La lettre juridique n°436 du 14 avril 2011 : Institutions

[Questions à...] La naissance du Défenseur des droits, un acteur essentiel de la défense des libertés du citoyen - Questions à Patrice Gélard, sénateur et rapporteur du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits

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N9661BRA

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[Questions à...] La naissance du Défenseur des droits, un acteur essentiel de la défense des libertés du citoyen - Questions à Patrice Gélard, sénateur et rapporteur du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/4318193-questions-a-la-naissance-du-defenseur-des-droits-un-acteur-essentiel-de-la-defense-des-libertes-du-c
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 14 Avril 2011

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi n° 2008-724, de modernisation des institutions de la Vème République N° Lexbase : L7298IAK) a institué le Défenseur des droits afin de renforcer substantiellement les possibilités de recours non juridictionnel dont dispose le citoyen pour assurer la défense de ses droits et libertés. Sa mise en oeuvre a nécessité l'intervention d'une loi organique (loi n° 2011-333 du 29 mars 2011, relative au Défenseur des droits N° Lexbase : L8916IPW), qui détaille ses compétences, l'étendue de ses pouvoirs, ainsi que la composition des collèges qui l'assistent dans sa mission, et d'une loi ordinaire (loi n° 2011-334 du 29 mars 2011, relative au Défenseur des droits N° Lexbase : L8917IPX), prévoyant, notamment, les sanctions pénales dont est assortie la méconnaissance des dispositions relatives aux pouvoirs d'investigation du Défenseur des droits. Pour faire le point sur les missions et les attributions de ce nouvel acteur essentiel de la vie publique, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Patrice Gélard, sénateur et rapporteur du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits. Lexbase : Quel sera le statut du Défenseur des droits ?

Patrice Gélard : Face au constat d'une dilution des responsabilités résultant de la multiplication des autorités indépendantes chargées de protéger les droits et libertés, le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, créé en 2007, a souhaité qu'une étape importante soit franchie dans le sens d'une amélioration de la protection des droits des citoyens. S'inspirant du succès rencontré en Espagne par le Défenseur du Peuple mentionné à l'article 54 de la Constitution ibérique, il a recommandé la création d'un Défenseur des droits de rang constitutionnel, ayant vocation à exercer les compétences du Médiateur de la République et d'autres autorités indépendantes. L'article 71-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5162IBS), issu de la révision du 23 juillet 2008, crée donc un Défenseur des droits, afin d'apporter une consécration constitutionnelle à la mission de protection des droits assurée par un ensemble d'autorités indépendantes, auxquelles il doit se substituer, et de donner davantage de cohérence et de lisibilité à notre système de protection des droits, pour le plus grand bénéfice des usagers. C'est donc une autorité constitutionnelle indépendante, mais qui, pour autant, ne fait pas partie des pouvoirs publics constitutionnels. Il ne reçoit, dans l'exercice de ses attributions, aucune instruction, quelle que puisse en être l'origine (autorité, personne, groupe de pression). Par ailleurs, la loi organique garantit son inamovibilité. Ainsi, il ne pourra être mis fin aux fonctions du Défenseur que sur sa demande ou, en cas d'empêchement, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

Lexbase : Comment seront garanties son indépendance et son autorité morale ?

Patrice Gélard : Les immunités prévues par les lois s'appliquent aux positions qu'il sera amené à prendre dans l'exercice de ses fonctions. Pour le reste, il est un citoyen comme les autres, donc susceptible de poursuites civiles et pénales. Enfin, son indépendance est également assurée par le fait que son mandat n'est pas renouvelable (le Défenseur des droits est nommé pour six ans), et que ses fonctions sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat électif (mandat parlementaire ou local). Il lui sera, également, interdit d'exercer toute fonction de président et de membre de conseil d'administration, de directoire ou de conseil de surveillance, ou encore d'administrateur délégué dans une société, une entreprise ou tout autre établissement. L'impartialité et la transparence du Défenseur des droits se traduisent aussi par l'existence, d'une part, d'un règlement intérieur précisant certaines modalités de fonctionnement et d'intervention et, d'autre part, d'un code de déontologie destiné à éviter tout conflit d'intérêt entre les fonctions qu'il exerce au sein de l'institution et ses fonctions antérieures ou postérieures.

Lexbase : Quel sera le champ d'intervention de cette nouvelle autorité ?

Patrice Gélard : Il correspond au champ des quatre autorités fusionnées : le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et la Halde, mais, de surcroît, le Défenseur des droits pourra être saisi dans tous les domaines concernant les droits et libertés. Sur ce plan, le progrès est considérable, car, outre la possibilité d'agir dans le domaine des droits et libertés, il sera possible au Défenseur des droits d'intervenir lorsque la violation de ces derniers sera commise par des personnes privées, notamment lorsque les actes en cause sont de nature à mettre en cause la protection des droits d'un enfant ou constituent un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité. S'agissant, plus particulièrement, de la protection des droits de l'enfant, le Défenseur pourra être directement saisi par l'enfant mineur, de même que par ses représentants légaux, les membres de sa famille, les services médicaux ou sociaux, ainsi que les associations reconnues d'utilité publique qui défendent les droits de l'enfant. Par ailleurs, comme le précise l'article 6 de la loi organique, la saisine du Défenseur des droits sera gratuite. Cependant, elle devra être précédée de démarches auprès des administrations et organismes chargés d'une mission de service public si elle porte sur un dysfonctionnement, et non sur une atteinte aux droits de l'enfant ou aux règles de déontologie de la sécurité.

