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par Jean-Jacques Lubin, Consultant au Cridon de Paris
le 19 Mai 2011
Dans le cadre de l'article 885 O ter du CGI (N° Lexbase : L8826HLH), l'administration fiscale est en droit de réintégrer la valeur des parts correspondant aux éléments du patrimoine social excessifs et non nécessaires à l'activité.
1 - Principes d'imposition applicables
L'article 885 O ter du CGI dispose que "seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considérée comme un bien professionnel". La règle est ancienne et existait déjà sous l'empire de l'ancien impôt sur les grandes fortunes.
Pourquoi une telle règle ? Cette règle dite "de proportionnalité" est destinée à éviter des transferts abusifs dans le patrimoine de la société de biens du patrimoine privé des actionnaires les plus importants. En effet, un tel apport est rémunéré par la remise d'actions ou de parts qui, à défaut de la règle de proportionnalité, auraient pu avoir, pour la totalité de leur valeur, la qualité de biens professionnels. L'article 885 O ter du CGI permet donc à l'administration fiscale d'opérer un retraitement de la valeur des parts exonérées au titre des biens professionnels. Compte tenu de la générale du texte, la règle s'applique aux entreprises individuelles.
2 - Les cas particuliers des titres de placement et liquidités
L'administration fiscale a élaboré une doctrine particulière concernant les liquidités et titres de placement (BOI 7 S-1-05 du 12 janvier 2005 N° Lexbase : X8035ACL). Ces valeurs inscrites au bilan d'une société sont présumées constituer des actifs nécessaires à l'activité professionnelle, dès lors que leur acquisition découle de l'activité sociale ou résulte d'apports effectués sur des comptes courants d'associés.
L'administration peut démontrer que ces liquidités et titres de placement ne sont pas nécessaires à l'accomplissement de l'objet social.
L'exonération se trouve, alors, limitée à la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social autres que les liquidités et titres de placement.
Le fait que les valeurs réalisables à court terme ou disponibles d'une société (y compris les titres de placement) excèdent largement son passif exigible à court terme (y compris les comptes courants d'associés) ne constitue qu'un indice de l'existence éventuelle d'actifs ne revêtant pas un caractère professionnel. Cet indice ne peut constituer à lui seul une preuve de nature à renverser la présomption évoquée (QE n° 00388 de M. François Zocchetto, JO Sénat du 15 juillet 2007, p. 1156, réponse publiée le 13 mars 2008, p. 486 N° Lexbase : L1404IQ3 ; avant 2008, la doctrine administrative était plus sévère : cf. D. adm. 7 S-3323, n° 32, 1er octobre 1999).
Dans le cas exceptionnel où certains actifs d'une société apparaîtraient comme dépourvus d'utilité professionnelle, le calcul de la part professionnelle de la valeur des parts ou actions est effectué en appliquant à cette valeur le rapport existant entre la valeur réelle nette des biens professionnels figurant au bilan de la société et la valeur réelle nette globale du patrimoine social (BOI 7 R-2-82 du 19 mai 1982 ; D. adm. 7 S-3323 n° 26, 1er octobre 1999).
Comment apprécier la nécessité d'un seuil de trésorerie normal au regard de l'ISF ? Sur le sujet, la jurisprudence s'étoffe : l'absence de réinvestissement immédiat dans le cas de liquidités et titres de placement provenant de la vente d'actifs n'est pas une situation faisant échec à la présomption (Cass. com., 18 mai 1993, n° 91-15.463, publié au Bulletin N° Lexbase : A5737AB4 ; Cass. com., 13 janvier 1998, n° 96-10.156, inédit N° Lexbase : A3461CSY). Les juges vérifient néanmoins le niveau de nécessité des investissements et leur réalisation finale (CA Paris, 25 janvier 2008, n° 06/02129 N° Lexbase : A5144D4B). L'absence d'activité réelle ou économique permet à l'administration de faire échec à la présomption (Cass. com., 20 mai 2008, n° 07-14.426, F-P+B N° Lexbase : A7104D8M).
Le motif qui retient le montant des valeurs réalisables à court terme, excédant celui du passif exigible à court terme, comme seul critère "de normalité" n'est pas pertinent (Cass. com., 14 décembre 2010, n° 10-10.139, F-D N° Lexbase : A2709GNN).
3 - Les enseignements à tirer de la décision du 27 avril 2011
Dans la présente affaire, un couple de contribuables est redressé à l'ISF qu'il aurait dû payer du fait de l'existence de valeurs mobilières de placement que l'administration réintègre dans son patrimoine privé alors qu'elles figuraient à l'actif d'une société par application de l'article 885 O ter du CGI. La Cour de cassation rejette trois des quatre moyens soulevés par le couple. En effet, la notification de redressement est régulière, dès lors que les textes la fondant sont mentionnés (LPF, art. L. 57 N° Lexbase : L0638IH4). En l'espèce, la notification contient l'article 885 O ter du CGI, l'instruction administrative 7 S-1-05, des tableaux chiffrés, des références de jurisprudence et des développements destinés à apporter la preuve du caractère non nécessaire à l'activité de la société des valeurs mobilières de placement et disponibilités dont l'administration a rejeté la qualification de biens professionnels.
