Renucci, Droit européen des droits de l'Homme - contentieux européen, LGDJ, 4ème éd., 2010, n° 370.
(7) J.-F. Renucci, op. cit., n° 374.
(8) J.-F. Renucci, op. cit., n° 377.
(9) J.-F. Renucci, op. cit., n° 377.
(10) CA Paris, 3ème ch., sect. A, 15 février 2005, n° 04/3107 (N° Lexbase : A8223DGN), Gaz. proc. coll., 2005/2, p. 29, obs. P.-M. Le Corre.
(11) Cass. com., 16 mars 1999, n° 96-19.665, inédit (N° Lexbase : A5224AZI), Act. proc. coll., 1999/9, n° 119 ; Cass. com., 14 novembre 2000, n° 97-20.366, inédit (N° Lexbase : A5225AZK), Act. proc. coll., 2001/4, n° 47 ; Cass. com., 20 février 2001, n° 98-12.768 (N° Lexbase : A3371ARB), Gaz. Pal., 4-5 juillet 2001, panorama, p. 22 ; CA Orléans, ch. com., éco. et fin., 17 mai 2001, RJDA, 2001/10, n° 999.
(12) Cass. com., 2 février 1993, n° 91-13.558, publié (N° Lexbase : A5628AB3), Bull. civ. IV, n° 36 ; Cass. com., 9 mai 1995, n° 93-12.202, publié (N° Lexbase : A1130ABH), Bull. civ. IV, n° 132 ; D., 1995, IR p. 153 ; Cass. com.., 19 décembre 2000, n° 98-21.308, publié N° Lexbase : A2129AIP), Bull. civ. IV, n° 201, D., 2001, AJ p. 631 ; Cass. com., 11 juin 2003, n° 00-12.547, F-D (N° Lexbase : A7093C89).
(13) En ce sens : Cass. com., 14 janvier 1997, n° 95-12.159, publié (N° Lexbase : A1755ACY), Bull. civ. IV, n° 11; D., 1997, somm. p424343. 215, obs. Honorat, JCP éd. E, 1997, I, 651, n° 14, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel.
(14) Cass. com., 5 janvier 2003, n° 00-17.773, FS-D (N° Lexbase : A0582DAS) ; Cass com., 19 mai 2004, n° 01-15.741, F-D (N° Lexbase : A2656DCD).
(15) Cass. com., 13 juin 1989, n° 87-19.669 (N° Lexbase : A9933AA7), Rev. proc. coll., 1989, 565, obs. B. Dureuil (sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967) ; Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-18.031, F-P+B (N° Lexbase : A2481HQX, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985)
(16) Cass. com., 8 janvier 2002, n° 98-21.745 (N° Lexbase : A7734AXQ), Act. proc. coll., 2002/8, n° 98.
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