La lettre juridique n°440 du 19 mai 2011 : Internet

[Questions à...] Après le e-commerce et le m-commerce... un "nouveau-né", le f-commerce - Questions à Bernard Lamon, Avocat, Spécialiste en droit de l'informatique et des télécommunications, Lamon & Associés

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[Questions à...] Après le e-commerce et le m-commerce... un "nouveau-né", le f-commerce - Questions à Bernard Lamon, Avocat, Spécialiste en droit de l'informatique et des télécommunications, Lamon & Associés. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/4508192-questions-a-apres-le-ecommerce-et-le-mcommerce-un-nouveaune-le-fcommerce-questions-a-b-bernard-lamon
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

le 19 Mai 2011

On connaissait le e-commerce (commerce électronique), le m-commerce (commerce via les téléphones mobiles) ; une nouvelle expression a fait son entrée dans la galerie marchande NTIC, le f-commerce (Facebook commerce). La chose est désormais acquise, Facebook n'est plus seulement un réseau social, mais représente pour les entreprises une manne d'informations précieuses et un important vecteur de commercialisation de leurs produits et services. En dépassant la barre des 600 millions d'utilisateurs dans le monde en janvier 2011, Facebook est devenu le plus grand magasin du Monde. Selon une étude récente (CCM Benchmark Etudes février, 2011), toutefois, si 98 % des marchands en ligne seront présents sur le réseau social Facebook cette année, très peu d'entre eux y réaliseront des ventes. Ce nouveau vecteur de commercialisation soulève nécessairement des interrogations sur le cadre et le régime juridique applicable à l'opération de f-commerce. Pour nous éclairer, Lexbase Hebdo - éditions affaires a donc rencontré Maître Bernard Lamon, Avocat, Spécialiste en droit de l'informatique et des télécommunications, Lamon & Associés (1).

Lexbase : Qu'est ce que le "f-commerce" ?

Bernard Lamon : Le f-commerce ou social commerce est le fait de proposer à la vente des biens ou services par l'intermédiaire d'un réseau social. Facebook, où 700 milliards de minutes sont passées chaque mois, est le terrain de jeu privilégié de ce nouvel espace commercial.

Le commerce "Off-Facebook" est déjà répandu : il s'agit d'intégrer à son site d'e-commerce des fonctions Facebook ("like", "share", etc.).
Le "On-Facebook" est le plus poussé : le commerçant "ouvre" sa boutique directement sur sa page Facebook. Il s'appuie sur des fournisseurs d'applications "clés en mains" comme Boosket. Depuis peu, il est même possible d'intégrer un paiement Paypal au site de f-commerce : l'acte d'achat se réalise entièrement sur le domaine Facebook.

Sur Facebook, il convient de distinguer :
- la page personnelle de l'utilisateur ;
- la page commerciale du f-commerçant qui sera la "vitrine" de ses produits, de ses marques et de son activité ;
- et la page communautaire, c'est-à-dire la page créée par le site Facebook lui-même.

Des marques ont des pages communautaires. En avril 2010, Facebook a créé, sous sa propre initiative, des pages communautaires reprenant des marques très connues. Ces pages, développées sans l'autorisation des titulaires des marques, reprennent automatiquement les commentaires que les utilisateurs ont publiés sur leur page personnelle. Or, l'une des principales difficultés est que le titulaire desdites marques a également créé sa propre page qui coexiste avec les pages "communautaires" de Facebook. Cette coexistence est source de difficulté puisque les pages automatiques de Facebook ne peuvent pas être modifiées par les titulaires des marques.

Lexbase : Dans ce schéma, quel est le statut de Facebook ? Quel est le cadre juridique applicable à ces opérations de f-commerce ?

Bernard Lamon : Le plus probablement, c'est celui d'un hébergeur ou prestataire technique au sens de l'article 6 de la LCEN (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique N° Lexbase : L2600DZC). Cela implique un régime de responsabilité particulier relativement allégé. Facebook ne jouant aucun rôle sur le contenu de la page du f-commerçant, la qualité d'éditeur ne pourra pas, à mon sens, être retenue, et à ce titre, la responsabilité de Facebook sera subordonnée à la connaissance préalable d'une faute. Aussi, pour engager la responsabilité de Facebook, l'internaute devra rapporter la preuve que le site avait connaissance des faits litigieux.

A contrario, le f-commerçant, es qualité d'éditeur de la page litigieuse, engagera sa responsabilité pour le contenu publié sur sa page.

Lexbase : Quel est le risque majeur pour les f-commerçants ?

Bernard Lamon : Il y en a plusieurs :
- devenir de plus en plus indépendant d'une société privée pour animer son réseau commercial ;
- Facebook peut changer ses conditions commerciales à tout moment et ne s'en prive pas ;
- il y a également le risque systémique d'être l'objet d'une campagne de dénigrement.

Lexbase : Quels sont les risques à méconnaître les Terms de Facebook ?

Bernard Lamon : Facebook s'arroge des droits de vie ou de mort sur Facebook. Pour tout utilisateur qui ne respecterait pas les conditions d'utilisation une sanction de non-respect est appliquée. Cela signifie que le compte est suspendu. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé récemment à une marque française. Faute d'avoir répondu favorablement au service commercial de Facebook qui voulait lui facturer sa présence sur son site, en tant qu'agent économique, la page de cette marque a été très rapidement clôturée et la marque "blacklistée" pour une durée indéterminée.

Lexbase : En cas de litige, quels sont le tribunal compétent et la loi applicable ?

Bernard Lamon : Il faut distinguer deux situations.

D'abord, en cas de conflit avec Facebook, les conditions générales (qui changent souvent d'ailleurs) semblent désigner la loi irlandaise, en tout cas lorsque vous acceptez les conditions générales de Facebook, vous acceptez un contrat avec une société Irlandaise. Il faut mener une analyse complexe qui dépend notamment du point de savoir si vous intervenez en tant que consommateur ou commerçant. Il existe une société Facebook France mais il n'est pas certain qu'une action subsidiaire contre cette société soit recevable car son objet social est limité à de simples activités commerciales et non à la gestion même de ce site web.

Ensuiteen cas de conflit sur Facebook, par exemple pour une diffamation commise entre deux personnes tierces, alors les règles classiques de compétence et de loi s'appliquent.


(1) Cf. le site internet du cabinet Lamon & Associés.

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