Réf. : Cass. soc., 30 mars 2011, jonction, n° 09-42.105 et n° 10-11.488, F-P+B (N° Lexbase : A3893HM7)
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
le 15 Avril 2011
Résumé
Les plus-values réalisées par un salarié lors de la levée des actions, même si elles sont soumises à cotisations sociales par application de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9723ING), ne constituent pas une rémunération allouée en contrepartie du travail entrant dans la base de calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. |
Observations
I - Calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dès lors qu'il compte au moins deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés (C. trav., art. L. 1235-5 N° Lexbase : L1347H9R), le salarié qui a fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure "aux salaires des six derniers mois" (C. trav., art. L. 1235-3 N° Lexbase : L1342H9L).
Si le législateur avait visé la "rémunération" des six derniers mois en lieu et place du "salaire" perçu sur cette même période, le calcul de l'indemnité n'aurait a priori guère posé de difficultés. Il aurait suffit de prendre en compte la totalité des sommes perçues par le salarié durant ce laps de temps. La notion de salaire étant plus étroite que celle de rémunération (1), il convient d'en conclure que toutes les sommes versées au salarié ne rentrent pas nécessairement dans la base de calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (2).
La question de savoir, ce qui est du salaire et ce qui n'en est pas, n'est évidemment pas propre à la situation présentement envisagée. Elle se pose à bien d'autres égards et, spécialement, lorsque doit être vérifié si le salaire versé au salarié respecte le Smic. Des arrêts récents rendus par la Chambre criminelle, dont c'est peu dire qu'ils ont fait grand bruit, en portent témoignage (3).
Dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt rapporté, et pour aller à l'essentiel, une salariée licenciée de manière injustifiée prétendait que les plus-values réalisées sur les stock-options dont elle avait bénéficié devaient être intégrées dans la base de calcul de son indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En d'autres termes, la salariée soutenait que ces plus-values faisaient partie intégrante du salaire au sens de l'article L. 1235-3 du Code du travail.
Ce n'est pas la solution retenue par la Cour de cassation qui, confirmant la décision des juges du fond, affirme que "les plus-values réalisées par un salarié lors de la levée des actions, même si elles sont soumises à cotisations sociales par application de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, ne constituent pas une rémunération allouée en contrepartie du travail entrant dans la base de calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse".
II - Les plus-values réalisées lors de la levée d'options de souscription ou d'achat d'action ne constituent pas un salaire
Le salarié bénéficiaire d'options de souscription ou d'achat d'action peut, en fait, réaliser une double plus-value (4) :
- une plus-value d'acquisition, qui est l'avantage correspondant à la différence entre le cours (ou la valeur s'il s'agit d'un titre non coté) de l'action constaté à la date de levée de l'option et le prix payé par le bénéficiaire ;
- une plus-value de cession, qui est la différence positive entre le prix de vente des titres et leur valeur réelle le jour de la levée de l'option.
Ces plus-values constituent, à n'en point douter, un complément de rémunération, dont on sait d'ailleurs qu'il est souvent important, voire, dans certaines hypothèses qui ne concernent pas il est vrai au premier chef des salariés, indécent. Mais, et c'est l'enseignement majeur de l'arrêt rapporté, ces plus-values ne peuvent être assimilées à un salaire, au sens de l'article L. 1235-3 du Code du travail. Ce n'est certes pas exactement ce que dit la Cour de cassation qui décide qu'elles ne constituent pas "une rémunération allouée en contrepartie du travail entrant dans la base de calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse". Mais, précisément, cette "base de calcul" est constituée par le "salaire des six derniers mois".
La Cour de cassation fonde la solution sur le fait que ces plus-values ne constituent pas la contrepartie du travail (5). Ce critère est classique puisqu'on le retrouve dans la jurisprudence de la Chambre sociale relative à la détermination des compléments de rémunération devant être intégrés au salaire afin de vérifier le respect du Smic (6).
La solution pourrait être discutée au regard de sa généralité. En effet, si l'attribution collective et générale de stock-options paraît plus liée au seul fait que les bénéficiaires sont salariés ou mandataires sociaux, certaines attributions plus limitées peuvent être mises en relation avec la qualité des services rendus à la société et donc avec la qualité du travail fourni. Cela étant, et à strictement parler, c'est l'attribution des options qui peut alors être considérée comme la contrepartie du travail et non les plus-values dont il faut tout de même rappeler qu'elles ne sont pas assurées. La solution de la Cour de cassation nous paraît donc devoir être approuvée.