Le juge suprême rappelle aussi que la dette fiscale établie à la suite d'une procédure de redressement et faisant l'objet d'un contentieux ne présente pas le caractère certain permettant sa comptabilisation à l'exercice au cours duquel la notification de redressement a été reçue. Toutefois, la Cour annule l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers (CA Angers, 1ère ch., 9 février 2010, n° 08/02766 N° Lexbase : A1621GMY), car le juge du fond aurait dû rechercher si l'administration fiscale n'avait pas fait l'erreur de prendre en compte la fraction de l'excès de trésorerie de la société correspondant à la part de capital social détenue par le couple. Elle aurait dû réintégrer la fraction de la valeur des parts correspondant aux éléments du patrimoine social considérés comme excessifs et non nécessaires à l'activité.
A ce niveau, l'arrêt ne retiendra pas plus l'attention. Cependant, la méthode retenue par l'administration fiscale est riche en informations. Pour apporter la preuve que les placements et disponibilités ne sont pas en tout ou partie des éléments nécessaires à l'activité de la société, le vérificateur avait procédé à une analyse précise des postes de bilan ; par exemple, évolution sur cinq ans du poste "valeurs mobilières de placement et disponibilités", part de ces dernières par rapport au chiffre d'affaires de chaque exercice, montant des valeurs réalisables à court terme par rapport au passif exigible et part des valeurs mobilières de placement et disponibilités sur l'actif immobilisé.
Par ailleurs, l'administration démontre que les ressources propres n'ont financé aucun investissement tant au niveau de la holding qu'au niveau des filiales. Les démonstrations comptables sont parfois parlantes et on ne se saurait trop attirer l'attention des dirigeants sur la force des chiffres et leurs conséquences en cas de contrôle fiscal. La justification du niveau de trésorerie ou d'épargne est un exercice bien difficile.
1 - Le droit applicable en l'espèce
En vertu de l'article 6-4 du CGI (N° Lexbase : L0794IP4), les époux font obligatoirement l'objet d'impositions distinctes :
- lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ;
- lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ;
- lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts ;
- et lorsque, l'un des époux ayant abandonné le domicile conjugal, ils disposent l'un et l'autre de revenus distincts.
2 - Les circonstances de fait
L'administration a redressé deux sociétés, dans lesquelles, respectivement, chaque époux était associé majoritaire. Ayant remis en cause le bénéfice du régime d'exonération des entreprises nouvelles (CGI, art. 44 sexies N° Lexbase : L0835IPM) dans la société du mari, et ayant réintégré les intérêts des comptes courants d'associés dans les résultats de la société de la femme, l'administration a redressé, par imposition commune, les déclarations des époux, appliquant ainsi les conséquences des redressements antérieurs. Or, il ressort du dossier que les époux ont été mariés du 15 novembre 1993 au 13 mars 1998 sous le régime de la séparation de biens. Par ailleurs, les époux ne vivaient pas sous le même toit ; le mari résidait dans sa villa à Toulon où il exerçait son activité professionnelle et l'épouse à Paris dans le 17ème arrondissement avec ses deux enfants mineurs issus d'une précédente union et scolarisés à Paris où elle-même travaillait. Les époux se retrouvaient en fin de semaine quand leurs obligations professionnelles et familiales respectives le leur permettaient.
Etant mariés sous le régime de la séparation de biens et ne vivant pas sous le même toit, ils ne pouvaient faire l'objet d'une imposition commune mais devaient être imposés distinctement sur la base de leurs revenus propres. Se réunir au même lieu le temps des week-ends n'est pas constitutif d'une vie commune, "sous un même toit".
Le Conseil d'Etat, dans ces deux décisions, l'une étant rendue à la suite du pourvoi formé par l'ex mari, et l'autre intervenant à la suite d'un pourvoi formé par l'ex épouse, retient, dans un considérant de principe, qu'"en jugeant qu'un contribuable ne peut utilement demander la décharge ou la réduction des cotisations supplémentaires mises à la charge du couple par le moyen qu'il doit faire l'objet d'une imposition distincte de celle de son époux si l'imposition primitive établie au nom du foyer fiscal constitué par le couple est devenue définitive, la cour administrative d'appel de Marseille [CAA Marseille, 4ème ch., 24 juin 2008, n° 05MA02724, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0403EA8 et CAA Marseille, 4ème ch., 27 mai 2008, n° 05MA02750, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8973D99] a commis une erreur de droit".
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