La lettre juridique n°436 du 14 avril 2011 : Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Impact de la rétroactivité d'une fusion sur un contrat conclu sous condition suspensive

Réf. : CE 8° et 3° s-s-r., 26 janvier 2011, n° 312470, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7461GQE)

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par Simon Ginesty, Avocat, Landwell & associés

le 14 Avril 2011

De nos jours, les opérations de restructuration constituent une étape courante de la vie des sociétés : fusion, scission, apport partiel d'actifs ou autre cession leur permettent de s'adapter et de rester compétitives dans notre économie globalisée. Pourtant, et malgré l'effort important du législateur pour simplifier ces opérations, il n'en demeure pas moins qu'elles constituent toujours une opération complexe : outre les problématiques financières et juridiques, la fiscalité applicable ne doit pas être oubliée, sous peine de remettre en cause tout le bénéfice attendu de l'opération (1) !
Or si la vie des affaires est rapide, celle du droit l'est moins. De fait, la question du calendrier s'avère déterminante pour mener à bien une restructuration. Partant de ce postulat, le juge, puis le législateur, ont admis que les parties puissent fixer une date d'effet différente de celle de la conclusion du contrat pour leur opération de restructuration, et notamment une date antérieure : on parle alors de rétroactivité (2). Cette dernière est aujourd'hui courante car elle permet de simplifier la réalisation, surtout pour la détermination des valeurs d'apport et de la parité d'échange.
Toutefois, lorsqu'une date d'effet rétroactive a été décidée par les parties, ces dernières sont tenues de prendre en compte toutes les conséquences de la date stipulée (3), ainsi que nous le rappelle l'arrêt du Conseil d'Etat, en date du 26 janvier 2011 (4). En l'espèce, la société Pinault Printemps Redoute (PPR) avait absorbé, le 30 septembre 1992, la Compagnie Internationale d'Ameublement (CIA). Pour des raisons pratiques (5), les deux sociétés avaient décidé de fixer la date d'effet de l'opération au 1er avril 1992.

Ayant réalisé une cession de titres de participation le 25 février 1992, la société CIA avait donc déclaré, au titre de la période allant du 1er janvier au 31 mars 1992, la plus-value correspondante. Estimant que la date d'effet juridique de l'opération était intervenue, non le jour de la date de cession, mais le 13 avril 1992, date de réalisation de la condition suspensive de l'opération, l'administration avait, en conséquence, réintégré la plus-value au titre de l'exercice commun ouvert postérieurement au 1er avril 1992.

La combinaison de la fusion et de la conclusion du contrat litigieux mettait donc en jeu deux "types" de rétroactivités différentes :
- l'une au titre de la fusion ;
- l'autre au titre de la conclusion d'un contrat sous condition suspensive.

Cet arrêt du Conseil d'Etat nous permet ainsi de revenir, d'une part, sur le traitement de la rétroactivité sur un plan juridique, comptable et fiscal, mais, également, de nous intéresser à la portée de cette rétroactivité, dans l'hypothèse où la société absorbée a conclu un contrat sous condition suspensive. En effet, si la décision de donner un effet rétroactif à une opération de fusion est pratique, il n'en demeure pas moins qu'elle n'est pas anodine.

I - La rétroactivité : une mention utile

Bien que juridiquement et fiscalement récente, la faculté offerte aux parties de stipuler une date antérieure pour l'effet d'une fusion offre l'indéniable avantage de la simplicité, comparativement à une opération "normale".

A - La nécessité d'une clause de rétroactivité

Classiquement, la fusion prend effet à la date de réalisation définitive de l'opération, c'est-à-dire à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération (6) (en pratique, il s'agit de la date de l'assemblée générale de la société absorbante). Toutefois, si cette date a le mérite de respecter le droit des tiers (7), elle ne simplifie pas le traitement comptable et fiscal des deux sociétés.

Il faut, en effet, avoir à l'esprit qu'une opération de ce type demande nécessairement plusieurs semaines de préparation (voire plusieurs mois s'il s'agit de sociétés cotées). Outre les nombreux audits (8) et la rédaction du projet de fusion, ces opérations exigent l'accomplissement de formalités complexes (9) qui prennent un certain temps, pour ne pas dire un temps certain (10).