Il faut remarquer que, dans son motif de principe, celle-ci vise "les plus-values réalisées par un salarié lors de la levée des actions". Est-ce à dire qu'est seule visée la plus-value d'acquisition, à l'exclusion de la plus-value de cession ? La suite de ce même motif le confirme puisque est visé le fait que ces plus-values sont soumises à cotisations sociales par application de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale. Or, c'est la plus-value d'acquisition qui est considérée comme un salaire passible de cotisations de Sécurité sociale si les titres sont cédés moins de quatre ans après l'attribution des options. Cela étant, il nous paraît logique que la plus-value de cession ne soit pas visée, étant entendu qu'elle ne peut, de quelque manière que ce soit, être considérée comme un salaire. Résultant de la cession des titres, elle est un revenu du patrimoine.
L'arrêt commenté rappelle ainsi que le droit du travail peut retenir ses propres solutions et marquer ainsi son autonomie par rapport au droit de la Sécurité sociale. Cela n'est évidemment pas nouveau. On ajoutera que cette même décision démontre que le droit du travail est autonome du droit fiscal puisque ce dernier prévoit que la plus-value d'acquisition est en principe imposée au titre des traitements et salaires (7).
(1) La distinction entre "salaire" et "rémunération" n'est à dire vrai guère évidente. On en veut pour preuve l'arrêt rapporté dans lequel la Cour de cassation vise la "rémunération allouée en contrepartie du travail", ce qui vise en réalité sans doute le "salaire". V. sur la question J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, Précis Dalloz, 25ème éd., 2010, n° 781.
(2) La Cour de cassation considère de longue date que c'est la rémunération brute des salariés qui doit être prise en compte pour le calcul de l'indemnité. V. en dernier lieu, Cass. soc., 13 juillet 2004, n° 03-43.780 (N° Lexbase : A1160DDC), Bull. civ. V, n° 207.
(3) Cass. crim. 15 février 2011, n° 10-83.988 (N° Lexbase : A1718GXW) : "Dans le cas où les temps de pause correspondent à un repos obligatoire durant lequel les salariés ne sont plus à la disposition de leur employeur, les primes les rémunérant, qui ne correspondent ni à un travail effectif au sens de l'article L. 3221-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0794H9B), ni à un complément de salaire de fait au sens de l'article D. 3231-6 dudit code (N° Lexbase : L9056H9B), sont exclues du salaire devant être comparé au salaire minimum de croissance". Lire S. Tournaux, Prime de pause et Smic : confirmation... et variation ?, Lexbase Hebdo n° 430 du 3 mars 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N5103BRG).
(4) Lors de l'attribution des options, il peut, en outre, bénéficier d'un "rabais" correspondant à la différence entre le prix d'attribution de l'action (c'est-à-dire le prix auquel l'option donne le droit d'acheter l'action) et sa valeur réelle au même moment (c'est-à-dire, pour une action cotée, le cours de bourse du jour de l'attribution). Ce rabais est imposé dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année au cours de laquelle l'option est levée (CGI, art. 80 bis N° Lexbase : L1775HLC).
(5) Remarquons que dans un arrêt, certes ancien et non publié, la Cour de cassation a considéré, sans plus de détails, que devaient être prises en compte les primes et avantages en nature : Cass. soc., 3 décembre 1992, n° 91-45.617 (N° Lexbase : A8497AGS). Par sa généralité, cette solution peut être discutée. V. plus récemment, pour l'exclusion d'une gratification discrétionnaire : Cass. soc., 14 octobre 2009, n° 07-45.587 (N° Lexbase : A0820EMC).
(6) J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, op. cit., n° 802 et la jurisprudence citée.
(7) CGI, art. 80 bis. V. M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 23ème éd., 2010, n° 797.
Décision
Cass. soc., 30 mars 2011, jonction, n° 09-42.105 et n° 10-11.488, F-P+B (N° Lexbase : A3893HM7) Rejet, CA Pau, ch.soc., deux arrêts, 9 mars et 31 novembre 2009 Texte concerné : C. trav., art. L. 1235-3 (N° Lexbase : L1342H9L) Mots-clefs : licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité, calcul, plus-values réalisées en matière de stock-options. Liens base : |
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