La lettre juridique n°433 du 24 mars 2011 : Agent immobilier

[Questions à...] Le démarchage à domicile des agents immobiliers - Questions à Maître Romain Rossi-Landi, avocat au barreau de Paris

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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

le 27 Mars 2011

En vertu de l'article L. 121-21 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6585ABI), est soumis aux dispositions de ce code relatives au démarchage à domicile "quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services. Est également soumis aux dispositions de la présente section le démarchage dans les lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé et notamment l'organisation par un commerçant ou à son profit de réunions ou d'excursions afin de réaliser les opérations définies à l'alinéa précédent". Ces dispositions visent tous les biens et donc en particulier les biens immobiliers. L'application aux agents immobiliers des dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile est une solution bien acquise par la jurisprudence (cf., notamment, Cass. crim., 28 novembre 2000, n° 00-81.963 N° Lexbase : A3898CKL). Elle constitue toutefois une spécificité française eu égard au droit communautaire puisque la Directive 85/577 du 20 décembre 1985, relative à la protection des consommateurs dans le cas des contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (N° Lexbase : L9639AUK), exclut expressément de son champ d'application, en son article 5, les "contrats relatifs à la construction, à la vente et à la location des biens immobiliers ainsi qu'aux contrats portant sur d'autres droits relatifs à des biens immobiliers". Le législateur français a ainsi choisi d'assurer une protection renforcée au consommateur immobilier. Mais qu'advient-il de cette spécificité dans le cadre de la proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs (1) ? Pour faire le point sur cette question du démarchage à domicile en matière immobilière qui peut soulever des difficultés en pratique, Lexbase Hebdo - édition privée a rencontré Maître Romain Rossi-Landi, avocat au barreau de Paris (2), qui a accepté de répondre à nos questions. Lexbase : Dans quels cas précis la législation relative au démarchage à domicile est-elle applicable en matière immobilière ?

Romain Rossi-Landi : La réglementation relative à la protection de la personne démarchée des articles L. 121-21 à L. 121-23 du Code de la consommation s'applique dès l'instant où le contrat est bien conclu "à la suite d'un démarchage à domicile", même demandé par la personne démarchée.

Peu importe donc que le démarchage soit spontané ou ait été provoqué par une demande du client.

Par ailleurs, l'application de la réglementation n'opère aucune distinction suivant la nature de l'opération réalisée en conséquence du démarchage. Elle suppose la présence physique du démarcheur, professionnel, au domicile du non-professionnel.

Peu importe donc que l'opération envisagée soit une vente, un achat, une location-vente.

La promesse de vente immobilière conclue en suite du démarchage au domicile du vendeur, à son initiative, est soumise aux dispositions relatives au démarchage à domicile (Cass. civ. 1, 3 juillet 2008, n° 06-21.877, FS-P+B+R N° Lexbase : A4821D9G)

Lexbase : Dans quels cas le dispositif n'est-il pas applicable ?

Romain Rossi-Landi : La réglementation relative au démarchage à domicile ne s'applique pas dans tous les cas où le contrat est signé dans un lieu habituel de vente (agences immobilières, notamment).

La jurisprudence a également précisé que la signature au domicile du consommateur d'un contrat dont les conditions essentielles avaient été arrêtés dans un salon professionnel, lieu destiné à la commercialisation, ne procède pas d'un démarchage à domicile (Cass. crim., 7 juin 2006, n° 05-86.956 N° Lexbase : A7684HEC).

Par ailleurs, il convient de distinguer la signature d'un contrat de mandat de recherche, de la signature de l'offre de vente qui fait suite à ce contrat de mandat. En effet, selon un arrêt récent de la première chambre civile de la Cour de cassation, "ne constitue pas un acte de démarchage, la transmission d'une offre d'achat, faite au domicile des vendeurs par un agent immobilier auquel ceux-ci avaient précédemment confié un mandat de recherche d'acquéreurs pour le bien considéré" (Cass. civ. 1, 14 janvier 2010, n° 09-11.832, FS-P+B N° Lexbase : A3116EQH).

S'agissant d'une transmission par courrier, il faut considérer que le déplacement d'un professionnel au domicile d'un consommateur, pour l'étude des lieux et la prise de mesures nécessaires à l'établissement d'un devis envoyé ultérieurement par voie postale, qui n'a donné lieu à aucun engagement du destinataire ne constitue pas un démarchage au domicile.

Lexbase : Quels sont les conseils pratiques à donner aux agents immobiliers pour éviter de tomber sous le coup de la sanction ?

Romain Rossi-Landi : Dans la pratique, il est très fréquent que l'agent immobilier soit contacté à la demande du propriétaire vendeur pour qu'il procède à l'évaluation de son bien immobilier en vue de sa mise en vente.

Il faut alors éviter que le mandat de vente soit signé le jour de l'estimation du bien sur place au domicile du vendeur.

Il est préférable dans cette hypothèse pour l'agent immobilier de demander à son mandant de se déplacer à l'agence pour signer le mandat.

A défaut, le mandat devra prévoir la faculté de rétractation et répondre au formalisme prévu par l'article L. 121-23 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6587ABL).

Le mandat devra ainsi :

- préciser la durée du délai de rétractation (sept jours au bénéfice du mandant à compter de la date de signature) ;
- prévoir au mandat un coupon détachable ;
- reproduire littéralement les articles concernés du Code de la consommation.

Les agents immobiliers doivent donc être vigilants car le non-respect de ce formalisme est sanctionné par la nullité relative de la convention litigieuse (Cass. civ. 1, 28 novembre 1995, n° 93-16.055 N° Lexbase : A8061C4C) et, partant, le non-versement de la commission (Cass. civ. 1, 26 juin 2001, n° 99-14.642 N° Lexbase : A8042ATZ).

Lexbase : La spécificité française d'une protection renforcée des consommateurs en matière de démarchage à domicile des agents immobiliers est-elle susceptible d'évoluer dans le cadre de la proposition de Directive européenne relative aux droits des consommateurs ?

Romain Rossi-Landi : Un compromis semble avoir été trouvé en raison des exigences françaises de protection du consommateur.

La France s'est, en effet, opposée à la rédaction initiale de la proposition de Directive qui induisait la suppression de certains dispositifs légaux ou réglementaires nationaux, comme justement les règles de formation des contrats en matière de démarchage à domicile.

La dernière mouture de la proposition de Directive issue de ce compromis prévoit le principe et les modalités d'un droit de rétractation pour le consommateur dans le cadre des contrats de vente à distance et des contrats hors établissement, afin de permettre au consommateur de s'assurer du bon fonctionnement du bien dans le cas d'un contrat de vente à distance, et de pouvoir exercer son libre arbitre sans pression psychologique dans le cadre d'un contrat hors établissement.

Ce principe est fixé par l'article 12 du nouveau texte qui prévoit que "le consommateur a le droit de se rétracter d'un contrat à distance ou d'un contrat hors établissement sans avoir à motiver sa décision et sans autres coûts que ceux visés à l'article 17".

Le consommateur dispose de ce droit de rétractation durant un délai de quatorze jours, ce qui constitue pour lui une avancée par rapport à notre droit interne, qui fixe ce délai à sept jours.

Il faut donc s'attendre à une modification de l'article L. 121-23 du Code de la consommation lors de la transposition de la Directive qui devrait intervenir dès l'été prochain.


(1) Cf. le rapport du sénateur Gérard Cornu, déposé le 9 février 2011, sur la proposition de résolution européenne n° 250 (2010-2011) sur la proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs (E 4026).
(2) Cf. www.rossi-landiavocat.fr.

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