Or, en ne retenant que la date d'approbation de la convention, les parties ne peuvent, par hypothèse, tenir compte de la période dite "intercalaire", c'est-à-dire correspondant à la période entre l'accord des parties sur la chose et sur le prix d'une part, (pour reprendre la terminologie civile d'un contrat de vente) et la réalisation de cet accord (11), d'autre part.

Pour prendre en considération cette période, qui peut être longue, les parties ont la faculté de donner un effet rétroactif à l'opération ; ceci a l'important avantage de simplifier le traitement comptable et fiscal de l'opération, puisqu'elle permet à la société absorbante de reprendre, dans ses comptes, le résultat réalisé par la société absorbée pendant cette période intercalaire.

B - La rétroactivité sur le plan juridique

Sur le plan juridique, les parties ont la possibilité de donner deux dates d'effet différentes :
- soit la date "classique" de réalisation définitive de l'opération, telle que décrite supra ;
- soit une date conventionnelle (12), fixée par les parties : celle-ci peut être postérieure ou antérieure à la date de réalisation définitive de l'opération.

Les parties ont donc la possibilité d'attribuer à l'opération une date d'effet différente de celle de la réalisation effective de l'opération (13). En pratique, la rétroactivité s'effectue par l'insertion d'une clause spéciale dans le traité de fusion.

Pourtant, le droit des sociétés s'accommode mal de la rétroactivité puisqu'il a vocation à organiser les droits des tiers et des associés. Dès lors, une distinction doit être opérée entre, d'une part, la date "d'effet", date de commencement de la prise en compte, par la société bénéficiaire, des apports des résultats de la société apporteuse (absorbée ou scindée), et, d'autre part, la date de "réalisation", date de transfert de la propriété des biens composant le patrimoine de la société apporteuse (absorbée ou scindée) au profit de la société bénéficiaire des apports (14).

S'agissant de cette dernière, l'article L. 236-3 du Code de commerce ([LXB=L6353AI7 ]) dispose, en effet, que le patrimoine des sociétés absorbées ou scindées est transmis à la société bénéficiaire dans l'état où ils se trouvent à la date de réalisation définitive de l'opération ; ceci rend impossible toute modification des parités d'échange des droits sociaux bien que les actifs nets aient très vraisemblablement fluctué pendant la période intercalaire.

En conséquence, seule la date d'effet peut être rétroactive, la date de réalisation de l'opération étant, dans tous les cas, la date de l'approbation de l'opération par les assemblées (15) ou l'expiration du délai d'opposition des créanciers ; il s'avérerait, de toute façon, pour le moins difficile de considérer que l'ensemble des actes juridiques accomplis par la société absorbée pendant la période intercalaire soient, par fiction, rétroactivement rattachés à la société absorbante. Ainsi la clause de rétroactivité n'a d'effet qu'entre les parties et ne concerne pas, sauf exception (16), les tiers ; pour ces derniers, ils doivent s'en tenir à la date de réalisation définitive de l'opération, celle à laquelle s'opère la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante (17).

C - Le traitement comptable

La date d'effet comptable d'une fusion est basée sur le même texte que la date d'effet juridique (18).

Toutefois, cette rétroactivité ne saurait remonter indéfiniment ; pour respecter le principe de spécialité des exercices, la date d'effet conventionnelle ne doit être :
- ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires ;
- ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine.

L'effet est donc limité à l'exercice comptable au cours duquel la fusion a été approuvée (19), mais permet ainsi de tenir compte de l'ensemble des opérations effectuées pendant la période intercalaire (20) ; ceci est, notamment, vrai en cas de "perte de rétroactivité, c'est à dire en cas de perte subie par la société absorbée pendant cette période (21)".

D - Le traitement fiscal

Sur le plan fiscal, et bien que le CGI soit muet sur ce point, le juge a reconnu, dans un arrêt de principe (22), la prise en compte des clauses de rétroactivité en admettant la déduction, par la société absorbante, des déficits provenant de la reprise des opérations réalisées par la société absorbée depuis la date d'effet prévue au contrat. L'administration fiscale a d'abord refusé aux contribuables cette faculté, estimant qu'il fallait recourir à l'évaluation des apports pour tenir compte de cette perte intercalaire (23), puis s'est finalement rangée à la décision du juge suprême (24).

Toutefois, la clause de rétroactivité ne joue qu'en matière d'impôt sur les sociétés ; elle n'est pas opposable à l'administration fiscale en matière de contribution économique territoriale, de taxe sur les salaires ou de TVA.