Ces dispositions ont pour objet de supprimer le filtre parlementaire obligatoire, lequel était devenu obsolète au fil des ans, ce qui constitue une avancée indéniable pour la garantie des droits. La loi organique précise que, toutefois, cette saisine n'interrompt, ni ne suspend, par elle-même, les délais de prescription des actions en matière civile, administrative ou pénale, non plus que ceux relatifs à l'exercice de recours administratifs ou contentieux. Enfin, les moyens d'action renforcés du Défenseur des droits devraient permettre d'améliorer le taux de médiations réussies, d'apporter une réponse adaptée à chaque cas individuel, et de mieux prendre en compte ses recommandations afin de lui permettre d'être plus efficace face aux administrations récalcitrantes.

Lexbase : Quelles seront les personnes chargées de l'assister dans sa mission ?

Patrice Gélard : Les adjoints qu'il choisira, et qui seront nommés par le Premier ministre. Il y aura, également, trois conseils consultatifs composés de neuf membres mis en place à ses côtés. Il paraît, en effet, indispensable que le Défenseur des droits bénéficie de toutes les garanties qu'apporte un examen collégial des réclamations, sans pour autant que son autorité et son rôle d'harmonisation ne soient atténués. Sont donc créés par la loi organique : un collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l'enfant, un collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité, et un collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité. Le Défenseur des droits est le président de chacun des trois collèges, ce qui devrait assurer des échanges permanents entre les formations collégiales et le Défenseur. Cependant, compte tenu de l'étendue des compétences du Défenseur, on peut penser qu'il ne présidera que les réunions les plus importantes de chaque collège, celles qui auront à se prononcer sur des questions particulièrement délicates. Ses adjoints, vice-présidents de chaque collège, pourraient donc le suppléer, le cas échéant, à la présidence des réunions.

Lexbase : Le Défenseur des droits pourra être saisi par toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'une administration ou d'un service public. Que cela recouvre-t-il exactement ?

Patrice Gélard : Il s'agit d'une saisine relative à une réclamation qui porte sur les services publics, ces derniers étant entendus au sens large. On vise, en effet, les personnes morales de droit privé à qui pourrait être confiée une mission de service public. Mais, à la différence du Médiateur de la République, on cible non seulement les rapports entre les services publics et les administrés, mais aussi les atteintes aux droits et libertés des personnes. On va bien au-delà du simple dysfonctionnement d'une administration. Cependant, l'article 10 de la loi organique apporte une limitation importante aux compétences du Défenseur, en prévoyant qu'il ne peut être saisi ni se saisir d'office des différends qui peuvent apparaître entre des personnes publiques et des organismes chargés d'une mission de service public. Il ne peut pas non plus connaître des différends qui peuvent opposer ces personnes publiques et ces organismes et leurs agents, à raison de l'exercice de leurs fonctions.

Lexbase : Quels seront les pouvoirs d'intervention qui lui seront attribués ?

Patrice Gélard : Ils sont très étendus : médiation, transaction, vérification, recommandation, saisine d'une administration, injonction. L'article 26 de la loi organique énonce, en effet, que le Défenseur des droits peut procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation. L'article 28 précise, quant à lui, qu'il peut proposer à l'auteur des faits une transaction consistant dans le versement d'une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 3 000 euros. L'article 30 donne au Défenseur des droits la possibilité d'émettre toute recommandation de nature à régler les difficultés dont il est saisi. Dans l'hypothèse où l'une de ses recommandations ne serait pas suivie d'effet, il peut enjoindre à la personne mise en cause de prendre les mesures nécessaires. Si cette injonction demeure infructueuse, le Défenseur des droits peut rendre publiques ses recommandations, ses injonctions et la réponse de la personne publique ou de l'organisme mis en cause, sous la forme d'un rapport spécial. Il peut, enfin, saisir l'autorité disciplinaire compétente pour des faits constatés dans l'exercice de ses fonctions, et lui paraissant justifier une sanction.

Lexbase : Des critiques se sont élevées de la part de certaines autorités amenées à disparaître (Halde, CNDS, Défenseur des enfants). Vous paraissent-elles justifiées ?

Patrice Gélard : Les critiques élevées par les autorités appelées à disparaître étaient avant tout des critiques animées par la défense du statut de ceux qui les dirigeaient. La nouvelle institution dispose non seulement des pouvoirs des institutions destinées à être remplacées, mais aussi de prérogatives encore plus étendues. Le statut constitutionnel du Défenseur des doits est de nature à renforcer l'autorité et le prestige de l'institution.

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