Avant de prendre la décision de transférer un candidat à l'asile vers un autre Etat membre, le préfet doit apprécier si cet Etat fait encourir à l'intéressé un risque de traitement inhumain et dégradant en raison des défaillances systémiques de sa procédure d'asile. En outre, s'il estime que le système de traitement de l'asile de cet Etat membre n'est pas intrinsèquement défaillant, il doit, s'il a connaissance d'éléments pouvant faire obstacle au transfert de l'intéressé vers cet Etat, apprécier s'il lui appartient de faire application du droit souverain de la France d'accorder l'asile en dépit des critères de détermination de la répartition des responsabilités entre Etats membres fixés par le Règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 (
N° Lexbase : L3872IZG). Ainsi statue le tribunal administratif de Pau le 26 janvier 2018 (TA Pau, 26 janvier 2018, n° 1800104
N° Lexbase : A9584XDC ; v., aussi, CJUE, 25 janvier 2018, aff. C-360/16
N° Lexbase : A2120XB7).
Dans ce dossier, M. H. avait déposé plainte pour des faits de torture subis en Italie après en avoir informé le préfet par courrier. Il demandait, par conséquent, au tribunal d'annuler l'arrêté par lequel le préfet avait décidé de le transférer aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.
Le tribunal déduit la solution susvisée de la combinaison de l'article 3 du Règlement précité et de l'article L. 742-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (
N° Lexbase : L6651KDP). Il constate, d'abord, que le dossier ne permet pas de retenir que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation des caractéristiques du système italien de traitement de l'asile en estimant qu'il n'était pas intrinsèquement défaillant. En revanche, s'agissant des défaillances de l'Etat dans le traitement de la propre situation de M. H., le tribunal note que le dépôt de plainte et le courrier constituent des circonstances postérieures à la décision de transfert et en lien direct avec l'appréciation portée par le préfet et, que celui-ci n'a pas pris en compte ces éléments lorsqu'il a décidé de notifier la décision litigieuse. Il note, aussi, qu'il ne dispose pas d'éléments permettant de penser que les autorités judiciaires françaises n'ont pas besoin de la présence de M. H. pour instruire à titre préliminaire sa plainte, le cas échéant en procédant à des investigations de nature médicale qui ne peuvent par définition être réalisées qu'en présence de l'intéressé (comp., CAA Bordeaux, 9 février 2017, n° 16BX03468
N° Lexbase : A9585XDD).
Il conclut donc que le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas la possibilité de mettre en oeuvre, jusqu'au moment de notifier la décision de transfert litigieuse, les pouvoirs que lui confère l'article L. 742-1 (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E5937EYK).
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