La décision des parties de donner un effet rétroactif à la convention se traduit par une fiction : l'ensemble des produits et charges, provenant de l'exploitation des activités apportées pendant la période intercalaire, considéré comme réalisé directement par la société absorbante (25). Ainsi, lorsque le traité d'apport fait rétroagir la date d'effet de cette convention, les sociétés sont tenues de prendre en compte toutes les conséquences de cette clause : l'ensemble des droits et obligations, les profits et charges (y compris donc, et surtout, lorsque les opérations se traduisent par un déficit (26)), mais aussi les amortissements, doivent être rattachés par la société absorbante au résultat de l'exercice au cours duquel la convention a été conclue (27). Cette rétroactivité agit donc comme une intégration fiscale de fait pour la période concernée (28).

Dès lors les parties ne peuvent, même partiellement, renoncer aux conséquences de la date d'effet pour la détermination de leurs résultats imposables. En réalité, il est aujourd'hui impossible de "scinder" une opération de fusion en deux parties avec des dates d'effets différentes : bien que pratique, cette faculté s'avèrerait pour le moins délicate à mettre en oeuvre, aussi bien pour l'administration fiscale que pour les contribuables eux-mêmes (29).

Plus encore, l'administration fiscale a précisé que les opérations réalisées pendant la période intercalaire entre les parties peuvent être neutralisées (abandon de créance, cession d'immobilisation, etc.) (30). Ainsi, les transactions réalisées entre les deux sociétés pendant cette période doivent être écartées pour la détermination du résultat imposable.

En l'espèce, les sociétés PPR et CIA avaient décidé de faire rétroagir la date d'effet de l'opération au 1er avril 1992. Chaque société a donc déclaré un seul exercice au titre de l'année 1992 : la société CIA pour la période du 1er janvier au 31 mars 1992 et la société PPR du 1er janvier au 31 décembre 1992 (comprenant les résultats de la société CIA entre le 1er avril et le 31 décembre 1992).

Le problème auquel étaient confrontés les juges n'était donc pas tant l'application de la rétroactivité, que les conséquences de cette rétroactivité sur les contrats passés par lesdites sociétés, et notamment le contrat de cession, dont la condition suspensive s'est réalisée, par la société CIA le 25 février 1992.

II - Conséquences de la rétroactivité sur un contrat sous condition suspensive

A - Sur le plan juridique

En vertu de l'article 1181 du Code civil (N° Lexbase : L1283AB7), "l'obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d'un événement futur et incertain, ou d'un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties. Dans le premier cas, l'obligation ne peut être exécutée qu'après l'événement. Dans le second cas, l'obligation a son effet du jour où elle a été contractée".

Tant que la condition est pendante, c'est-à-dire lorsque la condition ne s'est pas réalisée, le droit du créancier n'existe pas (31). A l'inverse, lorsque la condition se réalise, le droit est réputé exister dès le premier jour, soit lors de la conclusion du contrat (32).

Ainsi, un contrat passé sous condition suspensive entraîne donc ipso facto une rétroactivité de ses effets au jour de la conclusion du contrat, lorsque la condition se réalise (33).

En l'espèce, la société CIA avait conclu le contrat de cession le 25 février 1992, soit pendant la période comptable et fiscale antérieure à la fusion, laquelle ne rétroagissait que jusqu'au 1er avril 1992. Toutefois, ce contrat avait été conclu sous la condition de l'autorisation de son conseil d'administration, laquelle n'était intervenue que le 13 avril 1992, soit postérieurement à la date de fusion convenue par les parties.

Il s'agissait donc d'un contrat conclu sous condition suspensive, ainsi que l'a justement analysé le Conseil d'Etat (34). La condition s'étant réalisée, et sur un plan strictement juridique, la cession des titres par la société CIA était donc réputée s'être opérée le 25 février 1992, soit antérieurement à la date de fusion retenue par les parties.

Il n'en va pas de même sur les plans comptable et fiscal.

B - Sur le plan comptable

Sur le plan comptable, "seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture d'un exercice peuvent être inscrits dans les comptes individuels" (35). En outre, "pour calculer le résultat par différence entre les produits et les charges de l'exercice, sont rattachés à l'exercice [...] les produits acquis à cet exercice" (36).

S'agissant des contrats conclus sous condition suspensive, une incertitude existait quant à leur traitement comptable, tout au moins quand la condition était réalisée entre la date de clôture et la date d'arrêté des comptes. En effet, dans cette hypothèse, et sous réserve, également, que la réalisation de la condition était indépendante de la volonté des parties, rien ne s'opposait à ce que la plus-value résultant de cette cession ne soit pas comptabilisée à la date de clôture de l'exercice (37).

Cette incertitude est désormais levée : en cas de contrat conclu sous condition suspensive, le produit assorti d'une condition suspensive ne doit pas être comptabilisé à la date de clôture, parce qu'il n'est ni "réalisé" ni "acquis" au sens de la réglementation comptable (38). Il s'agit là ni plus ni moins que de l'application du principe de prudence.

C - Sur le plan fiscal

Le traitement fiscal ne diffère pas de l'approche comptable. S'agissant des plus-values et moins-values professionnelles, elles sont prises en compte au titre de l'exercice ou de l'année au cours desquels elles sont réalisées ou bien, le cas échéant, constatées.

Cette date coïncide généralement avec celle du transfert de propriété ; ainsi, en cas de vente, le transfert de propriété s'opère, sauf convention contraire des parties, dès l'accord sur la chose et sur le prix, même si le paiement du prix intervient à une date postérieure (39).

Mais ce n'est pas toujours le cas, comme en l'espèce. En effet, bien que la vente entre les parties fût parfaite dès le 25 février 1992, l'autorisation du conseil d'administration de la société CIA étant une condition suspensive du contrat de cession, les règles susmentionnées interdisaient la comptabilisation de cette opération tant que la condition ne s'était pas réalisée, soit au 13 avril 1992.

Dans l'hypothèse d'une fusion, comme dans le cas présent, la solution retenue ne varie pas, même lorsque le traité de fusion comporte une clause de rétroactivité. Ainsi, en cas de cession pendant la période intercalaire d'éléments non amortissables, c'est au nom de la société absorbante que sera réalisée la taxation de la plus-value (40) ; seule la qualité de débiteur de l'impôt change.

Il en est de même pour la cession de titres de participation : dans ce cas, ce sera la société absorbante qui sera réputée avoir cédé les titres, en retenant la valeur fiscale de ces éléments dans les comptes de la société absorbée (41).

La solution au litige ne faisait dès lors plus de doute : "considérant qu'il résulte de ce qui précède que si une vente initiée par la société absorbée pendant la période séparant l'ouverture de son exercice en cours et la date stipulée pour l'effet de son absorption ne devient parfaite qu'après cette date, cette opération doit être rattachée non aux résultats de la société absorbée au titre de cette période, mais à ceux de la société absorbante au titre de son exercice en cours". Ainsi, en raison de la rétroactivité souhaitée par les parties, la plus-value devait être rattachée par la société PPR à son propre exercice.

Pour les praticiens, cet arrêt confirme qu'il conviendra d'être -si cela est possible- encore plus attentif aux contrats conclus par la société absorbée. En effet, de la même manière que pour les contrats conclus intuitu personae (42) ou les clauses d'agrément, l'audit, qui doit être réalisé en amont de la fusion, devra révéler et appréhender les conditions suspensives, sous peine de retrouver dans les comptes de la société absorbante une plus-value que l'on croyait avoir d'ores et déjà évaluée au titre de l'actif net apportée par la société absorbée.


(1) Ainsi, le législateur a t-il créé un régime de faveur, destiné à atténuer les conséquences douloureuses de la cessation d'activité (CGI, art. 210-0A N° Lexbase : L3301IGD).
(2) Le Code de commerce envisage également la possibilité de donner une date postérieure. Cette hypothèse est rare en ce qui concerne les fusions mais relativement fréquente s'agissant des scissions et des apports partiels d'actifs soumis au régime des scissions.
(3) CE 7° et 8° s-s-r., 18 mars 1992, n° 62402, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0738AI8).
(4) On notera d'ailleurs que les arrêts relatifs à la rétroactivité des fusions sont relativement rares, ce d'autant plus que de telles clauses dans les traités de fusions sont elles extrêmement fréquentes.
(5) Voir supra.
(6) C. com., art. L. 236-4 (N° Lexbase : L6354AI8).
(7) En effet, une opération de fusion engage non seulement les deux parties, mais cette opération a des conséquences sur les actionnaires, les cocontractants, les créanciers, les marchés financiers, etc..
(8) Ce terme est parfois remplacé par celui de "due diligence". L'objectif est de permettre à l'acheteur, via l'analyse de l'information mise à sa disposition, de prendre une décision d'investissement, on distingue ainsi les "due diligences financières" et les "due diligence stratégiques" (sur cette question, et notamment la différence par rapport à l'audit légal, voir Mémento Expert Fusions et Acquisitions, n° 3160 et suivants).
(9) Par exemple, pour n'en citer qu'un, le projet de fusion, une fois établi et signé, doit être déposé au greffe du tribunal de commerce du lieu du siège social de chacune des sociétés absorbantes et absorbées (C. com., art. L. 236-6, alinéa 2 N° Lexbase : L6356AIA). Cette publicité doit être accomplie un mois au moins avant la date de la première assemblée générale appelée à statuer sur l'opération (C. com., art. R. 236-2 N° Lexbase : L2642IEL).
(10) L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris 5ème ch., 29 novembre 2007, n° 06PA01361, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9310D39) en fait d'ailleurs mention : "si les deux sociétés sont convenues, comme elles y sont d'ailleurs généralement contraintes par les délais nécessaires notamment à l'évaluation des apports et à la réunion des organes délibérants des deux personnes morales, de donner effet à la fusion à une date déterminée, antérieure à celle à laquelle la convention est définitivement conclue".
(11) Soit par exemple, deux sociétés A et B, dont les exercices sont basés sur l'année civile, qui décident de fusionner le 1er mars 2011. A cette date, les deux parties se sont entendues sur le prix d'acquisition (ou d'échange, selon) et sur les modalités de l'opération. Toutefois, les deux assemblées générales ne seront convoquées que le 1er mai 2011, temps destiné, d'une part, à convoquer lesdites assemblées, mais, aussi, à préparer les conventions, définir le nouvel organigramme, etc.. Si la convention ne prévoit rien, la date de réalisation effective de l'opération interviendra le 1er mai. Or, pendant ce délai de deux mois (soit entre le 1er mars et le 1er mai), chaque entité est considérée comme indépendante fiscalement et peut ainsi réaliser toutes les opérations nécessaires à son activité. De fait, l'évaluation du prix et/ou des apports qui avait fait l'objet d'un consensus le 1er mars peut s'en trouver altérer.
(12) Faculté reconnue par l'article L. 236-4 du Code de commerce. Il convient par ailleurs de noter que cette rétroactivité n'est pas limitée aux fusions ou opérations assimilées placées sous le régime de faveur (CGI, art. 210 A N° Lexbase : L3936HLD et suivants). Elle est en revanche impossible, d'un point de vue juridique et comptable, s'agissant d'une transmission universelle du patrimoine (TUP - en ce sens, voir Comité Juridique Ansa du 7 juillet 2004).
(13) Cette possibilité n'est possible, selon le Code de commerce (article L. 236-4), que dans l'hypothèse où la société absorbante existe préalablement à l'opération. A contrario, il ne semble pas possible, juridiquement, de donner un effet rétroactif à l'opération en cas de fusion par création d'une société nouvelle.
(14) En ce sens, voir étude par Jean Paillusseau, JCP éd. E n° 40, 5 octobre 2000 ; Dominique Villemot et Catherine Barthès-Bonaly, Revue de droit fiscal n° 27, 3 juillet 1995, page 1100.
(15) C'est, en effet, à cette date que le commissaire à la fusion doit vérifier que l'actif net apporté est au moins égal à l'augmentation de capital de la société absorbante augmentée, le cas échéant, de la prime de fusion (C. com., art. L. 236-10 N° Lexbase : L2498IB7 et R. 225-8 N° Lexbase : L0143HZC).
(16) C'est notamment le cas en matière d'intéressement, où, de façon dérogatoire, la rétroactivité aurait un effet sur les salariés qui seraient, fictivement, considérés comme ayant changé d'employeur à une date antérieure : le résultat servant de base à la détermination des primes d'intéressement sera celui déterminé sur le résultat de l'exercice ouvert au 1er jour de la période de rétroactivité (en ce sens, voir Cass. soc., 23 février 1983, n° 81-16.106 N° Lexbase : A6648CI3 ; Cahiers de droit de l'entreprise n° 5, Septembre 2010, dossier 26).
(17) Voir par exemple Cass. com., 23 mars 1999, n° 96-20.555, publié au Bulletin (N° Lexbase : A8037AGR), à propos du sort de la caution : "mais attendu que la cour d'appel, ayant retenu par motifs propres et adoptés que l'opération de fusion n'est devenue définitive que le 14 janvier 1994, date de l'assemblée générale de la société CIA [...] qui approuvait le projet de fusion et date à laquelle s'est opérée la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante et que la totalité de la créance était exigible depuis septembre 1993, c'est à bon droit que, sans dénaturer les documents visés au moyen et en justifiant légalement sa décision, la cour d'appel a décidé que la caution ne pouvait se prévaloir de la date d'effet au 1er janvier 1993, convenue entre les parties à la fusion".
(18) C. com., art. L. 236-4, précité. Il convient de noter qu'en cas d'établissement de comptes consolidés (établis en règles françaises), c'est la date de prise de contrôle effective qui doit être retenue, même en cas de clause de rétroactivité.
(19) C. com., art. L. 236-4, précité. CE Section, 12 juillet 1974, n° 81753, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7621AYW), confirmé par la suite par CE 7° 8° et 9° s-s-r., 16 mai 1975, n° 92372, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1185B8E), ainsi que par les commentaires de l'administration fiscale (BOI n° 4 I-2-00 du 3 août 2000, n° 84 et suivants N° Lexbase : X6075AAA). Pour reprendre notre exemple, la rétroactivité ne saurait remonter au-delà du 31 décembre 2010, date de clôture des deux sociétés.
(20) Par exemple, le versement de dividendes, ou encore une augmentation de capital de la société absorbée.
(21) En cas d'effet rétroactif, lorsque la valeur des apports à la date d'effet risque de devenir, du fait d'une perte intercalaire, supérieure à la valeur réelle globale de la société à la date de réalisation de l'opération, une provision pour perte de rétroactivité est constatée au passif pris en charge dans le traité d'apport, réduisant d'autant le montant des apports pour répondre à l'obligation de libération du capital (Règlement comptable CRC n° 2004-01, paragraphe 5.1).
(22) CE Section, 12 juillet 1974, n° 81753, publié au recueil Lebon, précité.
(23) L'administration fiscale s'est appuyée sur un avis de la Commission des opérations de bourse (COB ; devenue AMF depuis la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, de sécurité financière, dite "LSF" N° Lexbase : L3556BLB) de février 1982 sur le traitement comptable de la perte intercalaire (Bull. COB février 1982, p. 6) : "si la société absorbée subit des pertes pendant la période de rétroactivité, il faudra en tenir compte dans l'évaluation des apports".
(24) BOI 4 I-1-93 du 11 août 1993 (N° Lexbase : X0827AAU), confirmé par BOI 4 I-2-00 du 3 août 2000.
(25) Comme le résume le commissaire du Gouvernement Arrighi de Casanova dans ses conclusions sous l'arrêt CE 8° et 9° s-s-r., 16 juin 1993, n° 70446, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0070ANW), "la notion de prise d'effet rétroactif de la fusion signifie en effet que l'activité de l'absorbée est censée avoir pris fin à la date de la rétroactivité [...]. A cette date, c'est l'absorbante qui se substitue à l'absorbée".
(26) CE, 12 juillet 1974, n° 81753, précité, confirmé par l'arrêt CE, 16 juin 1993, n° 70446, précité, qui a précisé toutefois que la perte de liquidation subie par la société absorbée, avant la date à laquelle le bilan d'apport a été dressée, constitue un élément dont les parties au traité de fusion ont déjà tenu compte dans l'évaluation de l'actif net transféré et qui, partant, n'est donc pas déductible du bénéfice imposable de la société absorbante.
(27) CE 7° et 8° s-s-r., 18 mars 1992, n° 62402, précité.
(28) Dans l'hypothèse, justement, où les deux sociétés faisaient partie d'un même groupe fiscalement intégré, la rétroactivité permet d'éliminer les conséquences fiscales de la sortie de groupe puisque les résultats seront réputés être réalisés par la société absorbante directement.
(29) BOI n° 4 I-2-00 du 3 août 2000, n° 88 : "les sociétés apporteuses et bénéficiaires des apports sont tenues de prendre en compte toutes les conséquences de la date d'effet pour la détermination de leurs résultats imposables. Elles ne peuvent pas renoncer, même partiellement, aux conséquences de la date d'effet stipulée dans le traité d'apports".
(30) BOI n° 4 I-2-00 du 3 août 2000, n° 110 : "les opérations réalisées pendant la période intercalaire entre la société apporteuse et la société bénéficiaire de l'apport au titre des activités apportées ne sont pas prises en compte pour la détermination des résultats imposables de la société bénéficiaire de l'apport". C'est, notamment, le cas pour le versement de dividendes, qui doit donc être soustrait du résultat de la société bénéficiaire de la distribution. S'il bénéficie du régime des sociétés mères et filiales, la société mère n'a donc pas à comprendre dans son résultat la quote-part de frais et charges prévue à l'article 216 du CGI (BOI n° 4 I-2-00 n° 111). On relèvera qu'au plan comptable, ces opérations doivent être annulées (voir note 20 supra).
(31) Le droit du créancier est en "germe", une "espérance de droit", pour reprendre l'expression de certains auteurs (Philippe Malaurie/Laurent Aynès - Les obligations, édition Defresnois, n° 1238 et suivants).
(32) Voir par exemple, Cass. civ. 3, 19 février 1976, n° 74-12.154, publié au Bulletin (N° Lexbase : A1033CI4).
(33) Dans le cas inverse, c'est-à-dire lorsque la condition est défaillante, le droit est réputé n'avoir jamais existé : le contrat est donc caduc (en ce sens, Taisne, th., n° 302, p. 418).
(34) L'arrêt relève que la société avait, elle-même, indiqué que la cession litigieuse s'était effectuée sous la condition suspensive de l'autorisation du conseil d'administration, dans sa réponse à la notification de redressements, puis dans sa réclamation.
(35) C. com., art. L. 123-21 (N° Lexbase : L5579AIH), repris à l'article 313-2 du Règlement comptable CRC n° 99-03.
(36) Article 313-2 du Règlement comptable CRC n° 99-03.
(37) Cette incertitude est née d'une position de la COB (devenue l'AMF) dans son rapport annuel 1995 (page 110) : "des sociétés se sont interrogées sur la déconsolidation, à la date de clôture, de filiales pour lesquelles des accords de cession étaient intervenus en fin d'année, accompagnés d'une condition indépendante de la volonté des parties [...]. Si les textes prévoient la déconsolidation d'une filiale destinée à être cédée, ils ne précisent pas explicitement le traitement à retenir dans cette situation [...]. La Commission a considéré que la déconsolidation patrimoniale de ces filiales pouvait s'effectuer à la date de clôture, les flux de l'exercice étant conservés dans le compte de résultat consolidé, conformément à la position exprimée antérieurement".
(38) Avis n° 2005-E du 6 septembre 2005 du Comité d'Urgence du Conseil National de la Comptabilité.
(39) Voir par exemple, CE 3° et 8° s-s-r., 7 juillet 2000, n° 208508, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5195B7K), sur la présentation de l'acte à la formalité de l'enregistrement : "considérant que la cession par la société [...] à la société [...] est intervenue par un acte sous seing privé en date du 6 octobre 1983 ne comportant aucune condition suspensive et qui doit être réputé fixer la date à laquelle l'accord a eu lieu sur la chose et le prix ; que la circonstance que l'acte sous seing privé n'a été présenté à la formalité de l'enregistrement que le 7 novembre 1983 et que la société [...] n'a reçu le prix de la vente que le 25 novembre suivant est sans influence sur la date à laquelle la cession des immeubles dont il s'agit a effectivement eu lieu".
(40) Cette plus-value sera calculée selon la valorisation fiscale de l'élément cédé dans les comptes de la société absorbée.
(41) En ce sens, BOI n° 4 I-2-00 du 3 août 2000. Ainsi, si les titres sont détenus par la société absorbée depuis plus de deux ans, la cession relèvera du régime des plus-values à long terme.
(42) La jurisprudence et la doctrine s'accordent à considérer que les contrats conclus intuitu personae ne sont pas transmis de plein droit dans le cadre d'une fusion (voir pour un exemple, Cass. com., 13 décembre 2005, n° 03-16.878, F-P+B N° Lexbase : A9814DL3 pour le cas d'un "contrat d'agent revendeur").

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